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15/11/2022 | FRANCE | N°21DA02887

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 21DA02887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, d'un harcèlement moral et de l'illégalité fautive des décisions prises à son encontre.

Par un jugement n° 1909903 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le CHRU de Lille

lui verser la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, d'un harcèlement moral et de l'illégalité fautive des décisions prises à son encontre.

Par un jugement n° 1909903 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le CHRU de Lille à lui verser la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 décembre 2021 et 14 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Chloé Schmidt-Sarels, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille (CHRU) à lui verser la somme globale de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à partir du 19 juillet 2019 et capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à partir du 20 novembre 2019, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Lille une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur dans la rédaction des visas dès lors qu'elle n'a pas demandé au tribunal de lui allouer le bénéfice de la protection fonctionnelle et l'article 1er du dispositif est aussi entaché d'une erreur de rédaction ;

- le jugement a répondu de façon insuffisante aux moyens tirés du manquement du CHRU à son obligation de sécurité et du harcèlement moral dont elle a été victime de sa part ;

- le CHRU a commis des fautes en prenant à son égard des décisions illégales les 24 juin 2015, 6 octobre 2015 et 14 avril 2016, il a également manqué à son obligation de sécurité et commis des agissements constitutifs de harcèlement moral qui ont eu pour effet de compromettre son avenir professionnel ;

- ces fautes sont à l'origine d'un préjudice moral, de troubles dans ses conditions d'existence et d'un préjudice financier ;

- elle doit bénéficier de la protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille, représenté par Me Jean-François Ségard, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du 20 octobre 2021 en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros et au rejet des demandes indemnitaires présentées par l'intéressée ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la Cour confirme le jugement attaqué ;

3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai de deux mois visé dans la décision du 25 août 2018 ;

- le centre hospitalier n'a commis aucune faute ;

- Mme A... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier ni moral.

Par une décision du 9 juin 2022, la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été rejetée.

Par une ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Alex Avonture-Herbaut, substituant Me Chloé Schmidt-Sarels, représentant Mme A... et de Me Justine Chochois, substituant Me Jean-François Ségard, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée le 5 avril 2004 par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille en qualité d'agente puis d'adjointe des services hospitaliers. Elle a été victime d'un premier accident le 9 septembre 2010 alors qu'elle travaillait au service de médecine nucléaire à l'hôpital Claude Huriez. Cet accident, qui a provoqué des douleurs aux lombaires, a été reconnu imputable au service par décision du 16 avril 2012. Elle a subi un nouvel accident le 3 janvier 2013 alors qu'elle était affectée à l'accueil des usagers de l'hôpital Roger Salengro, qui lui a causé une contusion des lombaires et du bassin. Son employeur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident mais, par un arrêt n° 18DA01344 du 11 juin 2019, la cour administrative d'appel de Douai, confirmant le jugement n° 1507512 du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Lille, a enjoint au CHRU de Lille de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Mme A... a été ensuite victime de plusieurs altercations avec des usagers et, en particulier, d'une agression verbale le 2 janvier 2015 reconnue imputable au service par son employeur. En revanche, le CHRU a refusé de reconnaître cette imputabilité pour les congés maladie postérieurs, du 29 au 30 janvier 2015, du 9 au 23 juillet 2015 et à compter du 1er septembre 2015 que Mme A... a imputés à une rechute de l'accident du 2 janvier 2015. Par un jugement n° 1600874, 1607228, 1607229 du 6 décembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a enjoint au CHRU de Lille de reconnaître l'imputabilité au service de ces périodes de congés maladie. L'établissement a décidé d'affecter Mme A... à compter du 29 octobre 2018 sur les fonctions de gestionnaire au sein d'une cellule comptable.

2. Par un courrier du 17 juillet 2019, notifié le 19 du même mois, Mme A... a sollicité du CHRU de Lille l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents et rechutes dont elle a été victime, de la méconnaissance, par le centre hospitalier, de son obligation de sécurité à son égard, ainsi que du harcèlement moral dont elle s'estime être victime de la part de cet établissement. Elle relève appel du jugement n° 1909903 du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant son employeur à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité fautive entachant les décisions par lesquelles le CHRU de Lille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 3 janvier 2013 et des congés maladie des 29 au 30 janvier 2015, 9 au 23 juillet 2015 et à compter du 1er septembre 2015.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, il ressort de la demande introductive d'instance de Mme A... et du mémoire enregistrés les 20 novembre 2019 et 22 juin 2021 devant le tribunal administratif de Lille que si l'intéressée n'a pas conclu à l'attribution de la protection fonctionnelle, elle l'a évoquée expressément au soutien de son argumentation relative aux fautes reprochées à son employeur. Ainsi, si c'est à tort que le jugement du 20 octobre 2021 a visé des conclusions qui n'étaient pas expressément formulées, une telle erreur n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, le tribunal a rédigé avec suffisamment de précisions les motifs, figurant aux points 3 à 6 et 7 à 15 du jugement, par lesquels il a refusé de reconnaître l'existence d'un manquement de l'établissement hospitalier à l'obligation de sécurité et d'un harcèlement moral.

