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02/02/2023 | FRANCE | N°22DA01241

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 février 2023, 22DA01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2104967, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par une requête enregistrée sous le n° 2104966, M. E...

A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 juin 2021 par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2104967, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par une requête enregistrée sous le n° 2104966, M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104967, 2104966 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces deux arrêtés.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01241 le 13 juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que

M. A... n'apporte pas la preuve de son entrée sur le territoire en 2013, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire et qu'il constitue en outre une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, M. E... A..., représenté par Me Magali Leroy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1991, qu'il versera à son conseil.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... E... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01242 le 13 juin 2022, le préfet de la

Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que

Mme D... n'apporte pas la preuve de son entrée sur le territoire en 2014 et qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire, alors que son compagnon constitue une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, Mme D..., représentée par Me Magali Leroy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de

1 800 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1991, qu'il versera à son conseil.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnances du 4 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, pour ces deux dossiers, au 1er décembre 2022.

Mme D... B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré

présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées pour y statuer par une seule décision.

2. M. A..., ressortissant kosovar né le 12 février 1990, et Mme D..., ressortissante kosovare née le 23 mai 1992, déclarent être entrés en France respectivement en août 2013 et en décembre 2014. Le 20 septembre 2013, M. A... a sollicité le bénéfice de l'asile. Le préfet de la Seine-Maritime a décidé le 18 octobre 2013 sa réadmission en Hongrie et cette décision a été confirmée le 22 novembre 2013 par le tribunal administratif de Rouen. Au cours de l'année 2015, M. A... et Mme D... ont sollicité leur admission au séjour au titre l'asile. Par des décisions du 2 octobre 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 avril 2016, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes. Par des arrêtés du 19 novembre 2015, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Rouen par des jugements du 19 juillet 2016, puis par la cour administrative d'appel de Douai par des arrêts du 18 mai 2017, Mme D... et M. A... se sont vus chacun notifier un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

3. Le 27 janvier 2021, M. A... et Mme D... ont présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés des 9 et 15 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé leur pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. A la demande des intéressés, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés. Le préfet de la Seine-Maritime relève régulièrement appel de ce jugement du 18 mai 2022.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".

5. Mme D... et M. A... sont entrés sur le territoire français, avec leur fille née le 13 octobre 2012, pour y solliciter l'asile. Si leur date d'entrée sur le territoire ne peut être établie avec certitude, d'une part, il résulte de la fiche d'examen de la situation des intéressés établie par l'administration que des preuves de présence de M. A... ont notamment été apportées de septembre 2013 au 11 mai 2016, d'autre part, il est constant que Mme D... a présenté sa demande d'asile le 27 mai 2015. Il résulte ainsi de ces éléments et des pièces versées au dossier que les intéressés résident de manière habituelle en France depuis mai 2015.

6. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D... et M. A... ont eu deux autres enfants nés en France le 11 octobre 2015 et le 21 juillet 2018, que ceux-ci sont scolarisés et parfaitement intégrés et que l'un des enfants suit des cours au conservatoire. Il résulte de plusieurs attestations versées au dossier que Mme D... s'est particulièrement investie dans la scolarité de ses enfants et dans la vie de l'école.

7. M. A... établit qu'il a travaillé comme maçon, sans interruption, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de juillet 2017 à septembre 2020, et qu'il a été embauché, en octobre 2020, par une autre entreprise au sein de laquelle il exerce une activité de maçon dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

8. Si le préfet de la Seine-Maritime fait valoir, d'une part, que M. A... a fait l'objet d'une contravention de 300 euros pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance en avril 2015, d'autre part, qu'il a été interpellé pour tentative de vol le 6 septembre 2017, M. A... fait valoir sans être contesté qu'il n'a pas fait l'objet de poursuites pour les faits reprochés ayant consisté à ramasser des pommes de terre dans un champ.

9. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que les intéressés ont chacun fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise en novembre 2015, eu égard à la durée de leur séjour en France, à leurs efforts d'intégration et à l'insertion professionnelle de M. A... qui est stable et ancienne, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant leur admission au séjour à titre exceptionnel.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés du 15 juin 2021.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... et de Mme D... d'une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du préfet de la Seine-Maritime sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. A... et de Mme D... présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Magali Leroy.

Délibéré après l'audience publique du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA01241, 22DA01242 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01241
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-02;22da01241 ?
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