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27/04/2023 | FRANCE | N°19DA02567

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 19DA02567


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 19DA02567 du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux,

M. C... du Douët de Graville et Mme B... du Douët de Graville épouse E..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes e

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Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 19DA02567 du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux,

M. C... du Douët de Graville et Mme B... du Douët de Graville épouse E..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Vattetot-sous-Beaumont et de Saint-Maclou-la-Brière, jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par des mémoires enregistrés les 4 octobre 2022, 23 décembre 2022 et 3 février 2023, la société éolienne Centrale éolienne La Briqueterie, représentée par la société d'avocats Kalliopé, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés les 28 novembre 2022, 20 janvier 2023, 17 février 2023 et 20 février 2023, ce dernier mémoire complétant et rectifiant celui du 17 février 2023, l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. C... du Douët de Graville et Mme B... du Douët de Graville épouse E..., représentés par Me Sébastien Echezar, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 26 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 30 septembre 2022 portant régularisation de l'arrêté du 26 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'étude acoustique est insuffisante :

* eu égard aux forces de vent telles que mesurées par la rose des vents annuelle du site ;

* du fait de l'augmentation de la puissance des éoliennes ;

* en ce qu'elle minimise l'impact acoustique ;

* en ce que le positionnement du point de mesure n° 6 augmente le bruit résiduel ;

* eu égard aux lacunes mises en exergue par l'expert mandaté par les requérants ;

* en raison des lacunes dans la présentation des conditions de vérification et dans la présentation des mesures de bridage ;

* en ce qu'elle applique une méthode dégagée par une norme inapplicable ; à cet égard, les requérants invoquent, par la voie de l'exception, l'illégalité de la norme AFNOR appliquée en l'espèce qui ne permet pas d'assurer le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et aux articles 1er et 6 de la Charte de l'environnement ;

* en l'absence de mise à jour des données sur la rentabilité de la société ;

* dans la présentation des variantes ;

* en ce qu'elle ne présente pas suffisamment les mesures de protection des espèces protégées ;

- le tableau de comparaison entre l'ancien modèle et le nouveau modèle des éoliennes n'a pas été soumis au public ;

- le rapport du commissaire enquêteur est insuffisant ;

- le délai de l'enquête publique était insuffisant ;

- la réglementation ne sera pas respectée pendant 40 % du temps ;

- les insuffisances de l'étude d'impact et de l'étude acoustique révèlent une insuffisante préservation de la santé des riverains et de la salubrité publique, auxquelles se réfèrent les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- les atteintes à la santé résultent également de la référence à la norme NFS 31-114 ;

- le projet aurait dû faire l'objet d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ;

- l'enquête publique complémentaire a révélé l'existence de mesures de protection à respecter du fait de la présence d'un oléoduc ; ils sont ainsi fondés à soulever les moyens tirés de ce que l'étude de danger était insuffisante et de ce que le projet porte atteinte à la sécurité.

Par une ordonnance du 14 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 23 mars 2023, les parties ont été informées que la cour était susceptible de sursoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, en vue de permettre la régularisation, d'une part, du vice tenant à l'atteinte à la sécurité en raison du non-respect de l'ensemble des prescriptions techniques posées par la société Trapil dans son courrier du 24 juin 2022 et, d'autre part, du vice tenant à la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en l'absence de modalités permettant de mettre en œuvre, rapidement si nécessaire, un plan de bridage.

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2023, la société Centrale éolienne La briqueterie a présenté ses observations. Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'atteinte à la sécurité est inopérant ;

- en tout état de cause, elle a fourni l'étude sollicitée par la société Trapil, qui a conclu à un recul de l'éolienne E4 à une distance de 268 mètres du réseau ; ce déplacement fera l'objet d'un porter à connaissance auprès du service instructeur ; un délai de six mois serait alors nécessaire pour délivrer un arrêté complémentaire autorisant le déplacement de l'éolienne E 4 ;

- un plan de bridage ainsi que son adaptation et son renforcement ont été prévus par l'arrêté préfectoral ; les prescriptions sont donc suffisantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Sébastien Echezar, représentant l'association Belle Normandie Environnement et autres, et de Me Chloé Daheron, représentant la société éolienne de la Briqueterie.