5. En dernier lieu, si le tribunal a indiqué à tort dans l'article 1er du dispositif du jugement que la condamnation du CHRU à verser la somme de 2 000 euros serait assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts dans les conditions énoncées au point 22, alors qu'ils sont indiqués au point 20 de ce jugement, cette mention constitue une simple erreur de plume sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

6. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que Mme A... n'est pas fondée à remettre en cause la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'existence d'une faute à raison de l'illégalité des décisions portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents et rechutes dont Mme A... a été victime :

7. Il résulte de l'instruction que par un jugement n° 1507512 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 24 juin 2015 par laquelle le directeur général du CHRU de Lille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme A... a été victime le 3 janvier 2013, au motif que le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ne pouvait être légalement refusé à l'intéressée. Par un arrêt n° 18DA01344 du 11 juin 2019, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le centre hospitalier à l'encontre de ce jugement. Par un jugement n° 1601114 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 23 novembre 2015 par laquelle le chef du service des absences médicales du département des ressources humaines du CHRU de Lille a décidé de ne pas reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail du 2 au 16 janvier 2015 et du 30 janvier 2015. De plus, par un jugement n° 1600874, 1607228 et 1607229 du 6 décembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif a annulé les décisions des 6 octobre 2015 et 14 avril 2016 portant refus d'imputabilité au service des rechutes, intervenues les 29 janvier, 9 juillet et 1er septembre 2015, de l'accident dont Mme A... a été victime le 2 janvier 2015, au motif que ces décisions étaient entachées d'erreur d'appréciation. Les illégalités entachant les décisions mentionnées ci-dessus des 24 juin 2015, 6 octobre 2015, 23 novembre 2015 et 14 avril 2016 sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

En ce qui concerne l'existence d'une faute à raison d'un manquement à l'obligation de sécurité :

8. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet.

9. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été victime d'une altercation verbale le 28 février 2014 avec une usagère de l'hôpital puis, quatre mois plus tard, d'une agression verbale le 8 juillet 2014 par une personne qui l'a ensuite poursuivie dans les couloirs de l'établissement. Un nouvel incident s'est produit six mois plus tard, le 5 décembre 2014, lorsqu'un usager l'a insultée et menacée de mort et un dernier peu après, le 2 janvier 2015, avec un couple d'usagers qui l'a aussi insultée et menacée de mort. Il résulte de l'instruction que lors des incidents des 28 février 2014 et 8 juillet 2014, le service de sécurité de l'hôpital est immédiatement intervenu pour sécuriser l'agente. Puis, si les agressions des 5 décembre 2014 et 2 janvier 2015 se sont répétées sur une courte période, le CHRU a mis en œuvre les moyens nécessaires à sa protection en l'affectant dès son retour de congé, en février 2015, dans une autre aile de l'hôpital où aucun incident n'a été relevé et en lui proposant, au cours du mois de février 2015, deux nouvelles affectations à la blanchisserie et au service stationnement des véhicules, fonctions à l'exercice desquelles il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait été inapte.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le CHRU de Lille n'a pas manqué à son obligation de sécurité de l'agente. Mme A... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne l'existence d'une faute à raison du harcèlement moral allégué :

11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 113-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

12. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

13. En premier lieu, si Mme A... soutient que le CHRU de Lille oppose systématiquement des refus à ses demandes de reconnaissance d'imputabilité au service de ses accidents, il résulte toutefois de l'instruction que sur les trois accidents de service dont elle a été victime les 9 octobre 2010, 3 janvier 2013 et 2 janvier 2015, le centre hospitalier ne lui a opposé qu'un seul refus, s'agissant de l'accident du 3 janvier 2013. S'il est constant que le centre hospitalier a refusé de reconnaître imputables au service, d'une part, la rechute survenue le 31 mai 2013 de l'accident du 9 octobre 2010, et, d'autre part, les rechutes survenues les 29 janvier, 9 juillet et 1er septembre 2015 de l'accident du 2 janvier 2015, ces refus ne sauraient être regardés comme constitutifs d'une opposition systématique aux demandes de Mme A.... Le CHRU de Lille a, au demeurant, par décision du 27 décembre 2018, reconnu l'imputabilité au service de la rechute du 29 janvier 2015 de l'accident de service du 2 janvier 2015, ainsi que des arrêts du 29 au 30 janvier 2015, du 9 au 23 juillet 2015 et du 1er septembre 2015 au 31 août 2018. Par ailleurs, la circonstance que le centre hospitalier ait exercé son droit de faire appel du jugement n° 1507512 du tribunal administratif ne saurait être regardée comme la preuve de l'existence d'un acharnement particulier envers la requérante. De même, la circonstance que le centre hospitalier ait demandé à Mme A... de se soumettre à trois expertises sur une période de six mois, ne constitue pas davantage un acharnement particulier envers l'intéressée, alors qu'il n'est au demeurant pas sérieusement contesté que ces expertises étaient nécessaires à l'instruction de ses demandes. Enfin, si la requérante soutient que son supérieur hiérarchique était réticent à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 2 janvier 2015, elle ne l'établit pas, alors qu'il résulte de l'instruction que cet accident a été reconnu imputable au service par une décision du 24 juin 2015.

14. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 9, la requérante ne peut se prévaloir d'un manquement du CHRU à son obligation de sécurité à son égard pour démontrer la volonté de la direction du centre hospitalier de la harceler moralement.

15. En troisième lieu, si Mme A... soutient avoir été placée à tort à demi-traitement alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail dans le cadre d'une rechute de l'accident dont elle a été victime le 2 janvier 2015, survenue le 3 janvier 2019, elle ne produit toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations. En outre, elle n'allègue ni n'établit que son employeur n'aurait pas régularisé sa rémunération à la suite de la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses congés de maladie.

16. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'en refusant initialement de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 3 janvier 2013 et des rechutes survenues les 29 janvier, 9 juillet et 1er septembre 2015 de l'accident dont Mme A... a été victime le 2 janvier 2015, le CHRU de Lille n'aurait pas fait preuve de considération à son égard, qu'il aurait été à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail ou aurait porté atteinte à ses droits et à sa santé mentale. Il en va de même de la circonstance, à la supposer même établie, que le centre hospitalier ne l'aurait pas informée de ce qu'elle pouvait effectuer une demande de protection fonctionnelle dès l'année 2014. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le CHRU de Lille a accordé à Mme A... le bénéfice d'un congé de formation professionnelle de socio-esthéticienne de 2008 à 2010, l'intéressée ayant également obtenu un baccalauréat général le 19 juillet 2016 ainsi qu'un brevet de technicien supérieur le 3 juillet 2018. Si le centre hospitalier a, par une décision du 13 juillet 2015, refusé de faire droit à la demande de formation présentée par Mme A... au mois de février 2015, cette seule circonstance ne saurait laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, alors, au demeurant, que cette décision de refus a été validée par un jugement n° 1507513 du 7 juin 2018, devenu définitif, du tribunal administratif de Lille. De plus, ainsi que cela a été rappelé au point 9 du présent arrêt, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait été déclarée inapte à l'exercice des fonctions qui lui ont été proposées par le centre hospitalier au cours du premier semestre de l'année 2015 pour faire suite à ses demandes de changement d'affectation. Il résulte en outre de l'instruction que Mme A... a été déclarée apte à exercer, à compter du 29 octobre 2018, ses fonctions au sein de la cellule comptable " de Courtois ", alors même que les missions effectuées ne correspondaient pas à ses formations. Enfin, il résulte de l'instruction, et en particulier de nombreux certificats médicaux produits, que l'état de santé de Mme A... est lié à l'accident de service dont elle a été victime le 2 janvier 2015, qui au demeurant a conduit un médecin expert à la déclarer inapte de manière absolue et définitive à toutes fonctions le 23 novembre 2020. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le CHRU de Lille aurait compromis l'avenir professionnel de Mme A... ou tenté de l'évincer.

17. En dernier lieu, si la requérante soutient que les agissements dont elle fait l'objet de la part du CHRU de Lille ne sont pas isolés et qu'une collègue a également subi la déconsidération de la direction, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations.

18. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les faits invoqués par Mme A..., pris dans leur ensemble, ne peuvent être regardés comme des agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions citées au point 11. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à l'indemniser à ce titre.

En ce qui concerne l'existence d'une faute à raison du refus allégué de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle :

19. D'une part, en l'absence de toute présomption d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre, Mme A... n'est pas fondée à demander le bénéfice de la protection fonctionnelle pour ce motif.

20. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a demandé pour la première fois à bénéficier de la protection fonctionnelle le 6 avril 2018 dans le cadre de l'appel d'un jugement relaxant l'auteur présumé de l'agression qu'elle avait subie le 2 janvier 2015. Par décision du même jour, le CHRU a fait droit à sa demande. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son employeur a commis une faute sur ce point.

En ce qui concerne les préjudices :

21. Il résulte de l'instruction que Mme A... a subi un préjudice moral causé par les refus de son administration de reconnaître l'imputabilité au service de plusieurs arrêts de travail dont les premiers juges ont fait une juste évaluation en condamnant le CHRU à lui verser la somme de 2 000 euros. En revanche, aucune présomption d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ni de faute à raison d'un manquement à l'obligation de sécurité n'étant établie, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi un quelconque préjudice moral à ce titre.

22. Si Mme A... soutient subir des troubles dans les conditions d'existence, elle n'apporte aucun élément précis ni probant sur ce point.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que les premiers juges ont limité la condamnation du CHRU de Lille à lui verser la somme de 2 000 euros et que les conclusions d'appel incident du CHRU de Lille tendant à être déchargé du paiement de cette somme doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du CHRU de Lille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CHRU de Lille présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 d code de justice administrative présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. SeulinLa greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02887
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCHMIDT-SARELS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-15;21da02887 ?
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