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13/10/2022 | FRANCE | N°20DA00471

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 octobre 2022, 20DA00471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ISEA a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'autre part, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, par ailleurs, de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'art

icle 1759 du code général des impôts. Enfin, par la même demande, la SARL ISEA a dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) ISEA a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'autre part, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, par ailleurs, de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Enfin, par la même demande, la SARL ISEA a demandé au tribunal administratif de rétablir les déficits reportables déclarés par elle au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1708810 du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la majoration de 40% prévue en cas de manquement délibéré dont étaient demeurés assortis des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont le dégrèvement en droits avait été prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2020, la SARL ISEA représentée par la SELARL Wiblaw, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) de prononcer la décharge et le rétablissement demandés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- les mentions contenues dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 août 2016, selon lesquelles l'interlocuteur fiscal départemental désigné par l'avis de vérification était à sa disposition pour l'accompagner dans ses démarches postérieures à la mise en recouvrement des impositions, l'ayant induite en erreur sur la possibilité de bénéficier d'un recours devant le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard doit être regardée comme entachée d'une irrégularité qui l'a privée d'une garantie substantielle ;

- l'administration n'a pu, sans méconnaître l'interdiction, posée par l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, de pratiquer deux vérifications de comptabilité successives sur la même période et le même impôt, remettre en cause la déductibilité d'une charge à payer correspondant à une prime de bilan à verser à son gérant ;

- contrairement à ce qu'a retenu, à tort, le tribunal administratif, elle a apporté la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à sa charge en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 pour trois encaissements, qui, comme en témoignent les modalités de leur enregistrement comptable, lesquelles n'ont fait intervenir aucun compte de la classe 41, ne se rapportaient pas à des opérations taxables ;

- en ce qui concerne la période suivante, allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, l'administration a inclus à tort, dans la reconstitution des recettes taxables de son exploitation, des encaissements reçus en paiement de prestations sur des biens immobiliers effectuées par elle en sous-traitance et facturées par elle en franchise de taxe sur la valeur ajoutée, puisque relevant du régime d'auto-liquidation de taxe prévu au 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts, dans le cadre de l'application duquel la taxe est auto-liquidée par l'entrepreneur principal ;

- en ce qui concerne la même période, l'administration ne pouvait retenir sans méconnaître le c du 2 de l'article 269 du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux créances ayant fait l'objet d'une cession " Dailly " était exigible non pas à la date de règlement effectif par les clients auprès de l'établissement bancaire, mais à la date d'échéance de chaque facture, de sorte que les rappels de taxe correspondant sont exagérés ;

- l'administration a retenu à tort, pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des locations de matériels, que l'ensemble de ces opérations concernaient des véhicules destinés au transport de personnes ou à usage mixte alors que tel n'était pas le cas, puisque certaines des opérations en cause, qui ont d'ailleurs fait l'objet d'une imputation comptable différente, portaient sur des matériels spécifiques à son activité, de sorte que ce chef de rappel est également exagéré ;

- contrairement à ce qu'a retenu, au terme d'une appréciation excessivement sommaire au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative, le tribunal administratif, les états des dépenses de mission et de réception qu'elle a versés à l'instruction, lesquels comportent, pour chaque dépense, le motif de déductibilité et la désignation du client concerné, sont de nature à établir la déductibilité de la taxe ayant grevé la majeure partie des dépenses en cause ;

- contrairement à ce qu'a retenu, par le même raisonnement, le tribunal administratif, l'administration a remis en cause à tort la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, de la majeure partie de ces dépenses de mission et de réception, alors que les états qu'elle a produits étaient de nature à justifier qu'elles avaient été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- l'ouverture, au cours de l'année 2014, d'une procédure de liquidation judiciaire à l'endroit de la société " Sweat and Co " suffisait à justifier, dans son principe et dans son montant, la déductibilité de la provision pour dépréciation de créance dont l'administration a remis en cause la déductibilité ;

- alors que les rectifications contestées n'ont conduit qu'à amoindrir le résultat déficitaire déclaré par elle au titre de chacun des exercices en litige, l'administration lui a adressé à tort la demande de désignation des bénéficiaires de revenus réputés distribués prévue à l'article 117 du code général des impôts, sans avoir, au préalable démontré l'appréhension de telles sommes par les associés ; dès lors, l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière ; le paragraphe n°60 de l'instruction publiée le 08 septembre 2014 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 conforte sa position sur ce point ;

- elle a apporté une réponse suffisante à cette demande, de sorte que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'a pu régulièrement lui être infligée ;

- pour justifier que la majeure partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige aient été assortis de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle aurait eu l'intention d'éluder l'impôt.

