Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... G... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Frête ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le préfet du Nord a accordé à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) E... père et fille l'autorisation d'exploiter une superficie de 43 ha 75 a 29 ca de terres situées sur le territoire des communes de Aibes, Ferrière-la-Petite, Obrechies et Quiévelon dans le département du Nord, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1509522 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18DA01773 du 10 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. G... et le GAEC de la Frête contre ce jugement.
Par une décision n° 438492 du 29 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. G... et le GAEC de la Frête, annulé l'arrêt du 10 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 août 2018 et 8 mars 2019 ainsi que des mémoires enregistrés après renvoi le 21 octobre 2022, M. G... et le GAEC de la Frête, représentés par Me Myriam Maze Villeseche, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler la décision du 20 mars 2015 du préfet du Nord accordant à la SCEA E... père et fille l'autorisation d'exploiter une superficie de 43 ha 75 a 29 ca de terres situées sur le territoire des communes de Aibes, Ferrière-la-Petite, Obrechies et Quiévelon dans le département du Nord ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir à l'encontre de la décision du préfet du Nord du 20 mars 2015 en leur qualité de preneurs d'une partie des terres visées par l'autorisation d'exploiter ;
- la décision du 5 février 2015 n'a été notifiée qu'à leur mandataire, une SCP d'avocats dissoute à compter du 7 juillet 2015, de sorte que le délai de recours contentieux à l'encontre de celle-ci n'a pas pu commencer à courir ;
- la décision du 20 mars 2015 en litige est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural dans leur rédaction applicable à la date du 13 octobre 2014 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la demande de la SCEA E... père et fille devait être examinée au regard des priorités du schéma départemental des structures agricoles et au regard de la situation de M. G..., exploitant en place ;
- la demande de M. G... est prioritaire par rapport à celle présentée par la SCEA E... père et fille au regard des trois objectifs fixés à l'article 1er du schéma directeur départemental, dès lors que le maintien de la surface qu'il exploite est nécessaire à la pérennité de son exploitation, que l'autorisation d'exploiter porte atteinte à la viabilité de l'exploitation du GAEC de la Frete, composé de deux associés exploitant 88 ha, par un démembrement des îlots exploités par M. G..., qu'elle ne permet pas l'agrandissement d'exploitations pour lesquelles la production agricole est la seule source de revenus, ce qui est le cas de M. G..., alors que Mme E..., qui est enseignante, dispose d'une autre source de revenus .
- la décision litigieuse ne tient pas compte du nombre d'emplois non-salariés permanents sur les exploitations concernées, à savoir deux emplois permanents pour le GAEC de la Frête et aucun pour la SCEA E... père et fille ;
- la demande de M. G... est prioritaire par rapport à celle présentée par la SCEA E... père et fille au regard de l'article 8 du schéma directeur départemental dès lors qu'il a bénéficié d'aides à l'installation des jeunes agriculteurs courant 2006 ;
- s'il était considéré que les demandes répondaient au même degré de priorité, alors la prise en compte de la situation socio-économique et du critère de la confortation du plus grand nombre d'actifs agricoles devait conduire à favoriser le maintien en place de M. G... ;
- la situation de Mme E... n'a pas évolué entre le 12 décembre 2014, date du refus d'autorisation d'exploiter et le 20 mars 2015, à l'exception de l'obtention du brevet professionnel, ce qui aurait dû conduire à un refus.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février 2019 et 26 août 2022, la SCEA E... père et fille, représentée par Me Vincent Bué, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête de M. G... et du GAEC de la Frête et à leur condamnation à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable car la décision du 20 mars 2015 ne fait pas grief à M. G... ;
- les intéressés ne critiquent pas le jugement attaqué mais seulement l'arrêté du 20 mars 2015 ;
- aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 février 2019 et 9 décembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête de M. G... et du GAEC de la Frête est irrecevable, la décision litigieuse du 20 mars 2015 ne leur faisant pas grief ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 27 janvier 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
- l'arrêté du préfet du Nord du 31 janvier 2008 portant schéma directeur départemental des structures agricoles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Vincent Bué, représentant la SCEA E... père et fille.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... G... et M. A... G... sont associés au sein du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Frête et exploitent notamment des parcelles agricoles d'une surface de 11 ha 02 a 35 ca situées sur le territoire des communes de Ferrières-la-Petite et Quiévelon (Nord). Par acte du 12 mars 2014, M. B... et Mme C... E..., propriétaires de ces parcelles, ont délivré aux intéressés un congé rural pour le 30 septembre 2015 en vue de la reprise de ces terres par leur fille, F... E.... Le préfet du Nord a, par une décision du 5 février 2015, autorisé Mme F... E... à exploiter une superficie de 25 ha 47 a 85 ca de terres agricoles situées sur les communes de Ferrière-la-Petite, Obrechies et Quiévlon dont les 11 ha 02 a 35 ca mises en valeur par le GAEC de la Frête puis, par une décision du 20 mars 2015, il a accordé à la SCEA E... père et fille, composée de M. B... E... et de Mme F... E..., l'autorisation d'exploiter une superficie de 43 ha 75 a 29 ca de terres situées sur le territoire des communes de Aibes, Ferrière-la-Petite, Obrechies et Quiévelon provenant de la réunion de leurs deux exploitations individuelles d'une superficie respective de 18 ha 27 a 44 ca et de 25 ha 47 a 85 ca.
