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03/05/2022 | FRANCE | N°20DA01218

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 03 mai 2022, 20DA01218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Contoire-Hamel à lui verser la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi.

Par un jugement n° 1802787 du 26 mai 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, et un mémoire enregistré le 26 octobre 2021, M. A... D..., représenté par Me Charl

es-Eric Thoor, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Contoire-Hamel à lui verser la somme de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi.

Par un jugement n° 1802787 du 26 mai 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, et un mémoire enregistré le 26 octobre 2021, M. A... D..., représenté par Me Charles-Eric Thoor, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Contoire-Hamel à lui verser la somme de 47 000 euros, à titre subsidiaire celle de 26 000 euros, et à titre infiniment subsidiaire celle de 1 euro, en réparation du préjudice qu'il a subi, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Contoire-Hamel la somme de 2 040 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a retenu la faute commise par la commune ;

- le lien de causalité est établi, la caducité de la vente étant la cause principale du préjudice subi qui présente un caractère certain ;

- la perte de chance de vendre le terrain est évaluée à 42 000 euros et le préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 novembre 2021, la commune de Trois-Rivières venant aux droits de la commune de Contoire-Hamel, représentée par Me Philippe Bluteau, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la condamnation de l'Etat à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, et en tout état de cause à la mise à la charge de M. D... de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- le caractère certain du préjudice n'est pas établi ;

- à titre subsidiaire, la faute commise par M. D... est de nature à l'exonérer d'une partie de sa responsabilité, et la faute commise par le préfet doit conduire à un partage de responsabilité avec l'Etat ;

- l'indemnité demandée est excessive.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la commune, dès lors que ces conclusions sont nouvelles en appel.

Par une ordonnance du 1er mars 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Charles-Eric Thoor, représentant M. A... D....

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Contoire-Hamel a délivré au nom de la commune, le 18 juillet 2016, à

M. A... D... et à Mme C... D... deux certificats d'urbanisme pré-opérationnels positifs concernant la construction d'une habitation sur chacun des lots A et B d'un terrain cadastré section ZC n° 89 situé lieudit Le Clos Haut. Le 25 octobre 2017, M. et Mme D... ont signé un compromis de vente de cette parcelle avec M. G... H... et Mme B... F... épouse H..., sous conditions suspensives d'obtention, par l'acquéreur, d'un prêt au plus tard le 25 décembre 2017 et d'un permis de construire une maison à usage d'habitation avant le 18 janvier 2018. M. H... a déposé le 22 décembre 2017 une demande de permis de construire une maison individuelle. Par un arrêté du 15 février 2018, le maire de Contoire-Hamel a refusé de délivrer le permis de construire.

2. Estimant avoir subi un préjudice résultant de l'échec de la vente, M. D... a saisi le tribunal administratif d'Amiens afin d'obtenir la réparation de ce préjudice. Par un jugement du 26 mai 2020, le tribunal a retenu la faute commise par la commune ayant résulté de l'illégalité du refus de permis de construire du 15 février 2018. Il a cependant rejeté la requête de M. D... au motif que le caractère certain du préjudice n'était pas établi. M. D... relève appel du jugement de rejet du 26 mai 2020.

Sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par M. D... :

En ce qui concerne la faute de la commune :

3. Il est constant que l'arrêté du 15 février 2018 ayant refusé la délivrance du permis de construire est entaché d'illégalité en ce qu'il a méconnu les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme qui ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme un droit à voir la demande de permis de construire qu'il dépose durant les dix-huit mois qui suivent examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat. Dans ces conditions, le maire de Contoire-Hamel a commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne la faute de la victime :

4. Si M. D..., qui n'était pas l'auteur de la demande à l'origine de l'arrêté de refus de permis de construire illégal, n'a pas exercé de recours juridictionnel contre cet arrêté, cette circonstance n'est pas de nature à constituer une faute de sa part de nature à exonérer la commune d'une partie de sa responsabilité.

