Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Pays du Vermandois a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire et de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays du Vermandois une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1900052 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 12 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Pays du Vermandois a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays du Vermandois une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 ;
- l'arrêté interministériel du 4 juin 2018 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée comme agent contractuel au sein de la communauté de communes du Pays du Vermandois à compter du 12 décembre 2011 et son contrat a été renouvelé chaque année depuis cette date pour l'exercice des fonctions d'animation puis de direction et de coordination des accueils collectifs. Par un arrêté du 2 novembre 2016, elle a également été nommée régisseur des régies de recettes encaissant les participations pour les accueils de loisirs sans hébergement. Par une décision du 29 novembre 2018, le président de la communauté de communes du Pays du Vermandois l'a licenciée pour motif disciplinaire. Mme B... relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 37 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent contractuel à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 16 novembre 2018, le président de la communauté de communes du Pays du Vermandois, après avoir mentionné les griefs qui étaient reprochés à Mme B..., l'a convoquée à un entretien préalable à un licenciement, le 28 novembre suivant, et l'a notamment informée de son droit à la communication de son dossier individuel. Si la date de notification de ce courrier ne ressort pas des pièces du dossier, Mme B... a, par une lettre datée du 22 novembre 2018, indiqué qu'elle ne pouvait se rendre à cet entretien. L'intéressée ayant ainsi eu, au moins, un délai de sept jours pour solliciter la communication de son dossier individuel, ce qu'elle n'a au demeurant pas fait, et préparer utilement sa défense, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige a méconnu les dispositions précitées de l'article 37 du décret du 15 février 1988. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée ". Aux termes de l'article 33 du décret du 23 décembre 2016 relatif aux commissions consultatives paritaires de la fonction publique territoriale : " Les premières élections des représentants du personnel aux commissions consultatives paritaires sont organisées à la date du prochain renouvellement général des instances représentatives du personnel de la fonction publique territoriale. (...) " Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 juin 2018 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique territoriale : " La date des élections pour le renouvellement général des organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et agents relevant de la fonction publique territoriale dont le mandat arrive à expiration en 2018 est fixée au 6 décembre 2018. ".
5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant des agents contractuels de droit public, les premières élections des représentants du personnel aux commissions consultatives paritaires ont été organisées le 6 décembre 2018. Dès lors, à la date de la décision contestée du 29 novembre 2018, les commissions consultatives paritaires, dans leur composition incluant des représentants du personnel contractuel, n'étaient pas encore mises en place au sein des collectivités territoriales. Eu égard à cette circonstance particulière, la consultation de la commission consultative paritaire prévue par l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 précité constituait une formalité impossible. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
6. En troisième lieu, la décision du 29 novembre 2018 en litige vise le décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale et mentionne les griefs reprochés à Mme B... concernant les manquements dans la gestion de la régie des accueils de loisir sans hébergement en 2018, les modifications frauduleuses de la liste des enfants ayant participé aux différents accueils de loisir sans hébergement en 2018 ayant pour conséquence une perte financière pour la communauté de communes du Pays du Vermandois, la non-transmission, dans des délais permettant leur encaissement, des chèques établis par les familles au titre de la participation aux formations du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur pour les années 2016 et 2017, la non-transmission des chèques et des espèces détenus au titre de la participation des familles au service " Adobus " pour les années 2016 et 2017, la non-déclaration à la direction départementale de la cohésion sociale du centre de loisirs d'Hargicourt en août 2018 et du service " Adobus " à compter du 1er septembre 2018 ainsi que la non-transmission à la caisse d'allocations familiales d'éléments justificatifs malgré de nombreuses relances ayant entraîné des pertes de financement pour les années 2017 et 2018. Dès lors, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En quatrième lieu, l'autorité de chose jugée des décisions des juges répressifs devenues définitives, qui s'impose aux juridictions administratives, s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Dès lors, si Mme B... a été relaxée des chefs d'abus de confiance et de détournement de fonds publics, par un jugement du tribunal judiciaire de Saint-Quentin en date du 20 avril 2021, il appartient au juge administratif d'apprécier si les faits en litige sont suffisamment établis.