2. Le GAEC de la Frête a formé deux recours gracieux à l'encontre de ces deux décisions qui ont été rejetés respectivement les 15 juin et 4 décembre 2015. M. D... G... et le GAEC de la Frête ont par ailleurs contesté le congé qui leur avait été délivré devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge, lequel a, par jugement en date du 21 mars 2016, sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative. Par un jugement du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. G... et du GAEC de la Frête tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2015 et de la décision implicite rejetant leurs recours gracieux. Par un arrêt du 10 décembre 2019, la cour a rejeté l'appel formé par M. G... et le GAEC de la Frête contre ce jugement, estimant qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation préfectorale délivrée le 20 mars 2015 à la SCEA E... père et fille, dès lors qu'ils n'avaient pas déposé de candidature concurrente, qu'ils n'avaient pas contesté l'autorisation délivrée à Mme F... E... le 5 février 2015 et qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir, en raison du principe de l'indépendance de la législation du contrôle des structures des exploitations agricoles et de celle des baux ruraux, de ce que la validation de leur congé était toujours pendante devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Par une décision du 29 décembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. G... et le GAEC de la Frête, a annulé cet arrêt au motif que le preneur en place justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre l'autorisation donnée à un autre d'exploiter les parcelles qu'il loue, même s'il ne s'est pas porté candidat pour obtenir l'autorisation d'exploiter ces terres, en application des dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et que pour l'application de cette règle, le preneur auquel il a été donné congé mais dont la contestation du congé est pendante devant le juge compétent doit être regardé comme ayant le même intérêt pour agir contre une autorisation d'exploiter donnée à un nouvel exploitant, et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le preneur en place justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre l'autorisation donnée à un autre exploitant d'exploiter les parcelles qu'il loue, même s'il ne s'est pas porté candidat pour obtenir l'autorisation d'exploiter ces terres en application des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Pour l'application de cette règle, le preneur auquel il a été donné congé mais dont la contestation du congé est pendante devant le juge compétent doit être regardé comme ayant le même intérêt pour agir contre une autorisation d'exploiter donnée à un nouvel exploitant.
4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, dès lors que M. G... et le GAEC de la Frête ont contesté le congé rural délivré par M. et Mme E... devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Maubeuge, lequel a, par jugement du 21 mars 2016, sursis à statuer sur la demande dans l'attente de la décision définitive à rendre par les juridictions administratives, ils justifient, en qualité de preneurs en place, d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision du préfet du Nord du 20 mars 2015 autorisant la SCEA E... père et fille à exploiter une superficie de 43 ha 75 a 29 ca de terres agricoles provenant de la réunion de leurs deux exploitations individuelles, alors même que la décision préfectorale du 5 février 2015 autorisant Mme E... à exploiter les parcelles antérieurement données à bail au GAEC de la Frête est devenue définitive, faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux. Il en résulte que M. G... et le GAEC de la Frête sont fondés à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande comme irrecevable. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée par M. G... et le GAEC de la Frête.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 20 mars 2015 portant autorisation d'exploiter :
5. En premier lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". En vertu de l'article 4 du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, les déclarations préalables et les demandes d'autorisation d'exploiter déposées avant l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles demeurent soumises aux dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014. Il résulte de ces dispositions transitoires que les articles du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014, ne sont applicables qu'à compter de la publication du schéma régional directeur des exploitations agricoles.
