Vu la procédure suivante :
L'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et d'autres requérants ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 avril 2017 par lequel le préfet de la Somme a autorisé la société Parc éolien Nordex LIX à exploiter un parc éolien comprenant neuf aérogénérateurs et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Douilly et Matigny.
Par un jugement n° 1702246 du 14 février 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 7 avril 2017 du préfet de la Somme.
Saisie par la société Parc éolien Nordex LIX, la cour, par un arrêt avant dire droit no 20DA00655 du 14 juin 2022, d'une part, a annulé l'arrêté du 7 avril 2017 par lequel le préfet de la Somme a autorisé la société Parc éolien Nordex LIX à exploiter un parc éolien en tant qu'il porte sur les éoliennes E1, E5 et E10 et a remplacé les mentions de cet arrêté relatives au montant des garanties financières et, d'autre part, a sursis à statuer sur l'appel présenté par la société Parc éolien Nordex LIX jusqu'à ce que la préfète de la Somme ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation selon les modalités définies dans l'arrêt, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêt.
Par des mémoires enregistrés le 15 novembre 2022 et le 27 février 2023, la société Parc éolien de la voie Corette, anciennement dénommée Parc éolien Nordex LIX, représentée par Me Hélène Gelas, a communiqué à la cour l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet de la Somme ayant modifié l'arrêté du 7 avril 2017 et a conclu au rejet de la requête de l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et autres ainsi qu'à la mise à la charge de chacun des intimés de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté du 14 novembre 2022 régularise l'ensemble des vices relevés par le précédent arrêt de la cour.
Par des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2022 et 12 décembre 2022, l'association pour la sauvegarde naturelle de nos villages en pays hamois et autres, représentés par Me Francis Monamy, concluent à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme du 14 novembre 2022 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Somme de verser aux débats l'ensemble des éléments de la procédure de régularisation, hormis ceux déjà en leur possession.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté modificatif du 14 novembre 2022 méconnaît l'article A 8.1 du plan local d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune de Matigny ;
- l'avis du propriétaire de la parcelle ZC 2 sur laquelle s'implantent désormais les postes de livraison n'a pas été recueilli, en méconnaissance des dispositions du code de l'environnement.
La clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2023 à 12 heures par une ordonnance du 27 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Tatiana Boudrot, représentant la société Parc éolien de la voie Corette.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet de la Somme a délivré une autorisation unique à la société Parc éolien Nordex LIX pour la construction et l'exploitation de neuf aérogénérateurs et de quatre postes de livraison sur les territoires des communes de Douilly et Matigny. Saisi par l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et par d'autres demandeurs, le tribunal administratif d'Amiens a annulé, par un jugement du 14 février 2020, l'arrêté du 7 avril 2017.
2. Par un arrêt du 14 juin 2022, la cour a annulé cet arrêté en ce qu'il autorise les éoliennes E1, E5 et E10 et en a modifié les dispositions sur les garanties financières. Elle a également sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation sur la localisation des postes de livraison et sur l'information du public en ce qui concerne les capacités financières. La société Parc éolien Nordex LIX est devenue la société Parc éolien de la voie Corette. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet de la Somme a régularisé l'autorisation sur les vices relevés par la cour. L'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et autres demandent à la cour l'annulation cet arrêté du 14 novembre 2022 et soutiennent que celui-ci n'a pas régularisé l'autorisation accordée par l'arrêté contesté du 14 juin 2017.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / (...) ".
5. Si, en application du 1° de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, les autorisations uniques délivrées au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance.
6. Par ailleurs, lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe afin de permettre à l'administration de régulariser l'illégalité par une autorisation modificative.
Sur le vice relatif à la présentation des capacités financières :
7. D'une part, il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a déposé un dossier de régularisation de sa demande le 9 septembre 2022. Ce dossier comprenait une lettre d'engagement du 6 juillet 2022 de la société RWE Renewables, société mère de la société du parc éolien de la voie Corette, par laquelle cette société mère s'engageait à garantir les obligations de sa filiale à hauteur de 40,008 millions d'euros. L'investissement nécessaire pour la réalisation du parc a été chiffré dans le dossier de régularisation à 33 millions d'euros. Le dossier comprenait également les éléments essentiels du bilan financier du groupe RWE pour les années 2015 à 2019.
8. D'autre part, ce dossier de régularisation a été porté à la connaissance du public lors de la consultation dématérialisée organisée sur le site internet de la préfecture du 20 septembre au 4 octobre 2022.
9. Dans ces conditions, l'irrégularité relative à la présentation des capacités financières dans le dossier de demande d'autorisation, au regard du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, a été régularisée.