Par une lettre enregistrée le 28 février 2022, Me Wibaut informe la cour du placement de la SARL ISEA en procédure de liquidation judiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, et par un mémoire enregistré le 16 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la remise prononcée en cours d'instance d'appel par le comptable public en ce qui concerne les amendes infligées à la SARL ISEA, ainsi que les intérêts de retard, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la SARL ISEA a été informée, d'une manière suffisamment précise, par l'avis de vérification qui lui a été adressé, des possibilités de recours administratifs qui lui étaient ouvertes et le seul fait qu'ensuite, la proposition de rectification l'a, par ailleurs, informée de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental pour l'accompagner dans ses démarches postérieures à la mise en recouvrement des impositions ne peut être regardé comme ayant pu l'induire en erreur sur l'étendue de ses droits ;

- la SARL ISEA, qui a accepté, expressément ou tacitement, les rectifications afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, à l'application de la cascade prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, au passif injustifié porté dans un compte de charge à payer, à la remise en cause de provisions pour dépréciation, à la non déductibilité d'avantages en nature liés à la mise à disposition d'un véhicule et à la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation, supporte, en ce qui concerne ces chefs de rectification, la charge de la preuve de leur caractère exagéré, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;

- la SARL ISEA n'apporte pas cette preuve s'agissant des rectifications afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, en tant qu'elles concernent les trois écritures pour lesquelles elle allègue qu'elles se rapporteraient à des opérations non taxables, par des extraits d'une comptabilité écartée comme dépourvue de caractère probant, alors d'ailleurs que des factures charges y avaient été enregistrées, au cours de la période vérifiée, sans avoir recours à des comptes de tiers ;

- la SARL ISEA, qui n'a fourni aucun document de nature à justifier de la réalité des travaux qu'elle aurait effectués en sous-traitance, comme elle l'a allégué pour la première fois devant le tribunal administratif, n'apporte donc pas davantage la preuve, qui lui incombe également, s'agissant du chef de rectification afférent à la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;

- pour reconstituer la taxe sur la valeur ajoutée collectée, au cours de la même période, sur les créances ayant fait l'objet d'une cession " Dailly ", le service a bien pris en considération, à l'exception d'une créance ayant donné lieu à un dégrèvement de taxe, la date de paiement par le client ;

- nonobstant le fait que la comptabilité de la SARL ISEA a été écartée comme non probante, l'invocation, par cette société, d'écritures comptables ne peut lui suffire à établir que certaines des opérations de location ayant donné lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible n'auraient pas eu pour objet la prise en location de véhicules de tourisme, dans une situation dans laquelle, au surplus, aucune facture correspondante n'a été produite ;

- les états produits par la SARL ISEA ne peuvent, à eux seuls, comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif, suffire à justifier de la nature exacte de dépenses de mission et de réception qu'ils mentionnent, dont certaines ont d'ailleurs été exposées des jours non ouvrables ou comportent des incohérences, ni de leur lien avec des opérations taxables, de sorte que la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses a été remise en cause à bon droit par l'administration ;

- alors que la rectification du déficit de l'exercice clos en 2013 en ce qui concerne un passif injustifié consiste en la remise en cause d'une dette non justifiée inscrite au passif de la SARL ISEA au 31 décembre 2013 et que, pour effectuer cette rectification, le service ne s'est pas livré à une nouvelle vérification de la comptabilité d'exercices déjà contrôlés, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales est inopérant ;

- les états non étayés de justificatifs probants ne peuvent suffire à établir la nature exacte des dépenses de mission et réception dont la déduction en tant que charges a été remise en cause par le service, ni qu'elles ont été exposées dans l'intérêt de l'exploitation ;

- la SARL ISEA, qui supporte la charge de la preuve sur ce point, n'apporte aucun élément de nature à justifier, dans son principe comme dans son montant, la provision pour créance douteuse qu'elle a constituée au titre de l'exercice clos en 2014, le seul fait que la société débitrice " Sweat and Co " ait été placée en procédure de liquidation judiciaire ne pouvant suffire à cet égard ;

