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20/09/2022 | FRANCE | N°21DA02508

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 20 septembre 2022, 21DA02508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à son encontre une sanction d'avertissement et la décision du 21 mai 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000406 du 31 août 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 octobre 2021 et 23 mai 2022, M. B... A..., représenté

par Me Mohamed Boukheloua, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à son encontre une sanction d'avertissement et la décision du 21 mai 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000406 du 31 août 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 octobre 2021 et 23 mai 2022, M. B... A..., représenté par Me Mohamed Boukheloua, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé ; ce faisant, les premiers juges ont méconnu les exigences du droit à un recours effectif et à un procès équitable ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- les faits sont matériellement inexacts ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la sanction prononcée n'a pas pour objet de sanctionner une faute mais s'inscrit dans une logique de représailles en raison du harcèlement moral qu'il a dénoncé ;

- la sanction est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 mai 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 13 juin 2022, à 12 heures.

M. A... a présenté un mémoire enregistré le 5 septembre 2002, soit postérieurement à la clôture d'instruction.

M. A..., représenté par Me Boukheloua, a présenté une note en délibéré le 7 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., attaché d'administration de l'Etat, a été muté à compter du 1er mars 2018 à la préfecture de la Seine-Maritime pour exercer les fonctions de chef de service départemental ... du ministère de l'intérieur. Par un arrêté du 10 avril 2019, le préfet de la Seine-Maritime a prononcé à son encontre une sanction d'avertissement. Le recours gracieux formé par M. A... contre cet arrêté a été rejeté le 21 mai 2019. M. A... relève appel du jugement du 31 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le conseiller rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté.

3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à M. A..., qu'ils avaient énumérés dans le cadre de l'examen du moyen tiré de l'insuffisance de motivation, étaient matériellement établis par les pièces du dossier. Ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits, sans méconnaître le droit à un recours effectif ni le droit à un procès équitable tels que garantis par les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la sanction :

4. En vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. Aux termes du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

5. L'arrêté en litige, après avoir visé les textes applicables, énonce de manière précise les faits reprochés à M. A..., à savoir, avoir refusé de se conformer aux consignes de sa hiérarchie et d'effectuer les missions imparties relevant de son périmètre de compétence, avoir refusé de rendre compte à sa hiérarchie du travail effectué et des actions menées auprès des partenaires extérieurs au service, avoir diffusé des messages à caractère professionnel aux organisations syndicales via l'utilisation de boites fonctionnelles, avoir formulé des demandes insistantes et menaçantes auprès d'agents gestionnaires pour obtenir des congés définitivement perdus, avoir participé à des formations et s'être absenté du service sans validation préalable de son supérieur hiérarchique et avoir eu un comportement professionnel inadapté en entretenant des relations conflictuelles et discourtoises avec ses collègues. L'arrêté expose ainsi les griefs retenus à l'encontre de M. A... de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même de déterminer les faits que l'autorité disciplinaire entend lui reprocher, alors même qu'il ne mentionne pas de date précise quant aux faits énoncés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la sanction doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la sanction :

6. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. En outre, en vertu de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, les fonctionnaires ne peuvent être sanctionnés lorsqu'ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins. Toutefois, l'exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment l'obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression. Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation.

8. En premier lieu, si M. A... soutient avoir été sanctionné par un avertissement en raison du harcèlement moral qu'il a dénoncé avoir subi, il n'apporte aucun élément laissant supposer qu'il aurait dénoncé un tel harcèlement moral à sa hiérarchie avant que n'intervienne cette sanction. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux notes, très circonstanciées, des 13 février et 12 mars 2019 du directeur des ressources humaines de la préfecture, dont M. A... a eu connaissance lors de la consultation de son dossier, que l'intéressé refuse de se conformer aux consignes de sa hiérarchie et d'effectuer certaines de ses missions. Il ne participe pas aux réunions de direction et a refusé d'assister, sans justification, à une réunion le 1er juin 2018 consacrée au document unique d'évaluation des risques. Il pose sciemment des jours de congés à des dates auxquelles sa présence à des réunions est requise ou prévient de son absence la veille pour le lendemain. Il a, en outre, fait état d'une prétendue erreur contenue dans le nouvel arrêté de composition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail adressé officiellement aux organisations syndicales, en mettant de manière inappropriée ces dernières en copie de son message à son supérieur hiérarchique. Il s'est également opposé à un avis favorable d'un supérieur hiérarchique quant à l'octroi d'une aide d'urgence en bloquant, de lui-même, le traitement du dossier pour une prétendue irrégularité de procédure. Il a été par ailleurs défaillant dans la préparation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail prévu le 7 mars 2019, n'ayant préparé aucune fiche de synthèse sur le document unique d'évaluation des risques à l'ordre du jour. Il ressort également du dossier et notamment de la teneur de courriers électroniques rédigés par M. A... qu'il a employé un ton inapproprié et discourtois auprès d'agents mais également auprès de ses supérieurs hiérarchiques. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction est fondée sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.

10. Ces faits caractérisent une attitude inadaptée de la part d'un cadre de l'administration et sont contraires aux obligations de servir, d'obéissance hiérarchique et de loyauté. Ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des rappels à l'ordre que lui ont pourtant adressés son supérieur hiérarchique direct puis le secrétaire général de la préfecture au cours d'entretiens les 10 avril et 20 juin 2018, M. A... a persisté dans son comportement. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur d'appréciation en infligeant à l'intéressé une sanction d'avertissement.

12. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette sanction d'avertissement aurait pour objet de sanctionner M. A... en raison de faits de harcèlement moral qu'il aurait dénoncés. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit aussi être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2019 prononçant à son encontre une sanction d'avertissement et la décision de rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 21DA02508

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02508
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-09-20;21da02508 ?
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