Une note en délibéré présentée par l'association Belle Normandie Environnement a été enregistrée le 14 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Centrale éolienne La Briqueterie à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Vattetot-sous-Beaumont et de Saint-Maclou-la-Brière.

2. Par son arrêt avant-dire droit du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a jugé que le caractère suffisant de l'étude acoustique n'était pas démontré et que le caractère suffisant des prescriptions visant à réduire les nuisances sonores et notamment le plan de bridage n'était pas établi. En conséquence, jugeant que ces illégalités pouvaient être régularisées par la réalisation d'une étude acoustique permettant d'apprécier l'impact sonore du parc projeté et de préciser les prescriptions et notamment le plan de bridage acoustique devant être mis en œuvre, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de l'arrêt.

3. La société Centrale éolienne La Briqueterie a communiqué à la cour l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 30 septembre 2022 portant régularisation de l'arrêté du 26 juillet 2019. Les requérants demandent à la cour d'annuler ces deux arrêtés.

4. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

5. A compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour régulariser une autorisation environnementale, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'elle n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

6. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date.

Sur les moyens inopérants :

7. En premier lieu, les requérants font valoir qu'il résulte du nouvel avis de la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) émis dans le cadre de la procédure de régularisation, que sa recommandation initiale portant sur la présentation des variantes n'a pas été suivie d'effet, tandis que sa recommandation portant sur les mesures de protection des espèces protégées n'a été que partiellement suivie. Ces deux vices, ainsi que celui tiré de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, qui ne portent ni sur le vice objet de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure et n'ont pas été révélés par l'avis émis par la MRAe qui s'est bornée à confirmer son avis initial, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

8. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté initial mentionne la norme NFS 31-114 est inopérant, dès lors que le vice ainsi invoqué ne porte ni sur le vice objet de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure et n'a pas été révélé par la procédure de régularisation.

Sur les moyens opérants de légalité externe :

S'agissant de l'étude acoustique :

9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude acoustique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

En ce qui concerne la direction des vents :

10. Il résulte de la rose des vents annuelle du site que le vent souffle majoritairement d'un large secteur sud-ouest puis de secteur nord-est et que le secteur nord-ouest est en revanche moins important. Pour réaliser la nouvelle étude acoustique, deux campagnes ciblées ont été réalisées, l'une du 24 novembre au 9 décembre 2021 et l'autre du 16 au 22 décembre 2021. Dans ses notes du 8 décembre 2022 et du 30 janvier 2023, la société Orféa acoustique précise que ces deux campagnes ont eu pour objectif de caractériser respectivement, d'une part, le secteur sud-ouest et nord-ouest, d'autre part, le secteur nord-est, dès lors que des vents couvrant ces secteurs sont apparus durant les périodes d'étude respectives.

11. D'une part, il résulte de la rose des vents survenus dans le cadre de cette campagne de mesure, que le secteur sud-ouest a été couvert ainsi que le secteur nord-ouest. Si certaines sous-parties du secteur nord-est ont été peu couvertes, il n'en demeure pas moins qu'une grande partie de ce secteur a bien été couverte par l'étude. Si les requérants font également valoir que le nombre de mesures a été insuffisant dans ce secteur, pour les vents supérieurs ou égaux à 7m/s, il résulte de l'étude acoustique qu'une extrapolation a été réalisée du fait de l'absence de données pour les hautes vitesses et il ne résulte pas de l'instruction que cette méthodologie serait dépourvue de fiabilité. Il ne peut ainsi être reproché au bureau d'études de ne pas avoir prolongé l'étude et de ne pas avoir réalisé d'étude complémentaire en mars ou en avril.

12. D'autre part, alors qu'il est par ailleurs constant que l'étude acoustique doit être réalisée de préférence à une période où les arbres n'ont plus de feuilles, l'étude en litige a respecté ce critère en faisant débuter sa campagne le 24 novembre, même si quelques feuilles étaient encore visibles à cette époque.

13. Enfin, si les requérants reprennent les observations d'un expert acoustique, mandaté par eux, selon lequel le calcul de la propagation du bruit des éoliennes serait biaisé par la méthode de pondération utilisée, il résulte de l'instruction que, pour les calculs de propagation acoustique, la société Orféa a utilisé la norme ISO 9613-2, soit une norme internationale de référence dans le calcul de propagation dans l'environnement.

