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03/02/2022 | FRANCE | N°21DA00584

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 03 février 2022, 21DA00584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 30 juillet 2019 que le maire de Gournay-en-Bray a retiré par un arrêté du 27 janvier 2020 et d'annuler cet arrêté du 27 janvier 2020 par lequel le maire de de Gournay-en-Bray a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de six mois, dont trois mois avec sursis.

Par un jugement n° 1903404 du 15 janvier 2021, le tribunal

administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 30 juillet 2019 que le maire de Gournay-en-Bray a retiré par un arrêté du 27 janvier 2020 et d'annuler cet arrêté du 27 janvier 2020 par lequel le maire de de Gournay-en-Bray a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de six mois, dont trois mois avec sursis.

Par un jugement n° 1903404 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 30 juillet 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars et 26 septembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Mathilde Coquerel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 27 janvier 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gournay-en-Bray une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me Mathilde Coquerel, représentant Mme A... et Me Charles Carluis, représentant la commune de Gournay-en-Bray.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe administrative principale de 1ère classe, est employée par la commune de Gournay-en-Bray. Elle y occupait, depuis le 17 septembre 2014, les fonctions de coordinatrice " jeunesse " du pôle " loisirs et vie locale ". Par deux arrêtés des 20 mars 2009 et 20 juillet 2012, Mme A... a été, en outre, nommée respectivement comme régisseur de la régie de recettes pour les activités et les équipements du service " jeunesse " et régisseur de la régie d'avances pour les dépenses " jeunesse et sports ". Par un arrêté du 20 novembre 2018, le maire de Gournay-en-Bray a suspendu Mme A... de ses fonctions. La prolongation de sa suspension à compter du 20 mars 2019 a été annulée par un jugement du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Rouen, devenu définitif. Après avis du conseil de discipline rendu le 24 juin 2019, l'adjoint au maire a prononcé à son encontre, par un arrêté du 30 juillet 2019, une exclusion temporaire de six mois, dont trois mois avec sursis. Par un arrêté du 27 janvier 2020, le maire de Gournay-en-Bray a retiré cet arrêté en raison de l'incompétence de son auteur et a prononcé la même sanction disciplinaire. Par un jugement du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 30 juillet 2019 et a rejeté celles dirigées contre le second arrêté du 27 janvier 2020. Mme A... relève appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 27 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des points 9 et 10 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de Mme A..., ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'inexactitude matérielle des deux griefs qui lui sont reprochés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

3. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est entaché de plusieurs contradictions de motifs, un tel moyen affecte son bien-fondé et non sa régularité. Par suite, il doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, Mme A... soutient que la commune de Gournay-en-Bray n'a pas fait preuve d'impartialité au cours de l'enquête qu'elle a menée en mandatant un agent de son propre service la mettant en cause dans son management, pour vérifier le contenu de son ordinateur professionnel. Si aucun texte ni aucun principe général du droit n'impose à une administration de respecter une procédure particulière dans le cadre d'une telle enquête interne, l'employeur est tenu à une obligation de loyauté vis-à-vis de ses agents. En l'espèce il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des échanges de courriers électroniques entre l'agent mandaté pour mener l'enquête et sa hiérarchie, que ce dernier, qui s'est borné à examiner des fichiers professionnels et à faire état d'éléments factuels à la suite de ses recherches dans son ordinateur aurait cherché à nuire à Mme A... comme elle le prétend. Celle-ci ne conteste pas, par ailleurs, avoir été mise à même, au cours du conseil de discipline, de répondre aux griefs qui lui étaient reprochés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure interne menée par la commune pour établir la matérialité des faits ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ".

6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Pour prononcer la sanction en litige, le maire de de Gournay-en-Bray s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de ce que Mme A... avait sciemment fourni des données erronées au trésor public afin de dissimuler l'écart entre le montant des règlements affichés sur le logiciel " Aïga " au titre des années 2016 et 2017 et les sommes effectivement perçues par la collectivité durant cette période et, d'autre part, de ce qu'elle avait admis avoir falsifié un document en y apposant la signature scannée du maire afin de permettre l'envoi en temps voulu d'une convention destinée à la caisse d'allocations familiales.

8. Pour contester le premier grief, Mme A... soutient qu'elle ne procédait qu'occasionnellement à la saisie informatique des paiements effectués pour les familles pour les prestations proposées par la commune et qu'aucune critique quant à la tenue de sa régie de recette ne lui a été adressée par le comptable public, lequel a d'ailleurs attesté de la conformité des recettes encaissées par la régie. Elle fait également observer que des incohérences existent dans des encaissements qualifiés de fictifs, car certains sont censés être intervenus le samedi ou pendant des périodes de vacances alors que le service Jeunesse était fermé au public ou encore durant une période durant laquelle elle était en congé de maladie. Mais ces incohérences demeurent limitées et ne suffisent pas à remettre en cause le constat de ce que des encaissements fictifs figuraient dans le logiciel " Aïga ", alors qu'ils n'étaient pas retracés dans plusieurs listings remis au trésor public qu'elle avait signés lors de la remise des sommes encaissées au comptable public. Outre qu'elle n'apporte aucun élément probant de nature à justifier qu'il ne s'agirait que de simples erreurs de saisie comme elle le fait valoir, Mme A... avait la qualité de responsable du service et de régisseuse principale et il lui appartenait, même si elle n'était pas elle-même à l'origine des faits, de s'assurer de la bonne utilisation du logiciel " Aïga " et de la cohérence des comptes de la régie dont elle avait la charge. Par suite, le moyen tiré de ce que le premier grief est fondé sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.

9. S'agissant du second grief, Mme A... soutient que l'utilisation de la signature scannée du maire, accompagnée de la Marianne apposée sur un document adressé à la caisse d'allocations familiales pour une demande de subvention a été décidée collectivement avec ses deux agents, cette demande présentant un certain degré d'urgence. Elle fait valoir ne pas s'être chargée personnellement de la manipulation et indique que l'agent qui y a procédé n'a pas été sanctionné. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier établi le 6 mars 2019, que l'examen de l'ordinateur de Mme A... a révélé la présence de huit fichiers contenant la signature scannée du maire avec Marianne enregistrés entre octobre 2016 et avril 2017. Il ressort du procès-verbal du conseil de discipline que Mme A... a admis avoir falsifié ce document. La circonstance que la commune n'ait pas finalement retenu comme motif, dans la décision en litige, la falsification frauduleuse d'autres documents avec cette signature, qu'elle avait évoquée dans son rapport de saisine du conseil de discipline n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits. Enfin, les allégations selon lesquelles la commune aurait produit elle-même des faux sont dépourvues de tout fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que le second grief est fondé sur également des faits matériellement inexacts doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que la matérialité des faits reprochés à Mme A... est établie. Ces faits constituent des manquements à ses obligations professionnelles et ont altéré le lien de confiance unissant Mme A... à son employeur. Ces faits fautifs sont ainsi de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la nature de ces faits et à supposer même que l'utilisation frauduleuse de la signature aurait été circonscrite à un seul document et que Mme A... n'aurait bénéficié d'aucun enrichissement personnel, le maire de Gournay-en-Bray n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en lui infligeant une sanction d'exclusion temporaire de six mois assortie d'un sursis de trois mois.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Gournay-en-Bray dans son mémoire en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gournay-en-Bray, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune de Gournay-en-Bray au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gournay-en Bray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Gournay-en Bray.

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N°21DA00584

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00584
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP EMO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-03;21da00584 ?
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