- pour les motifs exposés au nom de l'Etat devant les premiers juges, les autres moyens invoqués par la SARL ISEA en première instance et dont il appartiendrait, le cas échéant, à la cour de connaître par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés ;

- dès lors que la SARL ISEA a été placée en procédure de liquidation judiciaire et qu'en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts a fait l'objet d'une remise par le comptable public, les moyens de la requête dirigés contre cette amende sont sans portée ;

- en retenant que la SARL ISEA s'est abstenue de reverser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige, qu'elle avait pourtant isolée dans sa comptabilité, qu'elle ne pouvait ignorer que la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être déduite par anticipation, enfin, que des rectifications similaires, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de société avaient été notifiées à cette société, et acceptées par elle pour l'essentiel, à la suite d'une précédente vérification de comptabilité, l'administration a apporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la majoration de 40%, prévue en cas de manquement délibéré par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, appliquée à ces chefs de rectification.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal administratif a omis de constater, dans le dispositif de son jugement, qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements prononcés, en cours de première instance, par l'administration fiscale, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'amende pour absence de déclaration d'avantages en nature, sur les conclusions de la demande présentée par la SARL ISEA, de sorte que ce jugement est, dans cette mesure, irrégulier.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) ISEA, qui a son siège à Les Attaques (Pas-de-Calais), exerce une activité consistant en la réalisation de travaux électriques. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Au cours de ce contrôle, le service, après avoir écarté la comptabilité de la SARL ISEA comme entachée d'irrégularités de nature à en altérer le caractère probant, a relevé des insuffisances de taxe sur la valeur ajoutée collectée, ainsi que des déductions de taxe pratiquées à tort, a remis en cause la déduction de charges regardées comme insuffisamment justifiées et a rappelé des suppléments de taxe sur les véhicules de société. L'administration a fait connaître sa position, sur ces différents points, à la SARL ISEA par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 8 août 2016 et qui précisait que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que de taxe sur les véhicules de société résultant de ces rectifications seraient assorties de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Les observations formulées par la SARL ISEA n'ayant été que partiellement admises par l'administration, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que de taxe sur les véhicules de société maintenus à la charge de la SARL ISEA ont été mis en recouvrement le 30 juin 2017, de même qu'une amende pour non désignation de bénéficiaires de revenus réputés distribués, prévue par l'article 1759 du code général des impôts. En revanche, aucune cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés n'a été mise en recouvrement, les rectifications notifiées en ce qui concerne les résultats imposables des exercices clos en 2013 et 2014 ayant eu pour seul effet d'amoindrir le montant de déficits reportables.

2. La réclamation introduite par la SARL ISEA n'ayant été que partiellement admise, celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'autre part, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, par ailleurs, de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Enfin, par la même demande, la SARL ISEA a demandé au tribunal administratif de rétablir les déficits reportables déclarés par elle au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par un jugement du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la majoration de 40% prévue en cas de manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge en droits avait été prononcée en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. La SARL ISEA relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.

Sur l'étendue du litige :

3. Par une décision du 15 novembre 2021, intervenue en cours d'instance d'appel, le comptable des finances publiques chargé du pôle de recouvrement spécialisé de Lille a prononcé, compte-tenu du placement de la SARL ISEA en procédure de liquidation judiciaire, la remise, en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts infligée à cette société, ainsi que de l'intérêt de retard dont étaient assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En retenant, aux points 25 et 31 de son jugement, que le tableau établi par la SARL ISEA et versé à l'instruction, dans le but de justifier de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses de mission et de réception exposées au cours de la période vérifiée, ainsi que de la déductibilité, en tant que charges des exercices considérés, de ces dépenses, était insuffisant, à lui seul, à remettre en cause l'analyse de l'administration, selon laquelle, en raison du fait que les factures produites en ce qui concerne ces dépenses, pour certaines, avaient été exposées des jours non ouvrables ou, pour d'autres, présentaient des incohérences, ni le rattachement de ces dépenses à des opérations taxables de la SARL ISEA, ni leur lien avec l'intérêt de l'entreprise n'était établi, le tribunal administratif a apporté une réponse suffisante aux moyens soulevés par la SARL ISEA, tirés du mal-fondé de ces rectifications. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

