Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103616 du 5 janvier 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 9 février 2022, M. B..., représenté par Me Mubiayi Nkashama, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2021 de la préfète de l'Oise en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour correspondant à sa situation ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- la préfète de l'Oise s'est sentie en situation de compétence liée par rapport à l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la preuve que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège médical n'est pas apportée, qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait été rendu à l'issue d'une délibération collégiale, ni que ces médecins auraient été régulièrement désignés ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 30 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 6 janvier 1972, est, selon ses déclarations, entré en France le 8 septembre 2015 après avoir résidé en Hongrie où il a bénéficié de la protection subsidiaire. Sa demande d'asile, formulée le 6 novembre 2015, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 février 2016 qui a été confirmée par un arrêt du 30 janvier 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. M. B... a effectué une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 425-9 du même code, auprès de la préfecture de l'Oise. Par un arrêté du 4 décembre 2020, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé, pour un vice de procédure, par un jugement n° 2100118 du tribunal administratif d'Amiens du 2 avril 2021 devenu définitif. Par un nouvel arrêté du 23 septembre 2021, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 5 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français et fixe son pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort de l'arrêté en litige qu'il vise notamment les articles L. 425-9, L. 611-1 et L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il fait mention de l'état de santé de M. B..., en précisant que si celui-ci nécessite une prise en charge médicale, le défaut de soins ne devrait toutefois pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il relève notamment que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille et qu'il ne justifie pas de motifs sérieux de croire que sa vie serait menacée dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté attaqué comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté en litige, que la préfète de l'Oise, qui a relevé qu'aucune pièce du dossier ne contredisait sérieusement l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 juin 2020, se serait sentie en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de
l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".
6. D'autre part, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 juin 2020, qui a été produit par la préfète de l'Oise devant les premiers juges contrairement à ce que soutient M. B... et dont il a eu communication dans le cadre de la procédure contradictoire, que le nom du médecin qui a établi le rapport médical y est mentionné et que celui-ci ne siégeait pas au sein du collège qui a rendu l'avis ainsi que le prévoit l'article R. 425-13 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, cet avis comporte le nom et la signature des trois médecins qui ont été désignés pour participer au collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration par une décision du 18 novembre 2019 du directeur général de cet office et qui ont délibéré collégialement sur le cas de M. B.... Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de préciser expressément les critères retenus pour apprécier l'existence ou non des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge de l'état de santé de l'intéressé, ni davantage l'existence ou non de traitements appropriés dans le pays d'origine. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté contesté doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
9. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a subi une amputation tibiale bilatérale en 2002 en Hongrie et qu'il est appareillé avec des prothèses tibiales définitives. Il produit le rapport d'un médecin du centre hospitalier de Beauvais du 26 janvier 2016 ainsi que plusieurs certificats médicaux délivrés en septembre 2021 attestant de la nécessité d'une réfection de ses prothèses et d'un traitement antidouleur. Si ces rapports médicaux confirment que la situation de M. B... nécessite une prise en charge médicale, ils n'établissent pas qu'un défaut de soins aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et ne permettent donc pas de remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 3 juin 2020, qui a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., la préfète de l'Oise aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu de nombreuses années en Hongrie avant d'entrer en France en septembre 2015, qu'il est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions et eu égard également à ce qui a été dit au point précédent sur son état de santé, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. En se bornant à produire des éléments généraux sur les difficultés d'accès au soin en République démocratique du Congo et à faire état de défaillances structurelles dans la prise en charge des demandeurs d'asile en Hongrie, M. B... n'apporte pas d'élément permettant d'établir qu'un retour dans l'un de ces deux pays entraînerait pour lui un risque de subir personnellement des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté en litige des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Oise du 23 septembre 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA00235