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07/07/2022 | FRANCE | N°21DA02111

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 07 juillet 2022, 21DA02111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Horizon Justice CFE-CGC a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté sa demande d'octroi de moyens syndicaux, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui octroyer un local fonctionnel sur le territoire de la métropole européenne de Lille et la bureautique nécessaire, dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour

de retard, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Horizon Justice CFE-CGC a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté sa demande d'octroi de moyens syndicaux, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui octroyer un local fonctionnel sur le territoire de la métropole européenne de Lille et la bureautique nécessaire, dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui octroyer le matériel informatique demandé, dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761­1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003492 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant qu'elle refuse au syndicat Horizon Justice CFE-CGC l'attribution d'un local, d'un télécopieur et d'un photocopieur. Il lui a enjoint d'attribuer à ce syndicat, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, un local sur le territoire de la métropole européenne de Lille, équipé d'un télécopieur et d'un photocopieur. Il a, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au syndicat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il fait droit à la demande présentée par le syndicat Horizon Justice CFE-CGC ;

2°) de rejeter la demande présentée par ce syndicat devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande du syndicat Horizon Justice CFE-CGC alors qu'un local lui avait été proposé pour l'exercice de ses activités ;

- la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, le syndicat Horizon Justice CFE-CGC, représenté par Me Delval, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Delval pour le syndicat Horizon Justice CFE-CGC.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier électronique du 11 mars 2019, le syndicat Horizon Justice CFE-CGC, représentatif au sein de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord, a sollicité l'attribution d'un local syndical avec mobilier de fonctionnement, d'ordinateurs portables, d'une ligne de télécopieur, d'un photocopieur, de téléphones portables, d'une adresse de messagerie institutionnelle avec une liste de diffusion et d'un budget de fonctionnement. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 23 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur demande du syndicat Horizon Justice CFE-CGC, annulé cette décision implicite en tant qu'elle refuse à ce dernier l'attribution d'un local, d'un télécopieur et d'un photocopieur et lui a enjoint d'attribuer à ce syndicat un local sur le territoire de la métropole européenne de Lille, équipé d'un télécopieur et d'un photocopieur.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : " L'administration doit mettre à la disposition des organisations syndicales représentatives dans le service ou groupe de services considéré, ayant une section syndicale, un local commun aux différentes organisations lorsque les effectifs du personnel de ce service ou groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont égaux ou supérieurs à cinquante agents. Dans toute la mesure du possible, l'administration met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations. L'octroi de locaux distincts est de droit lorsque les effectifs du personnel de ce service ou groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont supérieurs à cinq cents agents. Dans un tel cas, l'ensemble des syndicats affiliés à une même fédération ou confédération se voient attribuer un même local. / Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales représentatives sont normalement situés dans l'enceinte des bâtiments administratifs. Toutefois, en cas d'impossibilité, ces locaux peuvent être situés en dehors de l'enceinte des bâtiments administratifs. L'administration supporte, le cas échéant, les frais afférents à la location de ces locaux. / Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent les équipements indispensables à l'exercice de l'activité syndicale. / Sont considérées comme représentatives, d'une part, les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein du comité technique déterminé en fonction du service ou groupe de services concerné, d'autre part, les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement public de rattachement. (...) En cas d'impossibilité de mettre des locaux équipés à la disposition des organisations syndicales représentatives, une subvention représentative des frais de location et d'équipement des locaux est versée aux organisations syndicales concernées ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 30 juillet 2020, soit postérieurement à l'introduction de la demande du syndicat Horizon Justice CFE-CGC devant le tribunal administratif de Lille, le 11 mai 2020, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord lui a proposé, pour l'exercice de ses activités syndicales, de mettre à sa disposition un local situé à Valenciennes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le siège de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord, où ont lieu les réunions du comité technique inter-régional (CTIR), au sein duquel le syndicat Horizon Justice CFE-CGC a obtenu un siège de représentant du personnel aux élections professionnelles du 6 décembre 2018, est situé à Lille. Par ailleurs, si le garde des sceaux, ministre de la justice, fait valoir que les réunions des comités techniques territoriaux (CTT) sont organisées dans le ressort de chaque direction territoriale, c'est-à-dire à Lille, Arras, Beauvais et Amiens, il ressort des pièces du dossier que le syndicat Horizon Justice CFE-CGC ne dispose, à la suite de ces mêmes élections professionnelles, que d'un représentant au sein du comité technique territorial du Nord situé à Lille.

4. Si le garde des sceaux, ministre de la justice, soutient que les deux titulaires et un des deux suppléants du syndicat siégeant dans le CTIR et le CTT du Nord exerçaient, à la date de la décision en litige, leurs fonctions dans des établissements situés plus près de Valenciennes que de Lille, cette circonstance ne permet pas d'estimer que la mise à disposition d'un local dans cette première commune serait appropriée à l'exercice par le syndicat de son activité alors qu'il ressort des pièces du dossier que moins de 5 % des agents de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord sont affectés à Valenciennes contre près de 20 % à Lille.

5. Par ailleurs, la circonstance alléguée que l'activité de ce syndicat est faible voire inexistante est sans incidence sur sa représentativité qui résulte, en application des dispositions de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, du siège dont elle dispose au sein respectivement du CTIR et du CTT du Nord ainsi qu'il a été dit précédemment. De même, si l'appelant soutient que le titulaire et le suppléant siégeant, pour le syndicat Horizon Justice CFE-CGC, au sein du CTT du Nord ont cessé leurs fonctions, cette circonstance est sans incidence sur le droit de celui-ci à bénéficier, en sa qualité d'organisation syndicale représentative, d'un local dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 précité dès lors qu'il lui appartient, selon les modalités prévues à l'article 16 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, de procéder à la désignation de leurs remplaçants.

6. Enfin, à supposer même que la mise à disposition d'un local dans l'enceinte du bâtiment administratif de Lille, ainsi que le prévoit l'article 3 du décret du 28 mai 1982 précité, soit impossible, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'établit pas, en se bornant à faire état du coût élevé de la location des locaux qui ont été identifiés par le syndicat Horizon Justice CFE-CGC en octobre 2019 en l'absence de toute proposition faite par l'administration, qu'il lui serait impossible de mettre à disposition de ce syndicat un local situé à une distance raisonnable du siège de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord à Lille, alors que le local proposé à Valenciennes est situé à plus de cinquante kilomètres de celui-ci.

7. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en estimant que la proposition faite le 30 juillet 2020 au syndicat Horizon Justice CFE-CGC de mise à disposition d'un local situé à Valenciennes ne répondait pas à sa demande que lui soit fourni un tel local dans les conditions prévues par l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et en ne prononçant pas de non-lieu à statuer. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points précédents, il ressort des pièces du dossier qu'aucune proposition de mise à disposition d'un local, respectant les conditions prévues par l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, n'a été faite par le garde des sceaux, ministre de la justice, au syndicat Horizon Justice CFE-CGC pour l'exercice de ses activités. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en litige méconnaissait, dans cette mesure, les dispositions de cet article et qu'elle devait, pour ce motif, être annulée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a partiellement annulé sa décision implicite et lui a enjoint d'attribuer au syndicat Horizon Justice CFE-CGC un local sur le territoire de la métropole européenne de Lille, équipé d'un télécopieur et d'un photocopieur.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au syndicat Horizon Justice CFE-CGC au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au syndicat Horizon Justice CFE-CGC au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et au syndicat Horizon Justice CFE-CGC.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : N. Carpentier-DaubresseLa présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 21DA02111

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02111
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DELVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-07;21da02111 ?
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