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05/05/2022 | FRANCE | N°21DA01282

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 mai 2022, 21DA01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer,

dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2007624 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, M. B..., représenté par Me Bechieau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard.

4°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui restituer son passeport ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de fait en ce qu'il relève qu'il est connu pour le délit d'association de malfaiteurs ;

- il méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le préfet du Nord, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête.

Il soutient les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée pour caducité par une décision du 11 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Heu, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant de nationalité roumaine et moldave né le 21 septembre 1974 à Corjeuti (Moldavie), est entré en France en dernier lieu le 6 avril 2019, selon ses déclarations. Par un arrêt du 21 octobre 2020, la cour d'appel de Douai a condamné M. B... à deux ans d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 3 août 2012 et le 5 août 2012. A l'issue de sa détention, le préfet du Nord, par un arrêté du 23 octobre 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord, pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B..., doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour estimer que M. B... entrait, par son comportement, dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord s'est fondé sur la condamnation dont l'intéressé avait fait l'objet, le 23 mai 2019, pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et pour des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 3 août 2012 et le 5 août 2012. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la cour d'appel de Douai, par un arrêt du 21 octobre 2020, a confirmé la culpabilité de M. B... à raison, exclusivement, des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 3 août 2012 et le 5 août 2012. L'arrêté contesté comporte donc une erreur de fait en ce qu'il mentionne que M. B... a été condamné pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Il demeure que les faits de vol aggravé par deux circonstances commis par M. B... le 3 août 2012 et le 5 août 2012, à raison desquels la cour d'appel de Douai l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, s'inscrivent dans le cadre d'un circuit international organisé de vol de semi-remorques, au demeurant d'une valeur importante, et présentent un caractère de particulière gravité. Or, il résulte de l'instruction que le préfet du Nord, s'il ne s'était fondé que sur les seuls faits retenus par la cour d'appel de Douai dans son arrêt en date du 21 octobre 2020, aurait pris la même décision à l'encontre de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) / 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par un arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 21 octobre 2020, à deux ans d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 3 août 2015 et le 5 août 2012. L'intéressé, qui a commis les vols à raison desquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans dans le cadre d'un circuit international de vol de semi-remorques, ne fait état d'aucune insertion particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en estimant que le comportement personnel de M. B... constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, et justifiait que soit prononcée à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français, n'a entaché cette décision ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré en France en dernier lieu le 6 avril 2019, est présent sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. Il ne produit aucun élément de nature à établir une insertion particulière sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré en France en avril 2019, serait dépourvu d'attaches familiales ou privées en Moldavie ou en Roumanie. Par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec ceux des membres de sa famille et celle de ses filles qui résident en France. En conséquence, le préfet du Nord, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., alors même qu'il produit un document présenté comme une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier, ne justifie d'aucune insertion particulière sur le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens particuliers avec ceux des membres de sa famille et celle de ses filles qui résident en France. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur d'appréciation, ni davantage d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En sixième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".

10. Le préfet du Nord, après avoir fait obligation à M. B... de quitter le territoire français en application des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que sa présence sur le territoire français représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par suite, le préfet du Nord a pu légalement lui faire interdiction de circuler sur le territoire français en application des dispositions précitées de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.

11. En septième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens particuliers avec ceux des membres de sa famille et celle de ses filles qui résident en France. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans, n'a pas entaché cette décision d'une erreur d'appréciation, ni davantage d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. HeuL'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Bureau

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

2

N°21DA01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01282
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-05;21da01282 ?
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