5. Par une décision du 31 août 2018, postérieure à l'introduction de la demande de première instance, le directeur régional des finances publique des Hauts-de-France a prononcé, d'une part, le dégrèvement partiel en droits et pénalités des rappels contestés de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 2 669 euros et, d'autre part, le dégrèvement total des amendes pour absence de déclaration des avantages en nature à hauteur de 302 euros. La demande était, dans cette mesure, devenue sans objet. Toutefois, dans le dispositif de son jugement, le tribunal administratif de Lille a omis de constater, dans cette mesure, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la SARL ISEA. Dès lors, il y a lieu, pour la cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la garantie tenant à l'exercice des recours hiérarchiques :

6. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : "'Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration.'". Dans la partie relative aux conclusions du contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit, dans son texte applicable à la procédure en litige, que : "'Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur'". Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental, régional ou interrégional dans les conditions qu'elles précisent.

7. Un contribuable qui n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de la garantie, offerte par la charte du contribuable vérifié, d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier, ne saurait soutenir utilement devant le juge de l'impôt qu'il aurait été privé de cette garantie et que la procédure d'imposition serait, pour ce motif, irrégulière. Toutefois, il peut utilement soutenir que, compte tenu des circonstances de fait, et notamment des informations que l'administration a portées à sa connaissance dans la proposition de rectification ou dans la réponse à ses observations, l'administration l'a induit en erreur sur la possibilité d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, alors même qu'elle n'était pas légalement tenue de faire connaître au contribuable, à ce stade de la procédure, sa faculté d'obtenir un tel débat.

8. En l'espèce, si la proposition de rectification qui a été adressée le 8 août 2016 à la SARL ISEA mentionne les coordonnées de l'interlocuteur départemental en le présentant comme étant le responsable chargé de l'informer des suites du contrôle et pouvant, le cas échéant, l'accompagner dans ses démarches postérieures à la mise en recouvrement des rappels de taxes résultant de ce contrôle, cette seule mention ne peut être regardée comme revenant, même implicitement, sur la faculté pour la SARL ISEA de débattre, avant la clôture de la procédure de rectification, avec l'interlocuteur départemental, qui lui avait été précédemment exposée de manière suffisamment précise, tant dans l'avis de vérification qui lui avait été adressé le 27 janvier 2016 que dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié qui était jointe à cet avis. Il s'ensuit que la SARL ISEA n'est pas fondée à soutenir que l'administration, qui n'était pas légalement tenue, à ce stade de la procédure, de rappeler cette faculté au contribuable, l'aurait induite en erreur quant aux possibilités de soumettre un désaccord persistant avec le service au supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, à l'interlocuteur fiscal départemental avant la mise en recouvrement des rappels de taxe en litige, dans des conditions l'ayant privée de cette garantie.

En ce qui concerne l'existence d'une double vérification de comptabilité :

9. En vertu de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période.

10. L'administration a remis en cause l'inscription par la SARL ISEA au passif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2013, d'une dette de 20 000 euros, qu'elle a regardée comme injustifiée. Or, pour aboutir à cette conclusion, le service a seulement constaté, selon les termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 8 août 2016 à la SARL ISEA, que celle-ci n'avait fourni aucune explication convaincante pour justifier le maintien de cette somme au passif du bilan, dans son principe comme dans son montant, en soutenant, au cours du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, que cette somme correspondait à une prime restant due à l'associé qui a été son gérant jusqu'au 30 juillet 2013, tout en présentant la copie du talon d'un chèque émis par elle le 26 août 2011 pour un montant de 20 000 euros et comportant un libellé mentionnant " Prime exceptionnelle " ainsi que le nom de son ancien gérant. Dès lors, quand bien même cette dette avait initialement été enregistrée le 31 décembre 2010, dans un compte de charge à payer, l'administration n'a pas eu besoin d'examiner une nouvelle fois la comptabilité de l'exercice clos en 2010, qui avait déjà fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité, pour estimer que, selon les éléments avancés par la SARL ISEA elle-même, celle-ci s'était déjà libérée de sa dette, dont le maintien au passif du bilan de l'exercice clos en 2013 n'était, dans ces conditions, par justifié. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cette rectification procède d'une double vérification prohibée ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe et des suppléments d'impôt en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Il est constant que, par les observations qu'elle a formulées le 7 octobre 2016 sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 8 août 2016, la SARL ISEA a expressément accepté les rectifications portant sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, sur l'application de la cascade prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, sur la remise en cause du passif injustifié au titre de l'exercice clos en 2013, sur la remise en cause d'une provision pour créance douteuse constituée au titre de l'exercice clos en 2014 et, enfin, sur la remise en cause de la déductibilité d'avantages en nature consistant en la mise à disposition d'un véhicule. Par ailleurs, il est tout aussi constant que la SARL ISEA n'a présenté aucune observation pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause de déductions opérées par anticipation, de sorte qu'elle doit être réputée les avoir acceptés. La SARL ISEA supporte, en conséquence, la charge de la preuve de l'exagération de l'ensemble de ces rectifications, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013 :

12. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2. de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les livraisons, envisagées au a) de ce 2, lors de la réalisation de ce fait générateur et, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.

13. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL ISEA, le service, après avoir écarté la comptabilité de cette société comme dépourvue de caractère probant, a procédé, à partir des crédits figurant sur ses comptes bancaires, à une reconstitution des recettes taxables de son activité. La SARL ISEA soutient que la méthode ainsi mise en œuvre par le service a conduit celui-ci à prendre en compte, à tort, dans les recettes ainsi reconstituées, trois crédits qu'elle estime correspondre à des opérations non taxables par nature, comme en témoigne, à ses yeux, le fait que celles-ci ont donné lieu, dans sa comptabilité, à des écritures ne faisant pas intervenir les comptes de clients, ni ceux qui leur sont rattachés. Toutefois, par ses seules allégations qui font référence à des écritures issues d'une comptabilité écartée comme non probante et qui ne sont étayées par aucune pièce, la SARL ISEA ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, ainsi qu'il a été dit au point 11, du caractère exagéré des rappels de taxe procédant de ce chef de rectification.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014 :

Quant à l'application du régime d'auto-liquidation à certaines recettes :

14. En vertu du 2 nonies de l'article 283 du code général des impôts, pour les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier par une entreprise sous-traitante, au sens de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d'un preneur assujetti, la taxe est acquittée par le preneur. En outre, en vertu du 13° de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code, les factures émises, dans une telle hypothèse, par le preneur doivent comporter la mention " Autoliquidation ".

15. La SARL ISEA soutient que l'administration a inclus à tort, dans ses recettes taxables reconstituées pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, des crédits qui lui ont été versés par ses donneurs d'ordres dans le cadre de travaux de nature immobilière réalisés par elle, pour le compte de ceux-ci, en sous-traitance. Toutefois, alors que, comme il a été dit au point 11, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la SARL ISEA n'apporte, au soutien de cette allégation nouvelle devant le juge de l'impôt, aucune pièce justificative, en particulier, aucun contrat de sous-traitance, ni aucune facture se rapportant aux opérations de sous-traitance auxquelles elle fait référence. En outre, elle n'a signalé, sur les déclarations de chiffre d'affaires qu'elle a souscrites au titre de la période en cause, aucune opération non taxable sur la ligne prévue à cet effet. Dès lors, elle ne peut être regardée comme ayant apporté la preuve qui lui incombe.

Quant aux créances ayant fait l'objet d'une cession " Dailly " :

16. En vertu du deuxième alinéa du c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts, en cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission.

17. Il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification adressée le 8 août 2016 à la SARL ISEA que, dans le cadre de sa reconstitution des recettes taxables de l'activité de cette société au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, le service a, en ce qui concerne les créances qui avaient fait l'objet d'une cession, pris en considération, contrairement à ce qu'allègue la SARL ISEA, la date de paiement par le client comme correspondant à la date d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant. Si le ministre admet l'inclusion, par erreur, dans les recettes taxables reconstituées, d'une créance d'un montant de 14 823,70 euros dont le paiement par le client est intervenu à une date postérieure au 31 décembre 2014, il précise que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à cette créance a fait l'objet d'un dégrèvement en cours de première instance, ce qui est corroboré par les éléments de l'instruction et par les mentions du jugement attaqué. Dans ces conditions et dès lors qu'elle n'apporte aucun autre argument au soutien de son moyen, la SARL ISEA ne peut être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge à ce titre.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

18. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. / (...) ".

