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22/03/2022 | FRANCE | N°20DA01794

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 mars 2022, 20DA01794


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, et un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, la SEPE La Croix Florent, représentée par Me Laurent Brault, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale pour un parc composé de quatre aérogénérateurs situé sur le territoire de la commune de Flixecourt ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et de l'assortir des prescriptions nécessaires ou de laisser à la pr

éfète de la Somme le soin de les fixer dans un délai d'un mois à compter de la date de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, et un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, la SEPE La Croix Florent, représentée par Me Laurent Brault, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale pour un parc composé de quatre aérogénérateurs situé sur le territoire de la commune de Flixecourt ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et de l'assortir des prescriptions nécessaires ou de laisser à la préfète de la Somme le soin de les fixer dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la préfète s'est crue en situation de compétence liée ;

- elle a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet porte atteinte à la commodité du voisinage, à la conservation des perspectives et à la protection des paysages, que les impacts sur l'avifaune ont été sous-évalués et que les mesures proposées ne sont pas de nature à éviter, réduire ou compenser les atteintes prévisibles à l'avifaune.

Par un mémoire en défense, enregistré du 2 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- les observations de Me Benoît Williot, représentant la SEPE La Croix Florent.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La SEPE La Croix Florent a déposé le 6 juillet 2017 une demande d'autorisation environnementale, complétée le 12 avril 2019, tendant à la construction et à l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Flixecourt. Par un arrêté du 21 septembre 2020, la préfète de la Somme a rejeté cette demande. La SEPE La Croix Florent demande l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

3. Pour rejeter la demande présentée par la SEPE La Croix Florent, la préfète de la Somme s'est fondée sur les atteintes à la commodité du voisinage, à la conservation des perspectives et à la protection des paysages, sur la sous-évaluation des impacts sur l'avifaune et sur l'insuffisance des mesures proposées pour éviter, réduire ou compenser les atteintes prévisibles à l'avifaune.

En ce qui concerne les incidences sur la commodité du voisinage, la conservation des perspectives et la protection des paysages :

4. Pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

S'agissant de la qualité du site, des monuments et du paysage :

5. Les éoliennes projetées prendront place sur le plateau agricole de Ponthieu, dans la vallée de la Domart et la Nièvre, qui est composé principalement de champs cultivés et de quelques boisements épars, qui est traversé par l'axe structurant très fréquenté de l'autoroute A16 et qui présente déjà d'autres signes d'anthropisation tels qu'une ligne à haute tension et plusieurs parcs éoliens. S'il comporte des points de vue remarquables regardés comme emblématiques par l'Atlas des paysages, le plateau de Ponthieu ne fait lui-même l'objet d'aucune protection. Par ailleurs, le secteur recèle des monuments historiques, notamment le château inscrit de Flixecourt, les ruines du château classé de Picquigny et l'église inscrite de Bourdon.

S'agissant de l'atteinte aux paysages :

6. Il résulte des pièces du dossier que, contrairement à ce que fait valoir la ministre, le point de vue sur la route départementale n°12 entre Berteaucourt-les-Dames et Vignacourt ne permet pas de caractériser un phénomène de surplomb du projet. Ni les points de vue du cimetière de Bourdon, ni celui de " l'arbre de Croix " sur les hauteurs de Saint-Léger-lès-Domart ne permettent davantage d'établir une atteinte significative aux paysages.

S'agissant de la commodité du voisinage :

7. Il résulte de l'instruction que, dans un rayon de 20 kilomètres, 130 éoliennes ont été construites, 35 éoliennes supplémentaires ont été autorisées et 30 projets d'éoliennes sont en cours d'instruction. Pour retenir l'atteinte à la commodité du voisinage, le préfet a estimé que le projet contribuait à l'effet de mitage, en ne s'inscrivant pas en continuité d'un parc existant, et a relevé que pour la commune de Flixecourt, le projet augmentait de 30° l'angle occupé par le motif éolien.

8. Il résulte de l'instruction que l'angle d'encerclement de ce village est aujourd'hui de 21° jusqu'à 5 kilomètres, de 59° de 5 à 10 kilomètres et de 80° de 0 à 10 kilomètres. Si le parc projeté crée un cône de visibilité théorique supplémentaire de 30°, il résulte de l'étude d'encerclement que depuis les sorties nord et sud, il n'y a pas de risque d'encerclement en raison des écrans végétaux et du bâti existant. Depuis le centre, aucune éolienne n'est visible. Si la ministre s'est approprié les réserves de la direction départementale des territoires et de la mer sur les photomontages, elle n'a apporté aucun élément de nature à établir que ces derniers auraient été conçus de façon à minimiser l'impact du projet. Si la mission régionale d'autorité environnementale a relevé une forte visibilité à partir de la route départementale n° 1001, cette circonstance ne suffit pas à établir l'encerclement allégué. Dans ces conditions, et alors même que le projet se situe à 2 kilomètres d'autres parcs éoliens sans s'inscrire dans leur continuité, l'atteinte à la commodité du voisinage n'est pas établie.

