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14/03/2023 | FRANCE | N°22DA01466

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 14 mars 2023, 22DA01466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2104862 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Marion Schryve, demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 du préfet du N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2104862 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Marion Schryve, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2021 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de l'admettre provisoirement au séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par ordonnance du 20 juillet 2022 de la présidente de la cour.

Par ordonnance du 24 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien né le 16 avril 1998, est entré en France le 2 juin 2014, à l'âge de 16 ans. Après avoir été placé à l'aide sociale à l'enfance, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant valable du 17 mars 2016 au 16 mars 2017, régulièrement renouvelé jusqu'au 15 mars 2021. Le 22 février 2021, il a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié ou au titre de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail. Par l'arrêté du 27 mai 2021, le préfet du Nord lui en a refusé la délivrance et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Ainsi, dans l'hypothèse où un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'intéressé ne remplit pas les conditions posées par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit de lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit, soit, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France à l'âge de 16 ans, vit en France depuis sept années dont cinq années en situation régulière. Il a mis à profit cette période pour obtenir un CAP de peintre en bâtiment, se former à la cuisine et effectuer plusieurs périodes en contrat d'apprentissage puis en contrat de travail dans des restaurants, jusqu'à ce que son dernier employeur mette fin à son contrat en raison de l'absence de régularisation de sa situation. Si l'intéressé est célibataire sans enfant, il n'est pas contesté que ses parents sont décédés. En outre, s'il lui reste une sœur au Mali, il établit par les attestations qu'il produit que sa présence en France depuis 2014 lui a permis de nouer des attaches privées dans le domaine professionnel et sportif. Dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, M. B... est fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point 2.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2021 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Il y a lieu, par suite, d'annuler cet arrêté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de M. B..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à l'intéressé ce titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Schryve en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104862 du tribunal administratif de Lille du 5 avril 2022 et l'arrêté du préfet du Nord du 27 mai 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Schryve en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Marion Schryve.

Délibéré après l'audience publique du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01466
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCHRYVE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-14;22da01466 ?
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