Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité au sein de l'école nationale de police de Rouen-Oissel et a prononcé sa radiation des cadres de la police nationale, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer son dossier administratif dans un délai de deux mois, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa radiation des cadres de la police nationale.
Par un jugement n° 1902169 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2021 M. B..., représenté par Me Debord, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle il a été radié des cadres de la police nationale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer son dossier administratif dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa radiation des cadres de la police nationale ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 26 novembre 2018 mettant fin à sa scolarité à l'école nationale de police de Rouen-Oissel et prononçant sa radiation des cadres de la police nationale a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en raison d'une incohérence entachant les différents avis médicaux rendus sur son aptitude physique à l'exercice des fonctions de gardien de la paix et de la prise en compte d'avis émis le 6 décembre 2017 par le Dr F... et le 15 décembre 2017 par le Dr D..., qui ne l'ont pas examiné ;
- il n'a pas été rendu destinataire de ces avis, qui ne pouvaient prendre la forme de mentions apposées sur les avis d'aptitude antérieurement émis et ont été pris en compte, en particulier, par le comité médical ;
- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations devant l'administration et de se faire assister par un conseil de son choix ;
- l'arrêté du 26 novembre 2018 est insuffisamment motivé en droit ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur commise par le ministre de l'intérieur dans l'appréciation de son aptitude physique à l'exercice des fonctions de gardien de la paix ;
- cet arrêté est entaché d'une discrimination illégale commise à raison de la pathologie dont il est affecté et méconnaît le principe d'égalité entre les candidats à l'accès à un même corps ;
- cet arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir ou de procédure ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 novembre 2018 ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait du harcèlement dont il a fait l'objet ;
- il a subi un préjudice matériel en lien avec ces fautes, résultant des conséquences financières de l'abandon par son épouse de la profession qu'elle exerçait lorsqu'il a été admis au concours de gardien de la paix ;
- il a subi un préjudice moral en lien direct avec ces fautes ;
- l'ensemble de ces préjudices doit être évalué à la somme globale de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitudes physiques particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., lauréat du concours de recrutement de gardiens de la paix, est entré, à compter du mois de décembre 2017, à l'école nationale de police d'Oissel. Il est constant que, par un arrêté du 26 novembre 2018, le ministre de l'intérieur a mis fin à la scolarité de l'intéressé et a prononcé sa radiation des cadres de la police nationale en raison de son inaptitude physique définitive à l'exercice des fonctions de gardien de la paix. Par un jugement du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, d'une part, comme irrecevable pour défaut de production de la décision attaquée, la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté, d'autre part, comme n'étant pas fondée, sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté et du harcèlement moral dont il affirme avoir été victime. Le tribunal administratif de Rouen a également rejeté, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B..., tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer son dossier administratif, ainsi que celles présentées par l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En premier lieu, M. B... a soutenu devant les premiers juges que la décision du 26 novembre 2018 était entachée de vices de procédure résultant de ce que la constatation médicale de son inaptitude à l'exercice des fonctions de gardien de la paix ne procédait pas d'un examen médical et de ce qu'il n'avait pas été entendu par l'administration. Au soutien de ces moyens, il invoquait principalement différentes incohérences résultant selon lui, d'une part, de ce que les autorités médicales et hiérarchiques dont il relevait s'étaient fondées sur un avis d'inaptitude émis le 6 décembre 2017 par le Dr F..., médecin inspecteur régional, alors qu'il avait en réalité été examiné par le Dr C..., médecin du cabinet médical de l'école de police de Rouen-Oissel, qui avait conclu à son aptitude physique, et, d'autre part, de ce que le certificat médical d'aptitude établi le 7 juin 2017 par le Dr E..., préalablement à son entrée à l'école de police, n'avait pas davantage été pris en compte mais avait été revêtu, le 6 décembre 2017, d'une mention d'inaptitude émise par le Dr D..., médecin chef adjoint de la police nationale. En réponse à ces moyens le tribunal a relevé, au point 6 du jugement, qu'en l'absence de production de l'avis médical prétendument émis par le Dr C..., il n'était pas établi que M. B... avait été examiné par ce médecin, que celui-ci avait émis un avis d'aptitude et que le Dr D..., à qui il appartenait d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation, avait régulièrement émis un avis d'inaptitude sous la forme d'une mention manuscrite apposée sur le certificat médical initialement favorable du 7 juin 2017. Il est également précisé, au point 6 du jugement, qu'après une première saisine du comité médical interdépartemental, réuni le 7 juin 2018, M. B... avait été avisé de la tenue d'une seconde réunion de cet organisme consultatif le 8 novembre 2018, devant lequel il lui était loisible de faire valoir tous éléments utiles. Dans ces conditions, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre de manière exhaustive à l'ensemble des arguments présentés devant lui a suffisamment répondu aux moyens qui lui étaient ainsi soumis.