14. Il résulte de ce qui précède que la société pétitionnaire a régularisé le vice tenant à une insuffisante prise en compte des vents du sud-ouest et du nord-est, conformément au point 32 de l'arrêt avant dire-droit du 1er juin 2021.

En ce qui concerne l'augmentation de la puissance des éoliennes :

15. Il résulte de la nouvelle étude acoustique que le modèle initialement prévu, l'éolienne E115 3,2 MW, n'est plus commercialisé et qu'il sera remplacé par un modèle de nouvelle génération, l'éolienne E115 4,2 MW. La société pétitionnaire a précisé que, pour respecter la puissance maximale de l'autorisation, la puissance de ce nouveau modèle ne pourra pas excéder 3,6 MW et sera limitée en cas de dépassement. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'absence d'informations portant sur les conditions de ce dépassement, son constat ou la mise en oeuvre de la limitation ne suffit pas à caractériser une insuffisance de l'étude acoustique.

16. Alors que la nouvelle étude a relevé que le niveau sonore du modèle envisagé sera moins important que celui du modèle initial, en raison des progrès techniques, les requérants reprennent les critiques de l'expert qu'ils ont mandaté, selon lequel la baisse de puissance acoustique est peu crédible. Il résulte toutefois de l'instruction que les données se trouvant dans l'étude acoustique sont identiques à celles fournies par le constructeur. A cet égard, s'il n'est pas contesté que les niveaux sonores indiqués procèdent d'un calcul et ne correspondent pas à des niveaux effectivement mesurés, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'étude.

17. Contrairement à ce qui est allégué, le tableau figurant à la page 63 de l'étude acoustique comporte une classe de vent supérieure à 9 m/s. Si le tableau de comparaison entre l'ancien modèle et le nouveau modèle présenté dans les écritures de la société mentionne un plafonnement à 3,0 MW, celui-ci n'est pas repris dans le tableau de la page 63 de l'étude, laquelle mentionne par ailleurs un plafonnement maximal à 3,6 MW. En outre, la circonstance que ce tableau de comparaison n'a pas été mentionné dans la nouvelle étude acoustique soumise au public est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que les données concernant le nouveau modèle d'éoliennes qui ont été mises à la disposition du public suffisaient à l'informer.

18. Enfin, en soutenant que le bureau d'études Orféa n'a fourni aucune référence de ses sources Enercon sur ces machines plafonnées, lesquelles n'ont pas fait l'objet d'un essai certifié selon la norme EEIC 61400-13, les requérants n'établissent pas l'insuffisance de l'étude d'impact.

En ce qui concerne la minimisation de l'impact acoustique :

19. La note d'accompagnement de l'étude acoustique du 21 janvier 2022 a relevé que, sur la base des plans de bridage, les émergences sonores diurnes et nocturnes calculées ne dépasseront pas les seuils réglementaires.

20. Si les requérants contestent la conclusion de l'étude selon laquelle ce plan de bridage " aboutit à un impact résiduel très faible concernant l'acoustique ", aux motifs notamment que le niveau de bruit ambiant nocturne maximal de 35 dB sera très supérieur au bruit sans éolienne de 18 à 23 dB, que l'émergence réelle du bruit des éoliennes sera de 15 dB et qu'au bruit omniprésent s'ajouteront les modulations d'amplitude, la conclusion ainsi contestée a été précédée de nombreux tableaux explicatifs et les seuils règlementaires seront respectés.

21. Dans ces conditions, le grief tenant à la minimisation de l'impact acoustique du parc éolien litigieux doit être écarté.

En ce qui concerne la localisation des points de mesure :

Quant au positionnement du point de mesure n° 6 :

22. Il résulte de l'étude acoustique que le point de mesure n° 6 est situé dans un corps de ferme, sur la " façade ouest de la maison afin de s'affranchir des bruits parasites de la pompe à chaleur située sur la façade nord " et que " Les principales sources de bruit sont liées aux activités agricoles du voisin ainsi que des animaux présents chez le riverain ".

