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06/04/2023 | FRANCE | N°22DA01851

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 06 avril 2023, 22DA01851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200636 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

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rocédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2022, M. A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200636 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2022, M. A..., représenté par Me Solenn Leprince, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 20 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer un récépissé dans un délai de dix jours à compter de ce jugement, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à titre subsidiaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien né en 1966, titulaire d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes valable du 13 juillet 2003 au 12 août 2003, a déclaré être entré sur le territoire français le 15 juillet 2003. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 novembre 2003 et par la Cour nationale du droit d'asile le 5 novembre 2004 et sa demande de réexamen a également été rejetée le 10 octobre 2006. Son admission au séjour a été refusée le 15 décembre 2004, le 11 janvier 2006 et le 16 juillet 2007, date à laquelle il a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le 7 juillet 2021, M. A... a sollicité à nouveau son admission au séjour. Par l'arrêté attaqué du 20 octobre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M. A... dirigée contre cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :

2. L'arrêté attaqué vise notamment les dispositions des articles L. 435-1, L. 611-1 et

L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a été fait application à M. A.... Il mentionne également les considérations de fait, notamment la preuve insuffisante de sa présence en France depuis dix ans, qui constituent le fondement des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire. Alors que l'intéressé n'a fait état d'aucun risque ou menace en cas de retour dans son pays d'origine, il ne peut pas utilement reprocher au préfet de ne pas avoir indiqué en quoi sa vie ou sa liberté ne seraient pas menacés. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de ces décisions doivent être écartés.

3. Il résulte des pièces du dossier et des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a pris en compte les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses décisions d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant doit être écarté.

Sur le refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

5. M. A... se prévaut d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Le préfet ne conteste pas que le requérant a résidé habituellement en France de 2003 à 2016 mais il remet en cause cette résidence au titre des années 2017 à 2020. En dépit des nouvelles pièces versées en appel par le requérant, celui-ci n'a produit, au titre de l'année 2019, qu'une attestation établie par sa sœur qui déclare l'héberger à son domicile au Havre, une décision d'aide juridictionnelle de 2020 statuant sur une demande du 13 décembre 2019 et enfin son avis d'impôt sur les revenus de 2019 établi en 2021. Ces documents sont cependant insuffisants pour établir le caractère habituel de la résidence en France au titre de cette année. Dès lors que M. A... ne résidait pas habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, l'autorité préfectorale n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Si M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire depuis l'année 2003, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'établit pas sa présence régulière au titre de l'année 2019. Il ne conteste pas que son épouse et ses quatre enfants résident toujours en Mauritanie et se borne à soutenir que ses liens avec son pays d'origine se sont amenuisés. Par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas d'attester d'une réelle insertion sur le territoire français. Dans ces conditions, et alors même que la sœur de M. A... et d'autres membres de sa famille sont présents sur le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas non plus porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A..., doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens, dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Solenn Leprince.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière en chef adjointe,

Sylviane Dupuis

N° 22DA01851 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01851
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-06;22da01851 ?
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