4. En second lieu, le point 7 du jugement retrace l'analyse approfondie des incidences de la pathologie chronique dont souffre M. B... sur sa capacité à exercer les fonctions de gardien de la paix, à laquelle s'est livré le tribunal au vu des éléments qui lui étaient soumis par les parties, et relève que l'intéressé n'apporte pas de précision sur les manifestations de cette pathologie ni sur son caractère éventuellement équilibré, avant d'en déduire qu'en suivant l'avis d'inaptitude émis par le médecin-chef adjoint de la police nationale, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation. Le jugement attaqué comporte, par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., une motivation suffisante sur ce point.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018 :
6. M. B... ne conteste pas devant la cour l'irrecevabilité opposée par le tribunal à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2018. Par suite, les moyens, relatifs au bien-fondé de cet arrêté, soulevés en appel par M. B..., doivent être écartés comme inopérants.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la responsabilité de l'administration du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté du 26 novembre 2018 :
S'agissant de la légalité externe :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " (...) nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : / (...) / 2° S'il n'est pas reconnu apte, après examen médical effectué par le médecin agréé de l'administration conformément au décret n° 86-442 du 14 mars 1986, à un service actif de jour et de nuit ". Aux termes de l'article 21 de ce même décret : " Lorsque les conclusions du ou des médecins sont contestées soit par l'intéressé, soit par l'administration, le dossier est soumis au comité médical compétent ".
8. M. B... fait valoir que, pour mettre fin à sa scolarité en raison de son inaptitude physique définitive à l'exercice des fonctions de gardien de la paix, le ministre de l'intérieur s'est irrégulièrement fondé sur un avis d'inaptitude physique émis le 6 décembre 2017 par le Dr F..., médecin inspecteur régional de la police nationale, avis confirmé par le Dr D..., médecin-chef adjoint de la police nationale dans des notes du 21 décembre 2017 et du 20 février 2018, que l'administration s'est référée à cet avis lors de la saisine du comité médical, alors qu'il n'a jamais été examiné par le Dr F..., et que l'examen d'incorporation auquel il a été soumis le 6 décembre 2017 a, en réalité, été conduit par le Dr C..., médecin du cabinet médical de l'école de police de Rouen-Oissel qui a conclu à son aptitude physique. M. B... fait également valoir que l'apposition manuscrite par le médecin-chef adjoint de la police nationale d'un avis d'inaptitude, daté du 15 décembre 2017, sur l'avis d'aptitude qui avait été émis le 7 juin 2017 par le Dr E..., lors de la visite médicale auquel il avait été soumis à la suite de son admission au concours de gardien de la paix, est constitutive d'un vice de procédure.
9. Il résulte de l'instruction que le formulaire renseigné le 6 décembre 2017, à l'issue de l'examen d'incorporation auquel M. B... a été soumis, comporte la signature du Dr C..., qui correspond à celle figurant sur une ordonnance rédigée par ce médecin le 20 décembre 2017 pour la prescription de vaccins à l'intéressé. Par ailleurs, sous la rubrique " conclusions " de ce formulaire, la mention pré-imprimée " apte " d'abord entourée, a été barrée, la mention
pré-imprimée " inapte ", demeurant seule entourée, a été complétée par l'indication manuscrite " définitif " ainsi que par l'apposition du coefficient 5 sous la lettre G de la rubrique " SIGYCOP ". Le cachet du Dr F..., médecin inspecteur régional, a été apposé à ce niveau. Il résulte de ces éléments, en l'absence d'explications contraires apportées par l'administration, que l'examen d'incorporation a été réalisé le 6 décembre 2017 par le Dr C..., qui a initialement émis un avis d'aptitude ensuite modifié par le Dr F..., dont l'avis d'inaptitude a été confirmée par le Dr D....
10. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu que, dans le cadre de leurs attributions respectives, le Dr F..., médecin inspecteur régional et le Dr D..., médecin-chef adjoint de la police nationale, n'étaient pas compétents pour revenir sur l'avis d'aptitude initialement émis par le Dr C..., médecin de l'école de police. La circonstance qu'aucun de ces deux médecins n'a personnellement examiné M. B... n'est pas non plus, par elle-même, constitutive d'une irrégularité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, dans le cadre de l'appréciation de l'état de santé de M. B... à laquelle ils se sont livrés sur pièces, ces médecins n'ont pas pris en compte l'ensemble des éléments relevés lors de l'examen conduit le 6 décembre 2017 par le Dr C.... De la même manière, la circonstance que le Dr D... s'est prononcé en faveur de l'inaptitude physique de M. B... en portant une mention manuscrite sur le certificat d'aptitude émis le 7 juin 2017 par le Dr E... n'est pas constitutive d'un vice de procédure.
11. En deuxième lieu, M. B... a été rendu destinataire du formulaire renseigné le 6 décembre 2017 à l'issue de l'examen d'incorporation, sur lequel le Dr F... a formalisé un avis d'inaptitude dans les conditions rappelées aux points précédents, ainsi que de l'avis d'inaptitude porté de façon manuscrite par le Dr D..., le 15 décembre 2017 sur le certificat d'aptitude émis le 7 juin 2017. Il ne saurait dès lors utilement soutenir que l'administration ne lui a pas communiqué les avis émis par ces deux médecins. Par ailleurs, en raison du désaccord persistant entre M. B... et l'administration sur l'aptitude de l'intéressé à l'exercice des fonctions de gardien de la paix, le comité médical a été saisi. Il résulte de l'instruction qu'après la tenue d'une première réunion de cet organisme consultatif, le 7 juin 2018, dans des conditions reconnues par l'administration comme irrégulières faute de convocation adressée à l'intéressé, M. B... a été avisé de la tenue d'une seconde réunion du comité médical devant lequel il a eu la possibilité de faire valoir, le 8 novembre 2018, tous éléments et éclaircissements utiles, notamment en ce qui concerne " l'avis d'inaptitude du 6 décembre 2017 du Dr F... " soumis à cet organisme consultatif, et de se faire assister par un conseil de son choix.
12. En troisième et dernier lieu, à supposer fondé le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit de l'arrêté du 26 novembre 2018, une telle irrégularité ne saurait
par elle-même ouvrir à M. B... un droit à indemnisation, en l'absence de toute incidence sur l'appréciation par le ministre de l'intérieur de l'inaptitude physique de l'intéressé à l'exercice des fonctions de gardien de la paix et, par suite, de lien de causalité direct entre l'irrégularité alléguée et les préjudices résultant selon M. B... de son exclusion de l'école de police.
S'agissant de la légalité interne :
13. En premier lieu, en vertu du 5° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s'il ne remplit pas les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap. Il résulte des dispositions, citées au point 7, du 2° de l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, que nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale s''il n'est pas reconnu apte à un service actif de jour et de nuit. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitudes physiques particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires, applicable aux fonctionnaires actifs de la police nationale et dont l'adoption est par les dispositions de l'article 6 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " L'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux corps de fonctionnaires visés à l'annexe I ne peut porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès. / Lorsque, en application du statut particulier, une période de formation obligatoire préalable à la nomination ou la titularisation est requise, l'appréciation des conditions d'aptitude physique particulière doit avoir lieu préalablement à la période de formation ". Le 1° de l'article 3 du même arrêté prévoit que, pour l'accès aux emplois de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, les candidats doivent remplir les conditions d'aptitude physique particulières, incluant l'aptitude au port et à l'usage des armes. L'annexe II de cet arrêté précise que le profil médical du candidat est déterminé par application du référentiel médical d'aptitude désigné par l'acronyme SIGYCOP. Chaque lettre de cet acronyme, désignant une zone corporelle ou une fonction corporelle ou psychique déterminée, doit être affectée d'un coefficient représentatif de l'aptitude du candidat.