S'agissant de l'atteinte au patrimoine :

Quant au château de Flixecourt :

9. Il résulte de l'instruction que le projet se situe à 2,2 kilomètres du château de Flixecourt inscrit au titre des monuments historiques. Si le photomontage n° 107 depuis le portail du château de Flixecourt montre une vue sur les éoliennes E1à E4, l'impact apparaît faible eu égard à la distance séparant le projet du château et à la présence de nombreuses constructions. Il résulte également de l'instruction que l'observateur de la façade principale du château ne verra pas les éoliennes qui se trouveront derrière lui. Si aucun photomontage à partir du château n'a été versé au dossier, il se déduit de la configuration des lieux que la vue sur les éoliennes sera encore moins prégnante à partir du château que depuis le portail.

Quant aux vestiges du château et à l'église de Saint-Martin de Picquigny :

10. Il résulte de l'instruction que les ruines du château et l'église de Saint-Martin de Picquigny, classés monument historiques, se trouvent à 6,8 kilomètres du projet. Si, ainsi que l'a indiqué l'architecte des bâtiments de France dans son avis du 29 août 2017, les éoliennes seront visibles depuis la porte ouest et l'entrée sud du château ainsi que depuis les cours en terrasse du château et si le photomontage n° 8 atteste que les éoliennes seront perceptibles depuis la porte ouest dite du Gard, situées en arrière-plan, elles ne seront à cette distance que faiblement visibles.

Quant à l'église de Bourdon :

11. Si le clocher de l'église de Bourdon est inscrit au titre des monuments historiques, les photomontages versés au dossier montrent que la perspective sur le clocher et sa flèche de pierre depuis l'entrée du village est masquée par la végétation et il ne résulte pas de l'instruction que le rapport d'échelle entre l'église et le projet situé à 3 kilomètres, plus visible pendant la période hivernale, caractérisera un effet de surplomb du monument.

En ce qui concerne l'atteinte à l'avifaune :

12. L'administration a estimé satisfaisantes les prospections et la pression d'inventaire réalisées. Si la préfète a estimé que les effets cumulés pouvant exister avec les autres parcs éoliens n'avaient pas été suffisamment étudiés, il ne résulte pas de l'instruction que l'insuffisance ainsi alléguée soit en l'espèce de nature à remettre en cause la pertinence de l'étude d'impact.

13. S'il résulte de l'instruction que le busard Saint-Martin est d'intérêt communautaire et de sensibilité moyenne aux collisions, il résulte des études écologiques réalisées en 2017 et en 2019 qu'il n'a été observé qu'en période prénuptiale et en période hivernale. Pendant ces deux périodes l'enjeu pour l'espèce a été qualifié de faible, et sa présence sur le site reste anecdotique.

14. S'il résulte de l'étude écologique que le secteur d'étude est considéré comme étant à très fort enjeu pour le busard cendré, le préfet n'a pas fait spécifiquement état de cette espèce dans son arrêté, et le pétitionnaire relève que, durant les deux cycles annuels de prospection, le busard cendré n'a pas été observé.

15. Si le pluvier doré, espèce d'intérêt communautaire dont l'habitat fait l'objet de mesures de conservation spéciale, a été observé en hiver et si sa sensibilité à l'éolien a été qualifiée de moyenne, le risque de collision le concernant est très faible compte tenu de son comportement d'évitement. Dans ces conditions et en dépit de la proximité entre l'éolienne F1 et une zone de rassemblement postnuptiale, aucun risque particulier n'est établi.

16. Il résulte de l'instruction que la sensibilité aux éoliennes de l'alouette des champs, espèce non protégée, n'a été observé qu'au moment de la nidification. S'agissant de la linotte mélodieuse, l'impact a été qualifié de très faible. Il en est de même pour la mouette rieuse, espèce au demeurant non menacée.

17. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'eu égard aux faibles risques pour les différentes espèces citées, les mesures prévues pour éviter, réduire et compenser apparaissent adaptées aux risques initiaux du site et suffisantes pour que l'impact résiduel du projet sur l'avifaune ne s'oppose pas à la délivrance de l'autorisation sollicitée.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence négative de l'auteur de l'acte, que la SEPE La Croix Florent est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son arrêté en date du 21 septembre 2020, la préfète de la Somme a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale sollicitée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

20. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation d'exploiter les éoliennes du parc litigieux.

21. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation de construire et d'exploiter le parc projeté et en la renvoyant devant la préfète de la Somme pour fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui doivent assortir cette autorisation. Il est enjoint à la préfète de la Somme de fixer ces conditions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

22. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SEPE La Croix Florent et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Somme du 21 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'autorisation unique pour la construction et l'exploitation de quatre aérogénérateurs situés sur le territoire de la commune de Flixecourt est accordée à la SEPE La Croix Florent.

Article 3 : La SEPE La Croix Florent est renvoyée devant la préfète de la Somme pour fixer les conditions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui doivent assortir l'autorisation délivrée à l'article 2. Il est enjoint à la préfète de la Somme de fixer ces conditions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SEPE La Croix Florent et à la ministre de la transition écologique et à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°20DA01794 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01794
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SK et PARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-22;20da01794 ?
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