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15/12/2022 | FRANCE | N°21DA01548

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 décembre 2022, 21DA01548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme E... B... et Mme D... B..., représentés par l'AARPI Rivière, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le maire de Fretin s'est opposé à leur déclaration préalable ayant eu pour objet de diviser la parcelle cadastrée AT 18 en vue d'y construire une maison d'habitation, ainsi que la décision implicite ayant rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1808448 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté c

ette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme E... B... et Mme D... B..., représentés par l'AARPI Rivière, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le maire de Fretin s'est opposé à leur déclaration préalable ayant eu pour objet de diviser la parcelle cadastrée AT 18 en vue d'y construire une maison d'habitation, ainsi que la décision implicite ayant rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1808448 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 12 novembre 2021, M. C... B..., Mme E... B... et Mme D... B..., représentés par Me Olivier Bonneau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de Fretin de leur délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de leur déclaration préalable sur le fondement de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Fretin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le maire ne pouvait pas légalement, sur le fondement des dispositions de l'article UB3 du règlement du plan local d'urbanisme, s'opposer à la déclaration préalable pour des motifs tirés de la conservation du domaine public ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'il revenait aux requérants de démontrer l'absence d'atteinte à l'intégrité du domaine public ;

- le maire de la commune n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le projet porterait atteinte à l'intégrité du domaine public, et il n'est pas établi qu'il aurait recherché un moyen de pallier cette prétendue altération ; en tout état de cause, le projet ne portera pas atteinte à l'intégrité du domaine public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2021 et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 novembre 2021, la commune de Fretin, représentée par Me Jean-Luc Tigroudja, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable en raison de l'absence de capacité à agir de l'indivision B... ;

- la requête d'appel est irrecevable en raison de l'absence de qualité pour agir de M. et Mmes B... ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la création d'un accès à la voirie publique via un parking est de nature à remettre en cause la sécurité routière ;

- l'accès à la voie publique est possible depuis la rue Alfred Cousin et il appartient au pétitionnaire d'y aménager un passage.

Par une ordonnance du 25 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Cassy Marque, représentant M. et Mmes B..., et F..., représentant la commune de Fretin.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mmes B... sont propriétaires en indivision d'une parcelle cadastrée AT 18, sur laquelle est érigée une maison d'habitation. Le 20 novembre 2017, ils ont déposé une déclaration préalable portant sur la division de cette parcelle en deux lots afin d'y construire, en second rang, une maison d'habitation. Une décision tacite de non-opposition est née le 20 décembre 2017. Toutefois, par un arrêté du 7 mars 2018, le maire de Fretin a retiré cette décision tacite. Le 22 mars 2018, les consorts B... ont déposé une nouvelle déclaration préalable poursuivant les mêmes fins que celle du 20 novembre 2017. Par un arrêté du 16 avril 2018, le maire de Fretin s'est opposé à cette déclaration. Les consorts B... relèvent appel du jugement du 3 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2018.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune :

2. En premier lieu, il résulte du dossier de première instance que la requête introductive d'instance et le mémoire complémentaire ont été présentés devant le tribunal administratif par l'indivision B... composée de M. C... B..., Mme E... B... et Mme D... B.... Si la commune soutient que cette requête était irrecevable dès lors qu'une indivision n'a pas de personnalité juridique, les écritures des demandeurs devaient être interprétées, ainsi que l'a jugé le tribunal, comme présentées au nom de M. et Mmes B.... Par suite, l'exception tirée du défaut de capacité à agir de l'indivision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, si la commune de Fretin soutient que M. et Mmes B... n'ont pas intérêt à contester le jugement du tribunal devant la cour, dès lors que la demande devant le tribunal a été présentée par l'indivision, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le tribunal a regardé la demande dont il était saisi comme étant présentée par M. et Mmes B.... La requête d'appel étant présentée par les mêmes requérants, l'exception ainsi opposée ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 avril 2018 :

4. En premier lieu, aux termes du b) du 2) du I) de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme intitulé " desserte par les voies publiques ou privées et accès aux voies ouvertes au public ", dans sa version applicable au litige : " Pour être constructible, un terrain doit comporter un accès automobile à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin ou éventuellement obtenu par l'application de l'article 682 du code civil relatif aux terrains enclavés (reproduit en annexe documentaire). L'accès doit répondre à l'importance et à la destination de la construction ou de l'ensemble des constructions qui y sont édifiés ou dont l'édification est demandée. ".

5. Sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété et, notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. Dans le cas d'une voie communale, le maire ne peut refuser d'accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique.

6. En l'espèce, le projet en litige prévoit un accès débouchant sur le parking communal jouxtant le terrain d'implantation de la construction. Il ressort des pièces du dossier que, pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par les consorts B... le 22 mars 2018, le maire de Fretin a estimé que la desserte du terrain d'assiette du projet par le parking communal voisin " altérerait " le domaine public, qu'ainsi " la desserte et l'accès du lot projeté ne sont pas assurés " et que dès lors le projet " ne respecte pas l'article 3 du règlement du PLU ".

En ce qui concerne la conservation du domaine public :

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies, que le terrain d'assiette du projet est accessible, par le parking communal, à un endroit dépourvu de places de stationnement. Si la commune fait valoir que cet accès est de nature à porter atteinte à la conservation du domaine public et rend des aménagements nécessaires, elle n'a ni caractérisé ni précisé la nature et l'ampleur de cette atteinte et de ces aménagements. Il n'est ainsi pas établi que l'accès à l'assiette du projet par le parking communal porterait atteinte à la conservation du domaine public. Par ce moyen, nouveau en appel, les requérants sont fondés à soutenir que le maire de la commune a entaché son arrêté d'une illégalité.

En ce qui concerne la sécurité routière :

8. Si la commune a aussi fait valoir que l'accès au projet est de nature à porter atteinte à la sécurité routière, elle n'a apporté aucune précision quant aux atteintes ainsi alléguées et, eu égard à la configuration des lieux, l'atteinte à la sécurité routière n'est pas établie. Dans ces conditions, la substitution de motif sollicitée à ce titre par la commune ne peut pas être accueillie.

En ce qui concerne la desserte par la rue Alfred Cousin :

9. Si la commune fait également valoir que l'accès à la voie publique est possible depuis la rue Alfred Cousin et que, conformément aux articles 682 et 684 du code civil, il appartient aux déclarants d'y aménager un passage permettant de desservir le nouveau lot issu de la division de la parcelle, l'application de ces dispositions du code civil est sans incidence sur les prérogatives de l'autorité administrative chargée de l'instruction d'une demande d'autorisation de construire.

10. En tout état de cause, d'une part, les articles 682 et 684 du code civil sont relatifs non pas à l'accès d'un terrain à la voie publique mais à la possibilité de réclamer un droit de passage sur les fonds de ses voisins et, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat dressé par un huissier le 20 juin 2019, qu'une desserte du terrain d'assiette du projet par la rue Alfred Cousin est impraticable dès lors qu'elle impliquerait de démolir le garage présent sur l'autre lot issu de la division.

11. Dans ces conditions, la substitution de motif ainsi sollicitée par la commune de Fretin ne peut être accueillie.

12. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. et Mmes B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2018 du maire de Fretin, d'autre part, que cet arrêté doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. D'une part, le présent arrêt annule l'arrêté d'opposition à déclaration préalable, après avoir censuré le motif que l'autorité compétente avait énoncé dans sa décision et après avoir rejeté les demandes de substitution de motifs présentées par la commune en cours d'instance.

14. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de l'arrêté annulé, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisaient d'accueillir le projet pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement fait obstacle au projet.

15. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au maire de Fretin de délivrer aux consorts B... la décision de non-opposition à déclaration préalable sollicitée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mmes B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Fretin demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

17. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fretin une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mmes B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 mai 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 16 avril 2018 du maire de Fretin est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Fretin de délivrer à M. et Mmes B... une décision de non-opposition à déclaration préalable portant sur la division de la parcelle cadastrée AT 18 en vue de construire une habitation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : La commune de Fretin versera à M. et Mmes B... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La demande présentée par la commune de Fretin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., Mme E... B... et Mme D... B... et à la commune de Fretin.

Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La présidente- rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA01548 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01548
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : TIGROUDJA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;21da01548 ?
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