14. Il résulte de ces dispositions que l'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières pour l'admission dans des corps, notamment, des gardiens de la paix, ne peut porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès. Si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle doit aussi tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir l'affection ou de bloquer son évolution.
15. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions de la fiche d'examen clinique produite, que M. B... est atteint d'un diabète insulinodépendant. L'avis d'inaptitude porté, sur le formulaire renseigné à l'issue de la visite médicale du 6 décembre 2017, par le médecin inspecteur régional, fait apparaître que celui-ci a attribué à la lettre " G " du profil SIGYCOP de l'intéressé, correspondant à l'état général, le coefficient 5, alors qu'en application de l'annexe II de l'arrêté, mentionné ci-dessus, du 2 août 2010, ce coefficient ne saurait excéder la valeur de 2 sur une échelle de 1 à 5. Si M. B... fait valoir que cet avis est en contradiction avec les avis rendus par les médecins qui, après l'avoir examiné le 7 juin 2017 et le 6 décembre 2017, ont conclu à son aptitude physique, il ne donne aucune précision, ni aucune justification relative au caractère compliqué ou non de l'affection dont il souffre, sur les conditions dont il parvient à équilibrer sa glycémie, sur l'absence de phénomènes antérieurs de décompensation ou d'hypoglycémie ni, plus généralement, sur l'incidence de cette pathologie chronique dont il est atteint depuis dix ans sur son activité professionnelle, mais se borne à produire le certificat d'un médecin de ville affirmant sans précision que son état de santé est compatible avec les fonctions de policier. Dans ces conditions, et compte-tenu des particularités des fonctions de gardien de la paix, susceptibles notamment de faire usage d'armes à feu en contexte opérationnel dans un environnement de stress intense, il ne résulte pas de l'instruction qu'en se fondant sur l'inaptitude physique de l'intéressé à l'exercice de ces fonctions, le ministre de l'intérieur ait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
16. En deuxième lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
17. La circonstance que l'arrêté du 26 novembre 2018 a mis fin à la scolarité de M. B..., en raison de la pathologie dont il est affecté n'est pas, par elle-même, de nature à faire présumer l'existence à son encontre d'une discrimination illégale dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 15, que cette mesure a été prise conformément aux dispositions fixant les conditions d'aptitude physiques exigées pour être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale. Pour le même motif, l'arrêté du 26 novembre 2018 n'est pas entaché d'une méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats à l'accès au même corps.
18. En troisième lieu, le moyen tiré de ce qu'en raison de cette pathologie, M. B... relève de la catégorie des personnes souffrant d'un handicap, protégées par les dispositions, alors en vigueur, du I de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat n'est, en tout état de cause, pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
19. En quatrième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances décrites aux points 8 à 11 et 15, les avis médicaux concluant à l'inaptitude de M. B... aient été émis avec la volonté de dissimuler frauduleusement les avis d'aptitude initiaux, ou que la décision du 26 novembre 2018 ait été prise dans un but distinct de celui de tirer les conséquences, conformément aux dispositions citées au point 14, de l'inaptitude physique de M. B... à l'exercice des fonctions de gardien de la paix. Par suite, le détournement de pouvoir ou de procédure invoqué par M. B... n'est pas établi.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 19 du présent arrêté que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait d'illégalités affectant la décision du 26 novembre 2018.
En ce qui concerne le harcèlement moral invoqué par M. B... :
21. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
22. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
23. Les conditions, analysées aux points 8 à 11 du présent arrêt, dans lesquelles s'est déroulée la procédure à l'issue de laquelle le ministre de l'intérieur a estimé que M. B... était physiquement inapte à l'exercice des fonctions de gardien de la paix ne sont pas de nature à faire présumer l'existence du harcèlement moral dont celui-ci estime avoir été victime. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée à ce titre.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes aux fins d'annulation, d'injonction et d'indemnisation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées devant lui sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... devant la cour sur le même fondement doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience publique du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
C. Huls-Carlier
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No 21DA02878