Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juin 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2105531 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2022, M. B..., représenté par Me Norbert Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 8 juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle par le bureau d'aide juridictionnelle ou de renonciation de sa part au bénéfice de cette aide, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 800 euros.
Il soutient que :
- son appel est recevable ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale et d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il répond aux conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur - profession libérale " ;
- pour ce même motif, elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés et doivent être écartés pour les motifs exposés dans ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2022 à 12 heures.
Par une décision du 30 août 2022, le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle a donné acte du désistement de M. B... de sa demande d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né en 1992, est entré en France le 29 septembre 2015, muni de son passeport revêtu d'un visa long séjour valable du 25 septembre 2015 au 25 septembre 2016. Le 26 septembre 2016, il a été mis en possession d'un titre de séjour " étudiant ", lequel a été régulièrement renouvelé jusqu'au 28 septembre 2019. Son cursus scolaire achevé, il a sollicité et obtenu un titre de séjour portant
la mention " recherche d'emploi - création d'entreprise " valable du 4 novembre 2019 au 3 novembre 2020. Par une demande déposée le 6 octobre 2020, M. B... a ensuite sollicité un titre de séjour " salarié " en vue d'occuper un emploi d'agent de sécurité. Le 12 avril 2021, il a déposé un dossier de changement de statut pour obtenir un titre de séjour en qualité d'" entrepreneur/profession libérale ". Le 8 avril 2021, suite à cette seconde demande de titre de séjour, il a été convoqué en préfecture et s'est vu remettre le jour même, un récépissé dans l'attente de ce dossier de changement de statut. Par un arrêté du 8 juin 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Si M. B... soutient que le préfet a répondu à une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " alors, selon lui, qu'il avait sollicité un titre de séjour portant la mention " entrepreneur - profession libérale ", une telle circonstance ne peut cependant utilement être invoquée pour critiquer la motivation de la décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir poursuivi des études supérieures en France sous couvert d'un titre de séjour portant la mention étudiant, qui expirait le 28 septembre 2019, M. B... a pu régulièrement se maintenir sur le territoire français sous couvert d'une carte de séjour " étudiant en recherche d'emploi " valable du 4 novembre 2019 au 3 novembre 2020. L'arrêté en cause vise une demande de titre de séjour déposée le 12 avril 2021,qui, comme indiqué au point 1, est la date du dépôt d'une demande de titre " entrepreneur / profession libérale ". Toutefois les motifs de l'arrêté démontrent sans ambiguïté que le préfet du Nord a uniquement entendu se prononcer sur la demande d'un titre de séjour mention " salarié " déposée le 6 octobre 2020. Au demeurant, le 3 août 2021, soit postérieurement à la décision attaquée, les services préfectoraux ont invité l'intéressé à se présenter le lendemain, le mercredi 4 août à 9 h 40, au guichet de la préfecture pour le renouvellement de son récépissé, en lien avec son changement de statut sollicité le 12 avril 2021. Dans ces conditions, par l'arrêté en cause, le préfet n'a entendu se prononcer que sur la demande de titre mention " salarié ". M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir au soutien des seules conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, qu'en n'examinant pas sa demande de titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale ", le préfet du Nord n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, ni que la décision de refus de délivrance d'un titre mention " salarié " serait entaché d'un défaut de base légale.
4. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, M. B... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables à l'étranger qui sollicite un titre pour l'exercice d'une activité salarié.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B... fait valoir qu'il est entré initialement en France en septembre 2015, qu'il a suivi avec succès une formation universitaire à l'issue de laquelle il a obtenu un diplôme de Master 2 et qu'il a conclu, le 23 août 2022, un pacte civil de solidarité avec une compatriote. Toutefois, la durée du séjour de l'intéressé est liée essentiellement à son statut d'étudiant étranger et il ressort des pièces du dossier que la relation dont il se prévaut, qui date du mois de mars 2021, était encore très récente à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, quand bien même il se prévaut de liens amicaux noués grâce à sa participation active à des actions de bénévolat et à des activités associatives, compte tenu de ce qu'il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans dans son pays d'origine où il conserve ses attaches familiales, le préfet du Nord, en refusant un titre de séjour " salarié " à M. B..., n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
8. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes de l'arrêté, que le préfet a exposé les considérations de fait et de droit justifiant le prononcé de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
9. Enfin, compte tenu de ce qui a été énoncé au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait fait valoir des motifs afférents à sa situation personnelle, justifiant que le préfet lui accorde un délai de départ supérieur à trente jour. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, de la somme réclamée à ce titre par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Norbert Clément.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Flandrin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA01269 2