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30/08/2022 | FRANCE | N°21DA01279

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 août 2022, 21DA01279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 mars 2019 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord lui a opposé la prescription quadriennale pour la période se rapportant aux années 2002 à 2009 s'agissant du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui verser les rappels

de traitements afférents à sa situation administrative issue de l'arrêté du 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 mars 2019 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord lui a opposé la prescription quadriennale pour la période se rapportant aux années 2002 à 2009 s'agissant du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui verser les rappels de traitements afférents à sa situation administrative issue de l'arrêté du 18 mars 2019 reconstituant sa carrière et ce, à compter du 1er janvier 2001. Il a également demandé au même tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ainsi que des articles 1er, 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

Par un jugement n° 1906211 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... et a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2021, M. B..., représenté par Me Bodart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 21 mars 2019 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord lui a opposé la prescription quadriennale pour la période se rapportant aux années 2002 à 2009 s'agissant du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision contestée méconnaît les articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1968 dès lors que M. B... ignorait légitimement sa créance ;

- la décision contestée méconnaît le principe de non-discrimination.

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 juin 2021, M. B... demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ainsi que des articles 1er, 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

Il soutient que :

- les dispositions législatives contestées sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas été déjà déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel, hormis la question de la conformité de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 mais un changement de circonstances est intervenu depuis cette décision ;

- l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique méconnaît le principe de clarté de la loi garanti par l'article 34 de la Constitution, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et est entaché d'incompétence négative ; par ailleurs, il méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière ainsi que la garantie des droits issue de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- les articles 1er, 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière ainsi que la garantie des droits issue de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la créance est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2010 et qu'en tout état de cause, aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 11 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- la directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, publiée au bulletin officiel du 18 avril 2016 ;

- la décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Guilbeau pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 7 août 2014, M. A... B..., fonctionnaire de la police nationale, a formé une demande tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre des services accomplis depuis le 1er janvier 2001 au sein de la circonscription de sécurité publique de Lille. Après avoir procédé, par un arrêté du 18 mars 2019, à la reconstitution rétroactive de la carrière de l'intéressé pour tenir compte du bénéfice de cet avantage, le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord a, par une décision du 21 mars 2019, opposé à M. B... la prescription quadriennale aux rappels de traitement consécutifs à l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période se rapportant aux années 2002 à 2009 inclus. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 mars 2019 et, d'autre part, à la transmission au Conseil d'Etat de questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ainsi que des articles 1er, 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ".

3. Un arrêté interministériel du 17 janvier 2001 a d'abord limité le bénéfice de cet avantage aux fonctionnaires de police en fonction dans les circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles. Par une décision n° 327428 du 16 mars 2011, le Conseil d'État statuant au contentieux a jugé que ces dispositions étaient illégales en ce qu'elles écartaient par principe du bénéfice de cet avantage tout fonctionnaire de police affecté hors de ces deux circonscriptions. Un arrêté interministériel du 3 décembre 2015, publié le 16 décembre suivant, a alors défini les nouveaux secteurs d'affectation concernés par cet avantage et une directive du 9 mars 2016 a redéfini, à titre rétroactif, les circonscriptions de police devant être regardées comme ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté entre le 1er janvier 1995 et le 16 décembre 2016.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...), toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de son article 3 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même (...) soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers des départements, des communes et des établissements publics, par délibérations prises respectivement par les conseils départementaux, les conseils municipaux et les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée ".

Sur la contestation du refus de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité :

5. L'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". L'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

En ce qui concerne l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique :

S'agissant de la méconnaissance des objectifs à valeur constitutionnelle de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi :

6. Si le principe de clarté de la loi, qui découle de l'article 34 de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, imposent au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, leur méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

S'agissant de la méconnaissance de l'étendue de la compétence du législateur :

7. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 ont prévu un avantage spécifique pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon pour les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles pendant une durée et dans des conditions qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Ce faisant, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. En tout état de cause, il ne ressort pas des dispositions en litige que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence affecterait par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit, de sorte qu'une telle méconnaissance ne saurait être utilement invoquée par l'appelant.

