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12/07/2022 | FRANCE | N°20DA01076

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 juillet 2022, 20DA01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800437 du 28 mai 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, régularisée par un mémoire enre

gistré le 4 août 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Cohen, demandent à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800437 du 28 mai 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, régularisée par un mémoire enregistré le 4 août 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Cohen, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en vertu des dispositions de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales, l'administration était tenue d'adresser la proposition de rectification à M. et Mme A..., et non à M. A... seul ;

- l'administration s'est abstenue de mettre en œuvre la procédure de demande de désignation du maître de l'affaire prévue par l'article 117 du code général des impôts ;

- c'est à tort que l'administration a estimé que M. A... était, en tant que maître de l'affaire, bénéficiaire des distributions correspondant aux bénéfices non déclarés par la SARL B... ;

- l'application aux rehaussements en litige de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Me A... ne sont pas fondés.

La demande de M. et Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 23 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était le gérant de droit de la SARL A... C..., dont il détenait 40 % du capital social. Cette société, qui s'est abstenue de déposer ses déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2015 et n'a déposé que tardivement sa déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015. A l'issue de ce contrôle, le service a procédé à l'évaluation d'office des résultats de la SARL A... C..., faute de présentation par celle-ci de sa comptabilité, et a considéré que les bénéfices non déclarés par la SARL A... C... présentaient le caractère de revenus distribués, au sens des dispositions du 1° du I de l'article 109 du code général des impôts. Estimant que M. A... exerçait la maîtrise de l'affaire et devait, par suite, être regardé comme ayant appréhendé ces bénéfices, l'administration a informé ce dernier, par une proposition de rectification en date du 28 octobre 2016, de son intention de procéder au rehaussement du revenu imposable de son foyer fiscal dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme A... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013, 2014 et 2015, assorties des intérêts de retard, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et de la majoration de 10 % pour inexactitudes ou omissions déclaratives, prévues, respectivement, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts et l'article 1758 A du même code. Par une décision de 13 décembre 2017, l'administration a accordé à M. et Mme A... un dégrèvement partiel résultant de l'abandon, pour le calcul des suppléments de prélèvements sociaux mis à leur charge, de la majoration d'assiette de 25 % prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, et a rejeté le surplus de leur réclamation. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions laissées à leur charge à la suite de ce dégrèvement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'abstention par l'administration de mettre en œuvre à l'égard de la SARL A... C... la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

3. Il résulte des dispositions, citées au point précédent, de l'article 117 du code général des impôts que, si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'un excédent de distribution qu'elle a constaté, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité d'appliquer à cette personne morale la pénalité prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts mais est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que l'administration, compte tenu des renseignements dont elle dispose, est en mesure d'identifier.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier des indications figurant dans la proposition de rectification adressée à la SARL A... C... le 4 octobre 2016 et dans celle adressée à M. A... le 28 octobre 2016, que, pour identifier ce dernier comme le bénéficiaire des distributions constituées par les bénéfices non déclarés de la SARL A... C..., l'administration s'est fondée sur les éléments propres au fonctionnement de l'entreprise, recueillis durant la vérification de la comptabilité de cette société, ainsi que par l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire gestionnaire du compte social. Pour contester la régularité de la procédure d'imposition ayant donné lieu aux suppléments d'imposition et de prélèvements sociaux mis à leur charge, M. et Mme A... ne sauraient, par suite, ainsi qu'il a été dit au point précédent, utilement se prévaloir de ce que l'administration s'est abstenue d'interroger la SARL A... C... sur l'identité du bénéficiaire de ces distributions. Le moyen ainsi soulevé par les requérants doit donc être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la notification de la proposition de rectification du 28 octobre 2016 :

5. Aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales : " Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global ". Aux termes de l'article L. 54 A de ce même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales, sous réserve des dispositions de l'article L. 54 du même livre, relatives aux revenus relevant de certaines catégories d'imposition, que chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt sur le revenu dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer fiscal et que les actes de procédure notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre. Dès lors que les revenus de capitaux mobiliers n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales, il était loisible à l'administration d'adresser, soit à l'un ou l'autre des deux époux, soit à M. et Mme A... ensemble, la proposition de rectification, prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, exposant l'intention du service de rehausser dans cette catégorie les revenus imposables de leur foyer fiscal. Ainsi, la circonstance que la proposition de rectification du 28 octobre 2016 a été adressée uniquement à M. A... n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition, alors d'ailleurs que ce dernier était celui des deux époux que le service avait identifié comme le bénéficiaire des distributions à l'origine des rectifications.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

7. D'un part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ".

8. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions, au sens des dispositions, citées au point précédent, du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, effectuées par la société qu'il contrôle.

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

10. Selon les informations, non contredites, données par le ministre, M. et Mme A..., après avoir demandé le bénéfice d'un délai supplémentaire pour répondre à la proposition de rectification du 28 octobre 2016, n'ont formulé à la suite de celle-ci aucune observation. Par suite, la charge de la preuve leur incombe de démontrer l'inexactitude des éléments sur lesquels le service s'est fondé pour estimer qu'en qualité de maître de l'affaire, M. A... devait être regardé comme ayant appréhendé les bénéfices non déclarés par la SARL A... C....

11. Il résulte des indications, figurant dans la proposition de rectification adressée à la SARL A... C... le 4 octobre 2016 et dans celle adressée à M. A... le 28 octobre 2016, dont la teneur n'est pas davantage contestée par les requérants, que M. A..., qui détenait 40 % des parts de la SARL A... C..., exerçait, depuis la création de cette société, sa gérance de droit et que l'établissement gestionnaire du compte bancaire de la SARL A... C... avait confirmé que M. A... était l'unique détenteur de la signature sur ce compte. Le service en a déduit que M. A..., qui disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société et était en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, devait être regardé comme le seul maître de l'affaire.

12. M. et Mme A... ne sauraient utilement faire valoir que le service aurait dû vérifier l'exercice effectif par M. A... de la gérance de la société, dès lors qu'ils n'apportent aucun élément permettant de supposer que celui-ci se serait abstenu d'exercer les attributions dévolues au gérant de droit. Si M. et Mme A... font, par ailleurs, valoir que l'associé majoritaire de la SARL A... C... n'était pas M. A..., détenteur de seulement 40 % des parts sociales, mais qu'un autre associé était détenteur des parts sociales restantes, soit 60 % du capital social, une telle circonstance, qui ne pouvait à elle-seule faire obstacle à la libre utilisation par M. A... des biens sociaux, n'est pas de nature à remettre en cause la qualification de maître de l'affaire retenue par l'administration. Par suite, et alors même que l'administration s'est abstenue de mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts en demandant à la SARL A... C... de désigner le bénéficiaire des distributions constituées par les bénéfices qu'elle n'avait pas déclarés, le moyen tiré par les requérants de ce que M. A... ne pouvait être regardé comme ayant appréhendé ces bénéfices doit être écarté.

Sur les pénalités :

13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que M. A..., réputé en sa qualité de maître de l'affaire de la SARL A... C... avoir appréhendé les sommes litigieuses, ne pouvait ignorer qu'il était imposable à raison de ces sommes. Elle relève l'importance de ces sommes par rapport au revenu imposable du foyer fiscal de M. A... au titre des années 2013, 2014 et 2015, dont elles représentent, respectivement, 29 %, 46 % et 78 %, ainsi que le caractère répété, durant trois années successives, des omissions déclaratives correspondantes. En conséquence, l'administration doit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, demeurant en litige, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal Île de France Est.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

La rapporteure,

D. BureauLe président de chambre,

C. HeuLa greffière,

N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

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N°20DA01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01076
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-12;20da01076 ?
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