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06/05/2022 | FRANCE | N°21DA01203

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 mai 2022, 21DA01203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui remettre matériellement sa carte de séjour " visiteur " valable du 17 octobre 2017 au 16 octobre 2018.

Elle a également demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le ter

ritoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui remettre matériellement sa carte de séjour " visiteur " valable du 17 octobre 2017 au 16 octobre 2018.

Elle a également demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement nos 2100611, 2100696 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Armand Mbarga, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision et cet arrêté du 12 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- sa requête présentée devant le tribunal administratif de Lille contre la décision de refus de remise de son titre de séjour est recevable faute de mention des voies et délais de recours et en raison de circonstances particulières qui l'ont empêchée d'introduire un recours ;

- cette décision de refus de remise de son titre de séjour n'est pas motivée ;

- elle méconnaît le droit fondamental d'aller et venir ;

- le préfet a arbitrairement refusé de remettre son titre de séjour à sa fille, qui avait une procuration, dès lors qu'aucune disposition légale ne l'autorisait à refuser cette remise à un tiers désigné par l'étranger qui se trouve dans l'impossibilité matérielle de se présenter en préfecture au lieu de procéder à un retrait du titre de séjour ;

- l'arrêté du 12 janvier 2021 est illégal dès lors que le refus de remettre matériellement le titre de séjour est illégal pour les motifs évoqués précédemment ;

- il est illégal en raison de l'attitude manifestement dilatoire du préfet qui s'est fondé sur son arrivée récente en France ;

- il porte une atteinte au droit fondamental d'aller et venir ;

- il est entaché d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2021, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 31 décembre 1951, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 17 octobre 2016 au 16 octobre 2017 et en a sollicité le renouvellement en septembre 2017. A la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui renouveler son titre de séjour. Il lui a toutefois accordé par une décision du 6 avril 2018, à titre exceptionnel, une carte de séjour " visiteur " valable du 17 octobre 2017 au 16 octobre 2018, et l'a invitée, par courrier du 6 juin 2018, à venir retirer ce titre en préfecture. Par une première requête, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de la décision par laquelle le préfet a refusé de remettre ce titre de séjour à sa fille. Par une seconde requête, Mme A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle a sollicité le 12 mars 2020, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces deux demandes. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. En premier lieu, après avoir rappelé le principe énoncé au point précédent, et estimé que les circonstances particulières avancées par Mme A..., qui n'étaient pas établies, ne pouvaient justifier d'écarter le délai raisonnable d'un an pour contester la décision de refus de remise du titre de séjour à sa fille, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en rejetant comme tardives les conclusions d'annulation dirigées contre cette décision.

4. En deuxième lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de Mme A..., ont également suffisamment motivé leur jugement en examinant chacun des moyens soulevés contre l'arrêté du 12 janvier 2021. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les services de la préfecture du Pas-de-Calais ont refusé de remettre à la fille de Mme A..., qui s'est présentée entre le 1er et le 7 septembre 2018, le titre de séjour " visiteur ", valable du 17 octobre 2017 au 16 octobre 2018. Cette décision non matérialisée implique par nature l'absence de mention des voies et délais de recours. Le délai de recours contentieux n'est ainsi pas opposable à Mme A.... S'il est probable que Mme A... a été informée par sa fille du refus de remise, aucune date ne peut être fixée quant à cette information. La requérante doit dès lors être regardée comme ayant eu au plus tard connaissance de cette décision le 23 décembre 2019, date de début du visa de court séjour qu'elle a obtenu pour revenir en France. Mme A... fait valoir n'avoir pas pu prendre l'attache d'un avocat pour contester cette décision dès lors qu'elle résidait au Sénégal. Cette domiciliation au Sénégal est incidence alors qu'elle aurait pu contester cette décision par voie postale devant le tribunal administratif sans ministère d'avocat. Elle n'établit pas non plus sérieusement que ses problèmes de santé l'auraient empêchée de contester cette décision. En l'absence de circonstances particulières et à défaut d'avoir contesté cette décision dans le délai de recours d'un an, la requête ayant été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 27 janvier 2021, la décision de refus de lui remettre son titre de séjour est définitive. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions d'annulation dirigées contre la décision de refus de remise du titre de séjour étaient irrecevables car tardives en application du principe énoncé au point 2.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale.

7. Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de remise de son titre de séjour " visiteur ", au demeurant devenue définitive, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 12 mars 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, dès lors que cet arrêté n'a pas été pris pour son application et n'en constitue pas la base légale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de remise du titre de séjour est inopérant.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait eu une attitude manifestement dilatoire en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A..., entrée en France en dernier lieu en janvier 2020, alors qu'elle-même a quitté le territoire français le 21 avril 2018 pour le Sénégal en dépit du fait que le préfet l'avait informée par courrier du 6 avril 2018 qu'il lui délivrait à titre exceptionnel un titre de séjour en qualité de visiteur en raison de son isolement au Sénégal. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait eu une attitude manifestement dilatoire doit en tout état de cause être écarté.

9. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige porterait atteinte au droit fondamental d'aller et venir est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Mme A... ne peut utilement prétendre qu'elle s'est rendue au Sénégal, non pour des raisons familiales, mais pour des " démarches administratives ". Au surplus, le courrier de la caisse primaire d'assurance maladie d'Arras du 15 juin 2018 dont elle fait état est postérieur au départ de Mme A... pour le Sénégal, où selon son passeport, elle est arrivée le 29 avril 2018. Il ressort également du bordereau de transmission du consulat général de France faisant état de la demande de visa déposée par Mme A... que l'intéressée a déclaré être venue au Sénégal pour une visite familiale. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais aurait cherché à contraindre Mme A... à rester au Sénégal jusqu'à l'expiration de son titre de séjour visiteur valable jusqu'au 16 octobre 2018. Le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2022.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01203
Date de la décision : 06/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCM KOFFI - MBARGA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-06;21da01203 ?
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