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploiter de la SCEA E... père et fille a été déposée le 7 juillet 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord-Pas-de-Calais, le 1er juillet 2016. Le préfet du Nord devait, dès lors, en vertu des dispositions précitées, faire application du droit antérieur à la réforme résultant de la loi du 13 octobre 2014. C'est, par suite, à bon droit que le préfet du Nord a examiné la demande de la SCEA E... père et fille en faisant application des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction antérieure à cette réforme et de l'arrêté du préfet du Nord du 31 janvier 2008 portant schéma directeur départemental des structures agricoles. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse du 20 mars 2015 est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural dans leur rédaction applicable à compter du 13 octobre 2014, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non-salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l'espèce, une seule demande d'autorisation d'exploiter est présentée pour des terres sur lesquelles un preneur est en place, l'administration doit se conformer aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles mais n'a pas à observer l'ordre de priorité établi par ce document. Elle doit, par ailleurs, tenir compte de la situation du preneur en place pour prendre sa décision.
8. L'article 1er de l'arrêté du préfet du Nord du 31 janvier 2008 portant schéma directeur départemental des structures agricoles dispose que : " Les orientations suivies par le présent schéma directeur sont les suivantes : / 1°- Promouvoir le plus grand nombre d'exploitations de dimension familiale et à responsabilité personnelle en : / - Favorisant la première installation d'agriculteurs sur des structures viables ; /- Permettant la pérennité de l'entité économique ( par exemple : en cas de perte de foncier pour maintenir le développement économique) ; / - Evitant le démembrement d'exploitations viables, ainsi que le démembrement d'ilots au regard du projet agricole départemental notamment par leur inscription au répertoire à l'installation ;/ - Favorisant l'agrandissement d'exploitations dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard du projet agricole départemental et de la main d'œuvre permanente affectée à l'exploitation ; /- Permettant l'installation ou l'agrandissement d'exploitations pour lesquelles la production agricole est la seule source de revenu. A défaut, s'il y a plusieurs sources de revenus : favoriser celles dont la part agricole en terme de revenu est majoritaire ; /2°- Conforter le plus grand nombre d'actifs agricoles en favorisant des systèmes de production diversifiés et spécialisés, en veillant particulièrement au projet professionnel de l'activité agricole. / 3°- Conforter l'emploi agricole sur les exploitations agricoles ".
9. D'une part, M. G... et le GAEC de la Frête soutiennent que l'autorisation accordée à la SCEA E... père et fille méconnaît l'orientation du schéma départemental des structures agricoles visant à permettre la pérennité des entités économiques existantes dès lors qu'elle a pour effet de réduire la surface exploitée à 38,5 ha par associé alors que leur exploitation est déjà en dessous du seuil de démembrement fixé à 55 ha par l'article 5 du schéma départemental. Cependant, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le seuil de contrôle de démembrement doit s'appliquer en considération de la surface d'exploitation par nombre d'associés exploitants. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 1, les terres objet de la demande d'autorisation portent sur une superficie de 43 ha 75 a 29 ca, dont 11 ha 02 a 35 ca étaient mises en valeur par le GAEC de la Frête. Or, après reprise de ces terres par la SCEA E... père et fille, le GAEC de la Frête conservera une exploitation de 77 ha 13 a et 29 ca, soit une superficie supérieure au seuil de contrôle de démembrement. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, eu égard à cette superficie, que la décision litigieuse porterait atteinte à la pérennité de l'exploitation du GAEC de la Frête.
10. D'autre part, les appelants, en se bornant à produire un plan des parcelles agricoles objet de l'autorisation litigieuse, sans donner d'indication concernant la mise en valeur des terres restant au GAEC de la Frête, n'établissent pas que l'autorisation méconnaîtrait l'orientation du schéma départemental des structures agricoles visant à éviter le démembrement d'ilots et ce, alors que la reprise de 11 ha 02 a 35 ca envisagée ne peut être regardée comme ayant pour effet de démembrer l'exploitation du GAEC de la Frête qui reste importante.