Quant à la taxe afférente à la location de véhicules :

19. En vertu de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. Enfin, en vertu du I de l'article 206 de la même annexe, le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission et, en vertu du 2. du IV du même article, le coefficient d'admission est nul, notamment, selon le 6° de ce 2, pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes et, selon le 10° de ce 2, pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8° du même 2.

20. Au cours de la vérification dont a fait l'objet la SARL ISEA, le service a estimé que cette société avait porté en déduction la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations de location de véhicules de tourisme, alors que les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts y faisaient obstacle. La SARL ISEA soutient que le service aurait, à tort, remis en cause la déduction de la taxe se rapportant à des opérations de location ne portant pas sur des véhicules destinés au transport de personnes ou à usage mixte, mais sur des matériels nécessaires à l'exercice de son activité, qu'elle a d'ailleurs enregistrées au débit du compte 613 " location de matériels " et non du compte 61301 ou du compte 61302 réservés aux locations de véhicules. Toutefois, la SARL ISEA, qui ne peut utilement se référer à une comptabilité qui a été écartée comme dépourvue de caractère probant, n'a produit, au soutien de ses allégations, aucune des factures se rapportant aux locations pour lesquelles elle revendique la possibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, alors que les dispositions, citées au point 18, du II de l'article 271 du code général des impôts subordonnent la possibilité de déduire la taxe à la condition que l'assujetti dispose des factures correspondantes, régulièrement établies et sur lesquelles figure le montant de la taxe. Dans ces conditions, la critique, par la SARL ISEA, du bien-fondé de ce chef de rectification ne peut qu'être écartée.

Quant à la taxe afférente aux missions et aux réceptions :

21. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL ISEA a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait porté en déduction, au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses portées dans sa comptabilité comme correspondant à des frais de mission et de réception. Pour justifier ces déductions, la SARL ISEA a présenté au vérificateur des reçus de paiement par carte bancaire accompagnés de notes sur lesquelles l'identité du bénéficiaire n'était pas précisée. Le vérificateur a constaté que certaines de ces pièces avaient été établies des jours non ouvrables ou même à des horaires nocturnes. Dans ces conditions, le service a remis en cause une partie des déductions de taxe ainsi pratiquées, au motif qu'il n'était pas suffisamment établi que les dépenses correspondantes se rapportaient, au sens des dispositions, citées au point 18, du II de l'article 271 du code général des impôts, à des achats de biens ou de services utilisés par la SARL ISEA pour les besoins de ses opérations taxables.

22. La SARL ISEA a cependant produit, au soutien de ses observations, des tableaux présentant une ventilation des dépenses en cause entre, d'une part, celles pour lesquelles elle demeurait dans l'incapacité de fournir une justification de leur lien avec ses opérations taxables et, d'autre part, celles pour lesquelles elle précisait leur objet, leur cause, ainsi que leur bénéficiaire. Toutefois, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal administratif, ces tableaux, dont les mentions ne sont pas appuyées par des justificatifs autres que ceux initialement produits au vérificateur, ne peuvent suffire à la SARL ISEA à justifier de ce que les dépenses pour lesquelles elle a apporté ces précisions complémentaires ont effectivement été exposées pour les besoins de ses opérations taxables et, par suite, de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente. Les précisions complémentaires ainsi apportées sont d'ailleurs affectées d'incohérences, tenant, par exemple, au nombre de convives présents aux repas présentés comme des repas d'affaires ou aux faits que de tels repas ont, selon les mentions des notes correspondantes, été servis des jours non ouvrables ou incluaient des menus pour enfants.

En ce qui concerne les rectifications des résultats :

S'agissant des frais de mission et de réception :

23. En vertu du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, qui comprennent notamment les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, ainsi que le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application de ces dispositions du 1° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

24. Dans les conditions exposées au point 21, les tableaux, décrits au point 22, joints par la SARL ISEA aux observations qu'elle a formulées sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 août 2016, ne peuvent suffire, pour les motifs exposés au même point 22, à la SARL ISEA à apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les dépenses dont ces tableaux dressent l'état ont été exposées dans l'intérêt de son exploitation. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause leur déduction en tant que charges des exercices clos en 2013 et 2014.

