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29/03/2022 | FRANCE | N°20DA01504

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 mars 2022, 20DA01504


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2021, la société Supermarchés Match, représentée par Me Caroline Meillard, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le maire de Lille a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin situé rue de l'Egalité à Lomme ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lomme, de l'Etat et de la SNC Lidl la somme

de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative....

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2021, la société Supermarchés Match, représentée par Me Caroline Meillard, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le maire de Lille a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin situé rue de l'Egalité à Lomme ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lomme, de l'Etat et de la SNC Lidl la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à contester devant la juridiction administrative le rejet de son recours par la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- c'est à tort que la Commission nationale a considéré qu'elle n'avait pas intérêt à agir car, d'une part, la délimitation de la zone de chalandise est irrégulière et, d'autre part, sa propre zone de chalandise chevauche celle de l'établissement projeté ; son activité sera immanquablement affectée par ce dernier ; en outre, la commission nationale a commis une erreur de droit en s'abstenant de porter une appréciation sur le recoupement des zones de chalandise ;

- l'acte attaqué est ainsi entaché d'une irrégularité qui l'a privée d'une garantie et a eu une incidence sur le sens de la décision finale ;

- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de Lille Métropole ;

- il ne répond pas aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, au regard de plusieurs des critères associés à ces objectifs, tels qu'ils sont fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la société n'a effectué aucune démarche contre l'arrêté contesté avant la saisine de la cour ;

- la requête n'est pas recevable car il n'est pas démontré que la société requérante a accompli les formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dirigée contre l'Etat est irrecevable, l'Etat n'étant pas l'auteur de la décision attaquée ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2020, et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2021, la SNC Lidl, représentée par Me Alexia Robbes, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Supermarchés Match d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, la commune de Lille, représentée par Me Jean-Baptiste Dubrulle, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Supermarchés Match d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car elle ne lui a pas été notifiée sur le fondement de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme alors qu'elle est l'auteure de la décision attaquée ou, à tout le moins, sa co-auteure ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 11 mars 2022, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer en vue de la régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de Commission nationale d'aménagement commercial.

Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2022 et non communiqué, la SNC Lidl a présenté des observations sur la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Irène Baton représentant la société Supermarchés Match, et de Me Camille Sabbagh représentant la SNC Lidl.

Une note en délibéré présentée par la société Supermarchés Match a été enregistrée le 17 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 11 juillet 2019 dans le but de transférer, rue de l'égalité sur le territoire de la commune de Lomme, et d'agrandir de 646 m², une surface de vente existante à l'enseigne " Lidl " de 774 m², jusqu'alors implantée rue Anatole France dans la même commune. Le projet a reçu, le 4 novembre 2019, un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord et, par la suite, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté comme irrecevable, par un avis du 24 juin 2020, le recours administratif préalable obligatoire formé par la société Supermarchés Match. Avant l'intervention de cet avis, le maire de Lille a accordé le permis de construire sollicité, par un arrêté du 28 janvier 2020 dont la société Supermarchés Match demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a exercé le recours préalable obligatoire prévu par les dispositions précitées, devant la Commission nationale d'aménagement commercial. L'avis du 24 juin 2020 de cette commission a été notifié au mandataire de la société Supermarchés Match le 22 juillet 2020 et la requérante a contesté le permis de construire dans les deux mois suivant la notification du rejet de son recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale d'aménagement commercial et tirée de ce que le permis de construire n'a pas été régulièrement contesté, doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (...). / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté, à l'entête de la commune de Lille, a été délivré par le représentant de cette collectivité. Ainsi, la société requérante aurait dû notifier son recours à la commune de Lille, auteur de la décision contestée, et non à la commune de Lomme. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un décret n° 2000-151 du 22 février 2000, les communes de Lille et de Lomme ont fusionné, et la commune de Lomme est ainsi devenue une commune associée dépourvue de personnalité morale. En outre, l'arrêté contesté a également été contresigné par le maire de la commune de Lomme. Dans ces conditions, en adressant son recours à la commune de Lomme et à la société Lidl, dans les quinze jours qui ont suivi le dépôt de sa requête, la requérante doit être regardée comme ayant régulièrement procédé aux notifications prévues par l'article R. 600-1 précité.

Sur la légalité de la décision attaquée :

6. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / (...) ".

7. Pour l'application de l'article précité, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des extraits du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale, que le temps de trajet retenu pour la détermination de la zone de chalandise du projet est de 8 à 10 minutes. Le temps de déplacement a été réduit à 8 minutes pour tenir compte tant des barrières physiques, telles que le nœud ferroviaire, le boulevard périphérique ou le canal de la Deûle, que du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux, notamment des magasins " Lidl " situés à proximité et en particulier du magasin situé à Lambersart. De son côté, l'établissement exploité par la requérante, avenue de Dunkerque à Lambersart, est situé à 2 kilomètres au nord du projet, ce qui représente un temps de trajet en voiture de 6 minutes seulement. Contrairement à ce que fait valoir la société Lidl, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avenue de Dunkerque constituerait une barrière justifiant une limitation de la zone de chalandise. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la zone de chalandise du magasin Match chevauche celle du projet.

9. Les deux établissements des sociétés concurrentes partagent une activité alimentaire généraliste. Il ressort également du dossier de demande d'autorisation que la société Lidl, qui s'est développée sur le marché du hard-discount, a pris en considération l'évolution des attentes des consommateurs et s'adresse ainsi à une même clientèle que la société Supermarché Match. Si la société Lidl fait valoir que le projet éloignera son magasin existant de celui de la société Supermarché Match, il en accroîtra cependant la surface de vente de plus de 80 %. Dans ces conditions, le projet est susceptible d'avoir une incidence significative sur l'activité du magasin Match.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours de la société Supermarchés Match pour irrecevabilité, au seul motif que la société ne justifiait pas d'une activité dans les limites de la zone de chalandise. Ce rejet constitue une irrégularité entachant la procédure de délivrance du permis de construire.

11. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel d'apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la teneur des autres recours le cas échéant examinés sur le fond par la commission nationale, si cette irrégularité est susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, l'obligation de saisir préalablement la Commission nationale d'aménagement commercial avant toute introduction d'un recours contentieux ne constituant pas, en tout état de cause, une garantie pour les personnes intéressées.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une autre société concurrente aurait formé un recours préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Les arguments présentés par la société requérante n'ont ainsi, à aucun moment, été étudiés par la Commission nationale. Dans ces conditions, l'irrégularité relevée au point 10, est susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée.

13. Il résulte de ce qui précède que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 juin 2020 est entachée d'illégalité.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

14. Aux termes de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux recours pour excès de pouvoir formés contre les permis de construire qui tiennent lieu d'autorisation au titre d'une autre législation, sauf disposition contraire de cette dernière ".

15. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

16. L'illégalité relevée résultant de l'irrégularité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible d'être régularisée. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant un délai de six mois pour permettre le cas échéant la régularisation du vice par un permis de construire modificatif pris après un nouvel examen du recours gracieux par la Commission nationale d'aménagement commercial.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Supermarchés Match, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, afin de permettre la régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés Match, à la SNC Lidl, à la commune de Lille et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera transmise pour information à la commune de Lomme.

Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : C. Baes-Honoré Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord et au ministre de l'économie et des finances, chacun en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°20DA01504 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01504
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LUMEA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-29;20da01504 ?
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