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22/08/2022 | FRANCE | N°22DA00008

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 22DA00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.

Par un jugement n°2103550 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de

Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.

Par un jugement n°2103550 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2022, M. A... C..., représenté par Me Solenn Leprince demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour valable un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle ne témoigne pas d'un examen personnalisé de sa situation ; elle est entachée d'erreur de fait ; elle porte atteinte au principe de sécurité juridique et de confiance légitime ; elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour pour une durée d'un mois est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- et les observations de Me Cécile Madeline, représentant M. A... C....

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. C... relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. L'arrêté en litige a énoncé, dans ses considérants ou dans son dispositif, les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, un étranger ne peut utilement invoquer les orientations générales adressées par le ministre de l'intérieur aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Si la circulaire du 28 novembre 2012 a été mise en ligne sur le site Legifrance le 1er avril 2019, elle n'a pas été insérée dans la liste des " documents opposables " du site " interieur.gouv.fr " établie en application de l'article R. 312-10 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire doit donc être écarté, y compris sur le fondement de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime à défaut de changement dans l'application du droit positif.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant pakistanais né le 6 juin 1981, a déclaré être entré en France en 2012, qu'il réside en France depuis la fin de 2014 au moins, qu'il a travaillé entre mars 2018 et février 2020 en tant qu'employé polyvalent dans une entreprise du secteur de la restauration rapide et qu'il a produit plusieurs promesses d'embauches dans des restaurants, dont l'une a pu se concrétiser, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, sur la base du récépissé de demande de titre de séjour autorisant à travailler qui lui a été délivré le 12 août 2021.

6. Toutefois, il est constant que l'intéressé n'a pas d'attaches familiales en France et qu'il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 26 novembre 2014 et du rejet de sa première demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 décembre 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 mai 2015. Ainsi, il ne démontre pas une insertion sociale particulière sur le territoire français. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans.

7. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour litigieuse n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. "

9. Compte tenu de ce qui est dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, si le préfet a relevé que M. C... présentait une " vague promesse d'embauche " alors que cette promesse d'embauche était suffisamment précise, que l'intéressé " ne justifie pas d'une résidence habituelle sur le territoire français " alors que le requérant établit une telle résidence depuis la fin de l'année 2014 et que M. C... ne travaille pas alors que le requérant a pu trouver un emploi après la remise, le 12 août 2021, d'un récépissé l'autorisant à travailler durant le réexamen de sa situation, il résulte des circonstances énoncées précédemment que ces erreurs de fait, qui ne suffisent pas à témoigner d'un défaut d'examen de la situation de M. C..., n'ont pu avoir aucune incidence sur l'appréciation que le préfet a pu porter sur la demande de l'intéressé.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en prenant la décision en litige, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, l'obligation faite à M. C... de quitter le territoire français n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

16. M. C... n'a pas apporté d'élément relatif à des risques de traitements inhumains ou dégradants qu'il encourrait actuellement et personnellement en retournant dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour d'une durée d'un mois :

17. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

18. Il résulte des circonstances susrappelées, alors même que M. C... a travaillé en France à partir de 2018 et même si son comportement ne présente pas une menace pour l'ordre public, que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée limitée à un mois.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 août 2021 du préfet de la Seine-Maritime.

20. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

La rapporteure,

Signé : N. Boukheloua

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : S.Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00008 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00008
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;22da00008 ?
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