23. D'une part, s'il n'est pas contesté que le microphone s'est ainsi trouvé à 7 mètres d'une ventouse de chauffage, à l'angle de deux murs qui seraient ainsi réfléchissants, et s'il résulte de surcroît de l'instruction que quelques feuilles se trouvaient encore sur un saule situé à proximité du sonomètre, il ne résulte pas de l'instruction que cela ait eu pour effet d'augmenter significativement le bruit résiduel mesuré par Orféa.

24. D'autre part, la société fait en outre valoir que cet emplacement a été choisi pour que la construction fasse obstacle au vent du nord-est, lequel est, ainsi qu'il a été dit, un vent important. La circonstance, à la supposer avérée, qu'un emplacement du côté de la façade sud aurait été plus favorable au riverain ne suffit pas à établir que ce positionnement du côté ouest ne pouvait pas être valablement retenu.

Quant à la régularisation du vice tenant à la localisation des autres points de mesure :

25. Dans son arrêt avant-dire droit, la cour a retenu une insuffisance de l'étude acoustique au motif qu'aucun point de mesure n'avait été installé dans ou à proximité des hameaux situés dans les secteurs sud et est, c'est-à-dire Bailleul, les Pépinières, les Petits Cours et le Mont Ybout. Il résulte de l'instruction que l'étude initiale a été régularisée sur ce point, des points de mesure ayant été précisément installés sur ces différents sites.

En ce qui concerne la référence à une norme inapplicable :

26. D'une part, si les requérants font valoir, sans être contredits, que la norme

NFS 31 114 appliquée par la nouvelle étude acoustique, consistant à appliquer des valeurs non pas extrêmes mais médianes, a été dégagée par un groupe de travail dont les travaux ont été abandonnés, il n'est pas démontré que cette méthode a affecté les résultats de l'étude acoustique dans une proportion telle qu'elle a conduit, dans le cas particulier du parc éolien en litige, à ignorer des dépassements des seuils réglementaires.

27. D'autre part, en l'absence de toute valeur normative de la norme NFS 31 114 dans le présent litige, l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011 visé ci-dessus s'étant référé à cette norme non pas pour la réalisation des études acoustiques préalables mais pour la mesure de l'impact sonore des parcs éoliens déjà construits, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'elle est illégale au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou des articles 1er et 6 de la Charte de l'environnement.

28. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la nouvelle étude est insuffisante et trompeuse, en ce qu'elle a utilisé une méthode prévue par une norme inapplicable, doit être écarté.

En ce qui concerne la présentation des conditions de vérification et la mise en place des mesures de bridage :

29. Il résulte du complément apporté à l'étude d'impact que dans le cas où, lors de la réception acoustique du parc éolien, des dépassements d'émergence seraient constatés, les capacités de bridage des éoliennes pourront permettre d'adapter et/ou renforcer les plans de bridage préconisés afin de respecter les seuils règlementaires. La circonstance que l'étude acoustique n'a pas précisé les modalités de contrôle de l'impact sonore ne suffit pas à caractériser une insuffisance de l'étude.

En ce qui concerne la mise à jour des données sur la rentabilité de la société :

30. Il ne résulte pas de l'instruction que le changement de modèle des éoliennes et le plan de bridage présenté dans l'étude complémentaire aient des conséquences sur la rentabilité du projet pour la société pétitionnaire. Ainsi, l'insuffisance soulevée par les requérants sur ce point doit, en tout état de cause, être écartée.

En ce qui concerne les " autres lacunes mises en exergue " par l'expert :

31. D'une part, la société Orféa acoustique a fait le choix de ne pas retenir la classe de vent de 7 m/s, dès lors qu'elle disposait de moins de cinq échantillons, et par conséquent elle a extrapolé la valeur comprise entre 5 et 6 m/s pour estimer la valeur à 7 m/s. Si l'expert mandaté par les requérants a estimé que ces extrapolations étaient hasardeuses, il ne résulte pas de l'instruction que la méthode ainsi suivie ait conduit à maximiser les niveaux de bruit résiduel.

