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22/08/2022 | FRANCE | N°21DA01905

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 21DA01905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Hellenika a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil d'agglomération de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne a approuvé son plan local d'urbanisme valant programme local de l'habitat.

Par un jugement n° 2000128 du 8 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août

2021, et un mémoire, enregistré le 11 février 2022, la société civile immobilière (SCI) Hellenika...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Hellenika a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil d'agglomération de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne a approuvé son plan local d'urbanisme valant programme local de l'habitat.

Par un jugement n° 2000128 du 8 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, et un mémoire, enregistré le 11 février 2022, la société civile immobilière (SCI) Hellenika, représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de présentation était insuffisant au regard des exigences des articles L. 151-4, R. 151-1 et R. 123-2 du code de l'urbanisme ;

- le règlement est en contradiction avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le classement de la parcelle cadastrée AL 28 en zone Nj est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2021, la communauté d'agglomération de la région de Compiègne, représentée par Me Anne-Catherine Fontaine, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Hellenika de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2022.

Un mémoire a été enregistré le 8 mars 2022 pour la communauté d'agglomération de la région de Compiègne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Adrien Delort, représentant la société civile immobilière Hellenika, et de Me Alessandra Bedot, représentant la communauté d'agglomération de la région de Compiègne.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Hellenika relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil d'agglomération de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne a approuvé son plan local d'urbanisme valant programme local de l'habitat (PLUiH).

Sur la légalité de la délibération attaquée :

En ce qui concerne le moyen tenant à l'insuffisance du rapport de présentation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. / (...). ". Aux termes de l'article R. 151-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 151-4, le rapport de présentation : / 1° Expose les principales conclusions du diagnostic sur lequel il s'appuie (...) ; (...) / 3° Analyse l'état initial de l'environnement, expose la manière dont le plan prend en compte le souci de la préservation et de la mise en valeur de l'environnement ainsi que les effets et incidences attendus de sa mise en œuvre sur celui-ci ". Aux termes de l'article R. 151-2 du même code : " Le rapport de présentation comporte les justifications de : / (...) / 4° La délimitation des zones prévues par l'article L. 151-9 ; (...). ".

3. D'autre part, en application des articles L. 104-2, L. 104-5 et R. 104-19 de ce code, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme contient " les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existant à la date à laquelle est élaboré le plan, de son contenu et de son degré de précision " et il est " proportionné à l'importance du document d'urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée ".

4. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du PLUiH en litige a procédé, d'une part, en son tome n° 2, à l'étude de l'état initial de l'environnement, comprenant la présentation physique du territoire, de la biodiversité et des espaces naturels, des paysages et du patrimoine, des ressources en eau et de la gestion de l'eau, des ressources minérales et énergétiques, des risques naturels et technologiques, des pollutions et des nuisances. Ce rapport a détaillé notamment l'aléa lié aux eaux pluviales et mentionné que le territoire de l'agglomération de la région de Compiègne (ARC), du fait de sa topographie assez variée, rencontre régulièrement des problèmes de ruissellement, de coulées de boue et/ou de débordements du réseau lors d'événements pluviaux. Ce rapport de présentation a d'ailleurs relevé que la commune de Clairoix est couverte par un zonage pluvial, sur lequel figurent les axes de ruissellement, il a indiqué que la commune a fait l'objet de 108 arrêtés de catastrophe naturelle et il a précisé que neuf communes du territoire de l'ARC, dont celle de Clairoix, sont concernées par les inondations, qui constituent le risque le plus fréquent.

5. D'autre part, le même rapport a défini le secteur Nj comme correspondant à des parcs et jardins et a précisé qu'il recouvre aussi bien des jardins familiaux que des parcs, domaines ou fonds de jardin à préserver pour des raisons paysagères, écologiques en vue de la préservation d'une nature en ville, de sécurité s'agissant de l'accès aux parcelles ou de lisière et respiration à proximité, notamment, de zones naturelles ou humides.

6. Enfin, la circonstance que la situation de la parcelle en litige n'a pas fait l'objet d'une analyse individuelle est sans incidence sur la régularité du rapport de présentation, qui n'a pas à justifier les choix opérés par l'agglomération parcelle par parcelle.