S'agissant de la méconnaissance du principe d'égalité :

8. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

9. Il résulte des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 que le législateur a entendu inciter les agents concernés à exercer leurs fonctions dans des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles pendant une plus longue durée. Dans ces conditions, les agents qui sont affectés dans les quartiers en cause et ceux qui, sans y être affectés, peuvent être amenés à y accomplir une partie de leur service ne se trouvant pas dans la même situation au regard de l'objet de la disposition en cause, le législateur n'a pas méconnu le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, résultant notamment de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en réservant le bénéfice de l'avantage à la première de ces deux catégories. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre de la prescription quadriennale que conteste M. B..., à l'occasion de la régularisation de l'attribution des droits à l'avantage spécifique d'ancienneté qui auraient conduit à une méconnaissance du principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires, ne résultent pas des dispositions l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991.

S'agissant de la méconnaissance de la garantie des droits :

10. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

11. Si M. B... soutient que l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique méconnaît l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier son bien-fondé, alors au demeurant que l'appelant se borne à critiquer les modalités de mise en œuvre de la prescription quadriennale à l'occasion de la régularisation de l'attribution des droits à l'avantage spécifique d'ancienneté.

En ce qui concerne l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics :

12. Par une décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics était conforme à la Constitution. Contrairement à ce que fait valoir M. B..., la circonstance que le juge administratif applique aux demandes des agents publics qui peuvent prétendre au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté la jurisprudence constante relative à l'ignorance légitime du créancier, au sens de cet article, ne saurait être regardée comme un changement dans les circonstances de fait ou de droit survenu depuis cette décision du Conseil constitutionnel. Par suite, la question soulevée concernant cet article ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, et en l'absence de changement de circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de la transmettre au Conseil d'Etat.

En ce qui concerne les articles 1er et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics :

S'agissant de la méconnaissance du principe d'égalité :

13. Si M. B... soutient que les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 31 décembre 1968 ainsi que l'interprétation jurisprudentielle constante qui en est faite par le Conseil d'Etat méconnaissent le principe d'égalité et notamment le principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires, il résulte de ces dispositions qu'elles instaurent une prescription uniforme de quatre ans pour toute personne détenant une créance sur l'Etat, qui répond notamment à l'exigence constitutionnelle de bon usage des deniers publics qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen de 1789, et ne sauraient, par elles-mêmes, méconnaître le principe d'égalité.

S'agissant de la méconnaissance de la garantie des droits :

14. Si M. B... soutient que les articles 1er et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors au demeurant que l'appelant se borne à critiquer les modalités de mise en œuvre de la prescription quadriennale à l'occasion de la régularisation de l'attribution des droits à l'avantage spécifique d'ancienneté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... concernant l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique et les articles 1er et 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics sont dépourvues de caractère sérieux et que celle concernant l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 a déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Sur la régularité du jugement :

16. Il résulte du jugement attaqué que celui-ci répond précisément aux moyens soulevés par M. B.... Par suite et alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés dans la demande présentée par l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

17. En premier lieu, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 cité ci-dessus, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés.

18. L'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 mentionnée au point 2 n'implique pas que l'administration soit tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015. Saisi d'une telle demande, le ministre de l'intérieur doit y faire droit, sous réserve, s'agissant du versement de rappels de traitement, de l'application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l'Etat, si l'agent était affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée.

19. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté le 7 août 2014. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait générateur de la créance dont il se prévaut n'est pas constitué par l'intervention de l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ni par celle de la directive du ministre de l'intérieur du 9 mars 2016 relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté mais par le service qu'il a accompli. La circonstance que le Conseil d'Etat a constaté, le 16 mars 2011, l'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 qui fixait initialement la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté ne saurait permettre de regarder M. B... comme pouvant légitimement être regardé comme ignorant l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968. Dès lors, l'Etat est fondé à lui opposer que les créances dont il se prévaut, pour la période antérieure au 1er janvier 2010, sont prescrites par application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

20. En second lieu, M. B... n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'une atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est empreinte de discrimination doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 mars 2019 et, d'autre part, à la transmission au Conseil d'Etat de questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 ainsi que des articles 1er, 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1968. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2022.

Le rapporteur,

Signé : N. Carpentier-Daubresse

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 21DA01279

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01279
Date de la décision : 30/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BODART

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-30;21da01279 ?
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