Sur le vice relatif à la méconnaissance de l'article A 8.1 du plan local d'urbanisme de la commune de Matigny :
10. Aux termes de l'article A 8.1 du plan local d'urbanisme de la commune de Matigny : " Entre deux bâtiments non contigus, doit toujours être aménagée une distance suffisante pour permettre l'entretien facile des marges d'isolement et des bâtiments eux-mêmes, ainsi que le passage et le fonctionnement du matériel contre l'incendie. Cette distance ne peut être inférieure à 5 mètres ".
11. Il résulte du plan de masse compris dans le dossier de régularisation que les trois postes de livraison autorisés par l'arrêté du 14 novembre 2022 sont distants les uns les autres d'une distance de 5 mètres. Par suite, le vice tiré de la méconnaissance de l'article A 8.1 du plan local d'urbanisme a été régularisé et le moyen tiré de l'absence de régularisation de ce vice, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée, doit être écarté.
Sur l'avis des propriétaires de la parcelle où sont implantés les postes de livraison :
12. Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) 11° Pour les installations à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le pétitionnaire, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation et, en particulier, sur l'usage futur du site, au sens du I de l'article D. 556-1 A ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le pétitionnaire ; / (...) ".
13. En application des dispositions citées au point 2, la modification postérieurement au 1er mars 2017 d'une autorisation unique délivrée, même lorsque cette modification résulte d'une régularisation prescrite par la juridiction administrative, suit le régime applicable aux autorisations environnementales. Les dispositions précitées de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement sont donc applicables à la procédure de régularisation en cause.
14. Les postes de livraison du projet ont été déplacés, dans la demande modificative de la société Parc éolien de la voie Corette, sur la parcelle ZC 2 sur le territoire de la commune de Matigny. Les intimés soutiennent que le dossier de cette demande ne comportait pas l'avis des propriétaires de cette parcelle sur l'état dans lequel le site devrait être remis en état après la fin de l'exploitation du parc, en violation du 11° du I de cet article D. 181-15-2.
15. Toutefois, d'une part, l'éolienne E 5, dont l'autorisation a été annulée par l'arrêt de la cour du 14 juin 2022, était initialement implantée sur cette parcelle. Or les propriétaires de ce terrain avaient donné leur accord, le 19 février 2015, sur le démantèlement et la remise en état du parc, à savoir " le démantèlement des éoliennes et postes de livraison, l'excavation des fondations, à un mètre de profondeur par rapport au niveau du terrain naturel, l'enlèvement des câbles, dès lors que leur maintien pose problème à l'usage des terrains, dans le périmètre de 10 mètres environ des éoliennes et du poste de livraison et le décaissement des aires de grutage et des chemins d'accès, sauf si le propriétaire souhaite leur maintien en l'état ".
16. Si cet accord avait été donné pour l'implantation d'une éolienne et non de trois postes de livraison, les indications qu'il comporte sur les obligations de l'exploitant valent également pour les postes de livraison, les conditions de démantèlement de postes de livraison n'étant pas plus exigeantes que celles d'une éolienne.
17. D'autre part, la circonstance que l'usufruitière de la parcelle ZC 2, signataire de l'accord, soit décédée ne remet pas en cause la validité de cet accord, d'autant que la société pétitionnaire indique sans être contredite que la nue propriétaire de cette parcelle, également signataire de l'accord, en détient désormais la pleine propriété. Ainsi, rien ne démontre que cet accord soit devenu caduc.
18. Dans ces conditions, une nouvelle consultation des propriétaires concernés n'était pas nécessaire et le moyen invoqué à ce titre doit donc être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède, aucun autre moyen n'étant développé à l'encontre de l'arrêté de régularisation du 14 novembre 2022, que la société Parc éolien de la voie Corette est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement du 14 février 2020, a annulé l'arrêté du 7 avril 2017 du préfet de la Somme en tant qu'il a accordé l'autorisation unique des aérogénérateurs E2, E3, E6, E7, E11 et E12 sur le territoire de la commune de Douilly et de trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Matigny.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Parc éolien de la voie Corette, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et autres la somme demandée par la société Parc éolien de la voie Corette au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 7 avril 2017 du préfet de la Somme est annulé en tant qu'il a accordé l'autorisation unique des aérogénérateurs E1, E5 et E10.
Article 2 : Le surplus de la demande de l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois et autres est rejeté.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 1702246 du 14 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de la voie Corette, à l'association pour la sauvegarde de l'espace naturel de nos villages en pays hamois qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Matigny.
Copie en sera adressée au préfet de la Somme et à la commune de Douilly.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé :
D. PerrinLe président de la 1ère chambre,
Signé :
M. A...
La greffière,
Signé:
C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
2
No 20DA00655