En ce qui concerne la faute de l'Etat :

5. Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes en relation de collaboration étroite, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une seulement de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux.

6. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". S'il résulte de cette disposition que le maire est en principe tenu de refuser un permis auquel le préfet a refusé son avis conforme, il ne commet cependant pas d'illégalité en accordant tout de même ce permis, dès l'instant que le refus d'avis conforme est lui-même illégal.

7. S'il résulte de l'instruction que l'arrêté refusant la délivrance du permis de construire a été pris, en application des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, au vu et sur le fondement de l'avis conforme et défavorable, dont il a repris le motif, émis par le préfet de la Somme le 19 janvier 2018, le maire de la commune s'est ainsi approprié ce motif et il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 6 qu'il a dès lors commis une illégalité fautive.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune ne peut s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité à l'égard de M. D... en invoquant l'existence d'une faute commise par le préfet de la Somme.

En ce qui concerne le préjudice :

S'agissant du préjudice matériel :

9. Le permis de construire demandé par les acquéreurs potentiels du terrain de M. D... a été refusé au motif que le terrain servant d'assiette au projet est localisé en dehors de la partie actuellement urbanisée de la commune.

10. Il résulte toutefois des pièces du dossier que la parcelle de M. D... est située à la sortie du bourg, le long de la route départementale n° 160, et qu'elle se trouve dans la continuité d'une zone dont les constructions sont suffisamment nombreuses et denses pour constituer une partie urbaine de la commune. En outre, le projet des acquéreurs ne concernait qu'une maison individuelle, qui n'était pas susceptible d'étendre la partie urbanisée de la commune.

11. Dans ces conditions, le caractère inconstructible du terrain en litige n'est pas établi, et le préjudice invoqué correspondant à la perte de chance de vendre un terrain constructible ne présente aucun caractère certain.

S'agissant du préjudice moral :

12. Si le refus illégal de permis de construire constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune, il n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où le requérant justifie d'un dommage actuel, direct et certain. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

13. Il résulte de l'instruction que le compromis de vente du 25 octobre 2017 a été signé entre M. D... et les acquéreurs potentiels sous conditions suspensives d'obtention d'un permis de construire avant le 18 janvier 2018 et d'obtention d'un prêt de 243 000 euros au plus tard le 25 décembre 2017. Si cette seconde condition n'a pas été levée, il résulte de l'instruction que les acquéreurs potentiels disposaient d'un apport de 50 000 euros. Ces derniers attestent en outre que leur projet a été abandonné au motif que le permis de construire avait été refusé par la commune et, dans une attestation du 25 octobre 2021, ils certifient qu'ils bénéficiaient tous les deux d'un contrat à durée indéterminée, qu'ils avaient constitué une épargne de 80 000 euros à la suite de la vente de leur maison et qu'ils ont trouvé un autre terrain afin de commencer leur projet, qui a été financé par une banque sans difficulté.

14. Dans ces conditions, le lien de causalité entre l'illégalité du refus d'autorisation de construire et la non réalisation de la vente de la parcelle est établi, et le préjudice qui en résulte pour

M. D... présente un caractère certain.

15. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. D..., désormais âgé de 82 ans, et découlant des difficultés administratives ayant fait obstacle à la réalisation de son projet, en lui allouant à ce titre la somme de 2 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

16. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de la commune tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations présentées contre elle :

17. Ces conclusions de la commune n'ont pas été présentées devant les premiers juges et ne sont, dès lors, pas recevables.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Trois-Rivières demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

19. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Trois-Rivières, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 26 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La commune de Trois-Rivières venant aux droits de la commune de Contoire-Hamel est condamnée à verser à M. D... la somme de 2 000 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Trois-Rivières venant aux droits de la commune de Contoire-Hamel versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Trois-Rivières présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Trois-Rivières.

Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. Heinis

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 20DA01218 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01218
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BLUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-03;20da01218 ?
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