11. Enfin, si M. G... et le GAEC de la Frête se prévalent, d'une part, de ce que Mme E..., qui exerce la profession de professeur des écoles à temps partiel et son père, qui a fait valoir ses droits à la retraite, ont des revenus extérieurs complémentaires et ne tirent donc pas l'essentiel de leurs ressources de leurs activités agricoles et, d'autre part, de ce que la SCEA E... père et fille n'est composée d'aucun salarié permanent alors que la production agricole représente la seule source de revenu de M. G... et que le GAEC de la Frête comprend deux emplois permanents, ces seuls éléments ne sont pas suffisants, au regard de la situation respective de la SCEA E... père et fille et du GAEC de la Frête, pour caractériser une méconnaissance de l'orientation du schéma départemental visant à permettre l'installation ou l'agrandissement d'exploitations pour lesquelles la production agricole est le seul revenu. Les appelants ne sont pas davantage fondés à soutenir que l'impact sur le nombre d'emplois permanents dans l'entreprise du preneur en place n'a pas été pris en compte en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.
12. Il en résulte que le préfet du Nord n'a pas entaché la décision litigieuse du 20 mars 2015 d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles.
13. En troisième lieu, les appelants soutiennent que la décision litigieuse méconnaît l'ordre des priorités fixées à l'article 8 du schéma directeur départemental des structures agricoles dès lors que M. G... ayant bénéficié d'aides à l'installation de jeunes agriculteurs en 2006, le préfet du Nord aurait dû favoriser l'exploitation du GAEC de la Frête et non celle de la SCEA E... père et fille. Toutefois, l'ordre des priorités selon lequel sont accordées les autorisations d'exploiter, figurant dans le schéma directeur départemental des structures agricoles, n'est applicable que lorsque le bien, objet de la reprise, fait l'objet de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter. Or, en l'absence de demande concurrente à celle de la SCEA E... père et fille et alors qu'au surplus, M. G... ne bénéficiait plus de l'aide au jeune agriculteur en 2015, le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme est inopérant.
14. En quatrième lieu, si M. G... et le GAEC de la Frête font valoir que Mme E... est pluri-active, qu'elle réside à 8,5 kilomètres des terres objet de l'autorisation d'exploiter et qu'elle exerce à temps partiel les fonctions de professeur des écoles à Solre-le-Château, situées à 13 kilomètres de ces terres agricoles, ces motifs ne sauraient toutefois s'opposer à la délivrance d'une autorisation d'exploiter.
15. En dernier lieu, la circonstance que la demande d'autorisation d'exploiter une superficie 25 ha 47 a 85 ca de terres agricoles présentée par Mme E... ait fait l'objet d'une décision de refus le 12 décembre 2014 par le préfet du Nord, ne faisait pas obstacle à ce que la SCEA E... père et fille soit autorisée à procéder à l'exploitation de terres agricoles dès lors que la situation de l'intéressée avait évolué, celle-ci ayant obtenu le brevet professionnel responsable d'exploitation agricole, exerçant ses fonctions de professeur des écoles à temps partiel depuis septembre 2013, ce qui lui permet de participer effectivement aux travaux agricoles et ayant obtenu le 5 février 2015 une autorisation d'exploiter 25 ha 47 a 85 ca de terres agricoles situées sur les communes de Ferrière-la-Petite, Obrechies et Quiévelon dont les 11 ha 02 a 35 ca mises en valeurs par le GAEC de la Frête.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. G... et du GAEC de la Frête tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord du 20 mars 2015, doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. G... et le GAEC de la Frête demandent à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. G... et du GAEC de la Frête une somme de 2 000 euros à verser à la SCEA E... père et fille au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1509522 du 28 juin 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La requête de M. G... et du groupement agricole d'exploitation en commun de la Frête est rejetée.
Article 3 : M. G... et le groupement agricole d'exploitation en commun de la Frête verseront une somme de 2 000 euros à la société civile d'exploitation agricole E... père et fille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G..., au groupement agricole d'exploitation en commun de la Frête, à la société civile d'exploitation agricole E... père et fille et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°21DA02971