7. Dans ces conditions, la SCI Hellenika n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation.

En ce qui concerne le moyen tiré de la contradiction entre le règlement du plan et le projet d'aménagement de développement durables :

8. Aux termes de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / (...) ". Aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

9. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme (PLU) entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU avec une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

10. Si le PADD du PLUiH comprend, parmi ses objectifs, un axe 2 intitulé " venir habiter et rester vivre dans l'ARC ", qui préconise la création de logements, il comporte également un axe 3 intitulé " vivre en harmonie avec notre environnement " intégrant sept objectifs, au nombre desquels figurent notamment la maîtrise de la consommation de l'espace et la lutte contre l'étalement urbain, la préservation et la valorisation de l'espace naturel, agricole et forestier et le développement de la nature en ville.

11. Or il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies aériennes, que si la parcelle en litige se situe en bordure d'une zone urbanisée, elle est restée naturelle et s'ouvre vers le nord sur un coteau qui la surplombe, recouvert d'espaces naturels, de champs cultivés et de bosquets, dont elle constitue l'une des extrémités.

12. Dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que le classement de cette parcelle en secteur Nj correspondant à des parcs et jardins à préserver pour des raisons paysagères, écologiques ou de lisière et de respiration est cohérent avec les orientations du PADD. Il suit de là que le moyen tiré de l'incohérence du règlement avec le PADD doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

13. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger ". Aux termes de l'article R. 151-24 de ce code : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : (...) / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; (...) ".

14. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste.

15. Il résulte notamment des articles L. 151-9 et R. 151-24 du code de l'urbanisme qu'une zone naturelle, dite "zone N", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du PADD, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison de son caractère d'espace naturel.

16. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, si le PADD du PLUiH comprend, parmi ses objectifs, un axe 2 intitulé " venir habiter et rester vivre dans l'ARC ", qui préconise la création de logements, il comporte également un axe 3 intitulé " vivre en harmonie avec notre environnement " intégrant sept objectifs, au nombre desquels figurent notamment la maîtrise de la consommation de l'espace et la lutte contre l'étalement urbain, la préservation et la valorisation de l'espace naturel, agricole et forestier et le développement de la nature en ville.

17. En deuxième lieu, le rapport de présentation du PLUiH a énoncé que la zone Nj correspond à des parcs et jardins, où les constructions ne sont pas autorisées à l'exception de petites constructions liées au jardinage ou à l'entretien d'espaces verts et plantés, comme les abris de jardin par exemple. Il a ajouté, comme indiqué au point 5, que la zone recouvre aussi bien des jardins familiaux que des parcs, domaines ou fonds de jardin à préserver pour des raisons paysagères, écologiques pour la préservation d'une nature en ville, de sécurité pour l'accès aux parcelles ou de lisière et de respiration à proximité notamment de zones naturelle ou humides.

18. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige se situe dans la vallée de l'Oise, à mi-distance du centre-ville de Clairoix, au nord-est, et de l'agglomération de Margny-lès-Compiègne, au sud-est. Elle s'ouvre au nord sur un coteau qui la surplombe, recouvert d'espaces naturels, de champs cultivés et de bosquets, dont elle constitue l'une des extrémités. Ainsi, si elle se situe en bordure d'une zone bâtie, elle n'est pas, contrairement aux allégations de la requérante, entourée de constructions. Elle constitue ainsi une zone de transition entre le coteau qui la longe au nord et l'espace urbanisé qu'elle jouxte.

19. En quatrième et dernier lieu, la circonstance que cette parcelle soit desservie par les voies et réseaux, ou celle, à la supposer même établie, qu'elle devrait être regardée comme située dans une partie urbanisée de la commune au sens du règlement national d'urbanisme est sans incidence sur la légalité du classement litigieux en zone naturelle.

20. Dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère inondable ou non de cette parcelle et les solutions techniques qui permettraient de maîtriser un risque d'inondation, il résulte de l'ensemble des caractéristiques de cette parcelle que son classement en zone Nj n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Hellenika n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil d'agglomération de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne a approuvé son plan local d'urbanisme valant programme local de l'habitat.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de la région de Compiègne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Hellenika demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

23. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Hellenika une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de la région de Compiègne et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Hellenika est rejetée.

Article 2 : La SCI Hellenika versera à la communauté d'agglomération de la région de Compiègne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Hellenika et à la communauté d'agglomération de la région de Compiègne.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

La rapporteure,

Signé : N. Boukheloua

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de l'Oise en ce qui les concernent ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01905 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01905
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LAZARE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;21da01905 ?
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