32. D'autre part, les autres erreurs méthodologiques énumérées au titre des lacunes mises en évidence par cet expert, non examinées ci-dessus, et présentées succinctement par les requérants, sont insuffisamment précises pour permettre au juge de se prononcer sur les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact et des risques pour la santé

En ce qui concerne l'étude d'impact et l'étude de danger :

33. Il résulte de l'instruction que la zone du projet est traversée par un pipeline d'hydrocarbures appartenant au réseau des oléoducs de défense commune relevant de l'OTAN et géré par la société Trapil. A la date de l'arrêté initial, la société pétitionnaire avait été informée par un courrier de la société Trapil que son réseau ne serait pas affecté par la construction du parc éolien. Cette information ainsi qu'une carte localisant le réseau Trapil se trouvaient dans le dossier de demande d'autorisation initiale.

34. Si, dans le cadre de la procédure de régularisation, la société Trapil a signalé, dans un courrier du 24 juin 2022, que de nouvelles prescriptions techniques devaient être respectées, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles étaient déjà en vigueur à la date de l'arrêté d'autorisation du 26 juillet 2019. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact et de l'étude de danger au regard des risques révélés par la société Trapil, doit être écarté.

S'agissant de l'enquête publique :

En ce qui concerne le rapport du commissaire enquêteur :

35. Aux termes de l'article R. 123-2 du code de l'environnement : " Les projets, plans, programmes ou décisions mentionnés à l'article L. 123-2 font l'objet d'une enquête régie par les dispositions du présent chapitre préalablement à l'intervention de la décision en vue de laquelle l'enquête est requise (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

36. Il résulte du rapport du commissaire enquêteur que, pour chaque contribution du public sur le projet, le commissaire enquêteur a mentionné la réponse du porteur du projet, avant de faire part de ses propres observations ou remarques. Si les requérants reprochent au commissaire enquêteur de ne pas s'être prononcé sur les modalités de contrôle du bridage et les délais d'intervention évoqués tant par les riverains que par la MRAe, il résulte de son rapport que le commissaire enquêteur a précisément énuméré les griefs formulés sur le suivi acoustique, a indiqué la réponse de la société pétitionnaire et a présenté ses remarques personnelles. Le moyen soulevé à ce titre doit donc être écarté.

En ce qui concerne la durée de l'enquête publique :

37. Aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'environnement : " La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente chargée de l'ouvrir et de l'organiser. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets, plans et programmes faisant l'objet d'une évaluation environnementale. / La durée de l'enquête peut être réduite à quinze jours pour un projet, plan ou programme ne faisant pas l'objet d'une évaluation environnementale. (...) ".

38. Aux termes de l'article R. 123-23 du même code : " Lorsqu'une enquête complémentaire est organisée conformément au II de l'article L. 123-14, elle porte sur les avantages et inconvénients des modifications pour le projet et pour l'environnement. L'enquête complémentaire, d'une durée de quinze jours, est ouverte dans les conditions fixées aux articles R. 123-9 à R. 123-12 ".

39. Il résulte du point 83 de l'arrêt avant dire-droit de la cour que l'enquête publique complémentaire devait être réalisée selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et

R.123-23 du code de l'environnement. Alors que les dispositions de l'article L. 123-9 du même code prévoyant une durée d'enquête minimale de trente jours ne s'appliquaient pas en l'espèce, le délai de l'enquête publique complémentaire a été de quinze jours conformément à l'article R. 123-23 de ce code. Il n'est par ailleurs pas établi que le projet nécessitait une durée d'enquête plus longue. Dans ces conditions, le moyen de ce que la durée de l'enquête publique a été insuffisante doit être écarté.

Sur les moyens opérants de légalité interne :

40. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, (...) ".

S'agissant des impacts sonores :

En ce qui concerne la réglementation sur les émergences sonores :

41. D'une part, les requérants soutiennent que cette réglementation ne sera pas respectée, tout particulièrement au point de mesure n°6, lorsque le bruit résiduel sera compris entre 29 et 33,8 dB, soit 40 % du temps, au motif qu'une " optimisation numérique " est réalisée et qu'elle ne tient pas compte du bruit résiduel autour de la médiane, ni des incertitudes de mesurage. Toutefois, au vu de la nouvelle étude acoustique et du plan de bridage qu'elle prévoit et que l'autorisation impose, la réglementation concernant les émergences sonores sera respectée.

42. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que les insuffisances de l'étude acoustique révèlent une atteinte aux intérêts visé à l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le contrôle acoustique :

43. D'une part, il résulte de l'article 11 de l'arrêté d'autorisation initial qu'une mesure de la situation acoustique sera engagée, sous un délai inférieur à six mois, et réalisée, sous un délai maximal de douze mois, à compter de la date de mise en service de l'installation. Ce contrôle visera l'ensemble des paramètres mentionnés à l'article 26 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécaniquement du vent, dans sa version issue de l'arrêté ministériel modificatif du 10 décembre 2021.

44. D'autre part, cet article 11 a été complété par l'article 3 de l'arrêté d'autorisation modificatif selon lequel l'absence d'évolution des émissions acoustiques sera vérifiée au moyen d'un contrôle acoustique périodique réalisé a minima tous les cinq ans à la suite d'une première étude de réception acoustique du parc éolien.

45. Ainsi, contrairement à ce qui est allégué, le calendrier des mesures acoustiques à réaliser après l'installation du parc et les modalités de contrôle ont été précisés.

En ce qui concerne la prise en compte des plaintes des riverains :

46. Il résulte de l'article 3 de l'arrêté modificatif contesté qu'" avant la mise en service du parc, l'exploitant adresse un courrier à tous les habitants dans un rayon de 1 000 mètres indiquant les modalités pour recueillir l'expression des ressentis des riverains en cas de gêne. / Chaque ressenti relayé à l'exploitant (...) indiquant une gêne sonore est consigné en précisant les conditions de vent si connues et analysé par l'exploitant sur un registre tenu à la disposition de l'inspection des installations classées ".

47. Si l'arrêté n'a pas davantage précisé cette mesure, notamment en indiquant le délai dans lequel les gênes des riverains seront prises en compte et les modalités de recueil des informations, cette circonstance ne suffit pas à entacher l'arrêté d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

48. Il résulte de ce qui précède que le caractère suffisant des prescriptions visant à réduire les nuisances sonores et notamment le plan de bridage est établi. L'arrêté initial a donc été régularisé sur ce point.

S'agissant de la proximité d'un oléoduc :

49. Il résulte du courrier du 24 juin 2022 de la société Trapil mentionné au point 34 que la construction de l'oléoduc a nécessité la mise en place de servitudes d'utilité publique sur les terrains traversés. Selon les prescriptions techniques de la société Trapil, l'implantation par rapport à l'axe de la canalisation de transport doit être à une distance égale ou supérieure à 4 fois le cumul de la hauteur du mat augmenté de la longueur de la pale montée sur le rotor.

50. Les requérants font valoir, sans être contredits, que la distance entre les éoliennes E3 et E4 et les réseaux est inférieure à celle exigée par les prescriptions techniques de la société Trapil. La société Centrale éolienne la Briqueterie reconnaît que les pourparlers avec cette société doivent la conduire à déplacer l'éolienne E4 et n'apporte aucun élément sur le respect, par l'éolienne E3, des prescriptions posées par la société Trapil. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le projet d'autorisation modifié présente un risque d'atteinte à la sécurité publique.

Sur les conséquences à tirer du vice entachant d'illégalité l'arrêté en litige :

51. Les dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement permettent au juge, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée.

52. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 50 que l'arrêté d'autorisation est entaché d'illégalité en ce qu'il porte atteinte à la sécurité publique prévue par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Ce vice peut être régularisé par une décision modificative au vu d'une demande établissant que l'éolienne E3 et le déplacement de l'éolienne E4 ne portent pas atteinte à la sécurité des installations gérées par la société Trapil.

53. Les modalités de régularisation, notamment de publicité, seront déterminées par le préfet en fonction de la nature et de l'importance des modifications apportées au projet, rendues nécessaires pour assurer le respect de la sécurité publique. L'autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

54. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les vices retenus dans l'arrêt avant-dire droit du 1er juin 2021 ont été régularisés, d'autre part, qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la présente requête pendant un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait transmis à la cour un arrêté de régularisation.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la demande présentée par l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M. du Douët de Graville et Mme du Douët de Graville épouse E... jusqu'à ce que le préfet de la Seine-Maritime ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le préfet de la Seine-Maritime produira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Belle Normandie Environnement, l'association société Pays de Caux, M.C... du Douët de Graville et Mme D... du Douët de Graville épouse E..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 19DA02567 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02567
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT - ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;19da02567 ?
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