S'agissant de la provision pour créance douteuse :

25. En vertu du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi, notamment, sous déduction des provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice.

26. Au cours du contrôle dont la SARL ISEA a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait constitué, au cours de l'exercice clos en 2014, une provision pour créance douteuse d'un montant de 5 429 euros avec un libellé faisant référence à la société Sweat and Co, au nom de laquelle était par ailleurs ouvert un compte de client. Aucun élément n'ayant été apporté pour justifier du bien-fondé, dans son principe comme dans son montant, de cette provision, le service a remis en cause sa déductibilité du résultat de l'exercice.

27. La SARL ISEA, qui, comme il a été dit au point 11, supporte la charge de la preuve, soutient que cette société cliente Sweat and Co a été placée, à une date antérieure à la clôture de l'exercice 2014, en liquidation judiciaire et en tire la conclusion que la créance qu'elle détenait sur cette société présentait, à la clôture de cet exercice, une probabilité d'irrécouvrabilité suffisante pour qu'elle fasse l'objet d'une provision. Toutefois, la SARL ISEA n'apporte, en tout état de cause, aucun élément probant au soutien de ces allégations, qui, à elles seules, ne sauraient suffire à justifier du caractère probable, au 31 décembre 2014, du risque d'irrécouvrabilité de la créance qu'elle détenait sur cette société, ni, par suite, du bien-fondé, dans son principe, de la provision en cause. Enfin, la société appelante n'apporte pas plus d'élément pour justifier, dans son montant, cette provision. Par suite, c'est à bon droit que l'administration en a remis en cause la déductibilité.

Sur les pénalités :

28. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

29. L'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, qui demeurent en litige, en vertu du I de l'article 1756 du code général des impôts, en dépit du placement de la SARL ISEA en procédure de liquidation judiciaire.

30. Pour justifier, ainsi que la charge lui en incombe, l'application de cette majoration à ces rappels de taxe, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification qu'elle a adressée le 8 août 2016 à la SARL ISEA, d'une part, que cette dernière s'était, au cours de la période vérifiée, abstenue de reverser au Trésor des sommes au titre de la taxe sur la valeur ajoutée collectée dont l'exigibilité était pourtant intervenue et qu'elle avait d'ailleurs isolées dans un compte de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser, d'autre part, qu'elle avait porté en déduction la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations de location de véhicules de tourisme, alors que les dispositions de l'article 271 du code général des impôts et de l'article 206 de l'annexe II à ce code n'autorisent pas cette déduction et, enfin, qu'elle avait déduit par anticipation la taxe se rapportant à des prestations de service, alors que l'exigibilité n'était pas encore intervenue chez le redevable de la taxe. Selon les termes de la même proposition de rectification, l'administration a ajouté à ces constats le fait que la SARL ISEA avait été rendue destinataire d'une précédente proposition de rectification qui lui avait été adressée le 21 décembre 2012, à l'issue d'un contrôle antérieur, et qui portait à sa connaissance des rectifications procédant de manquements similaires et que la SARL ISEA avait acceptées. Par ces considérations, que le ministre s'approprie en appel, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée qui a animé, s'agissant de ces chefs de rectification afférents à la taxe sur la valeur ajoutée, la SARL ISEA et, par suite, du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis, en application des dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

31. Il résulte de tout ce qui précède, que, d'une part, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il omet de constater qu'il n'y avait pas lieu, à concurrence des dégrèvements prononcés en cours de première instance, de statuer sur la demande de la SARL ISEA et que, d'autre part, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant, d'une part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et de la majoration pour manquement délibéré dont ces rappels ont été assortis, d'autre part, au rétablissement des déficits reportables déclarés par elle au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par la SARL ISEA et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL ISEA tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et de l'intérêt de retard dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 1708810 du 13 janvier 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il omet de constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la SARL ISEA à concurrence des dégrèvements prononcés en cours de première instance, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, et en matière d'amende pour absence de déclaration des avantages en nature.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements prononcés le 31 août 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur du montant de 2 669 euros en droits et pénalités, et en matière d'amendes pour absence de déclaration des avantages en nature, à hauteur du montant de 302 euros, sur les conclusions de la demande présentée par la SARL ISEA devant le tribunal administratif de Lille.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ISEA, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA00471

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00471
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL WIBLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-13;20da00471 ?
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