8. S'agissant des manquements dans la gestion de la régie des accueils de loisir sans hébergement au titre de l'année 2018, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 16 octobre 2018 du comptable du centre des finances publiques de Bohain-en-Vermandois, que des chèques datant de mai à août 2018, découverts pas la régisseur suppléante durant l'absence de Mme B..., n'ont pas été remis dans les délais et pour un montant total de 13 825 euros, alors que le montant maximal d'encaisse pour la régie concernée était de 6 000 euros. Par ailleurs, il ressort du rapport établi le 30 octobre 2018 par le même comptable public, que Mme B... ne lui a pas transmis, malgré plusieurs demandes en ce sens, des documents permettant de vérifier les versements de la régie et n'a pas honoré plusieurs rendez-vous. En outre, la comparaison des dépôts effectués par l'appelante sur l'année 2018, auxquels s'ajoutent les fonds trouvés à la régie, avec la facturation reconstituée a fait apparaître une différence de 5 165 euros, sans que les critiques de l'intéressée sur les modalités de reconstitution de cette facturation suffisent à remettre en cause ce constat. La circonstance que Mme B... a été victime d'un accident le 9 septembre 2018 et qu'elle a été opérée le lendemain d'une fracture de la jambe est sans incidence sur les faits précités qui lui sont reprochés dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces manquements seraient imputables aux agents chargés de la remplacer dans les démarches de la régie contrairement à ce qu'elle allègue et alors qu'elle a elle-même procédé à la remise de l'état de régie final le 15 octobre 2018 au centre des finances publiques de Bohain-en-Vermandois. Au surplus, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 22 septembre 2017 par le comptable public au titre de l'année 2017, que le montant des versements en espèces au titre de cette année était particulièrement faible, laissant ainsi présumer un détournement de fonds, que Mme B... n'avait déjà pas honoré certains rendez-vous et qu'elle n'avait déjà pas respecté son obligation de verser la totalité des recettes encaissées dans le délai de huit jours suivant la fin de la période d'inscription des familles, celle-ci s'achevant au 31 juillet de chaque année. Dès lors, les manquements dans la gestion de la régie des accueils de loisir sans hébergement au titre de l'année 2018 sont matériellement établis.
9. S'agissant des modifications frauduleuses de la liste des enfants ayant participé aux différents accueils de loisir sans hébergement en 2018, il ressort des déclarations de la directrice financière de la communauté de communes du Pays du Vermandois, telles que consignées dans le rapport établi par le comptable public le 30 octobre 2018, que le logiciel " Aiga Noe " utilisé a été modifié et que les noms de certaines familles y avaient été supprimés. Si Mme B... soutient que ces familles ne figuraient pas dans le logiciel car elles n'avaient pas encore payé les sommes dues, il ressort du rapport établi par le comptable public que ce logiciel n'était pas utilisé pour l'enregistrement des paiements. Toutefois, Mme B... indiquant également sans être contredite, qu'elle n'était pas la seule à avoir accès à ce logiciel, auxquels avaient notamment accès les directeurs des centres de loisir, les seuls éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir qu'elle aurait elle-même procédé à ces suppressions. Dans ces conditions, les faits de modifications frauduleuses de la liste des enfants ayant participé aux différents accueils de loisir sans hébergement en 2018 ne peuvent être regardés comme lui étant imputables au regard des pièces versées au dossier.
10. S'agissant de la non-transmission, dans des délais permettant leur encaissement, des chèques établis par les familles au titre de la participation aux formations du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur pour les années 2016 et 2017 ainsi qu'au service " Adobus " pour les années 2016 et 2017, il ressort du rapport établi par le comptable public le 30 octobre 2018 que de nombreux chèques pour un montant total de 6 212,60 euros ont été retrouvés à la régie dont plusieurs au titre de la formation du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur et du service " Adobus ". La circonstance que la communauté de communes du Pays du Vermandois a pu prendre en charge financièrement certaines formations du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ne saurait permettre de regarder les chèques en question comme de simples chèques de caution ne devant pas être encaissés contrairement à ce que soutient Mme B.... Dès lors, les faits reprochés sont matériellement établis.
11. S'agissant de la non-déclaration à la direction départementale de la cohésion sociale de l'Aisne du centre de loisirs d'Hargicourt en août 2018 et du service " Adobus " à compter du 1er septembre 2018, il ressort des pièces du dossier que ces déclarations n'ont été régularisées que le 8 novembre 2018 alors qu'elles auraient dû être effectuées huit jours avant le commencement de l'accueil. Si Mme B... indique, concernant le centre de loisirs d'Hargicourt, avoir entamé des démarches dans le délai qui lui était imparti mais qu'elle n'a pu accéder à l'application du fait d'un mot de passe erroné, elle ne l'établit pas. Dès lors, les faits reprochés sont matériellement établis.
12. S'agissant de la non-transmission à la caisse d'allocations familiales de l'Aisne d'éléments justificatifs, malgré de nombreuses relances, ayant entraîné des pertes de financement pour la communauté de communes du Pays du Vermandois au titre des années 2017 et 2018, il résulte du courrier de la caisse d'allocations familiales de l'Aisne en date du 2 juillet 2018 que les informations relatives à l'accueil de jeunes au sein du service " Adobus " n'ont pas été communiquées par Mme B... alors que le délai initial de transmission était fixé au 15 février 2018. Par ailleurs, il résulte des termes de ce même courrier que la lettre de relance et les appels téléphoniques fixant un délai supplémentaire de retour n'ont pas davantage conduit l'appelante à transmettre les documents demandés, de sorte que les droits à la prestation de service n'ont pas été versés à la communauté de communes du Pays du Vermandois. Si Mme B... conteste cette absence de versement, il ressort du compte-rendu du conseil de la communauté de communes du Pays du Vermandois en date du 26 février 2019 que le bilan financier pour 2018 fait apparaître un montant nul de prestations versées par la caisse d'allocations familiales au titre du service " Adobus ". Dès lors, les faits reprochés sont matériellement établis.
13. Il résulte de ce qui précède que, si les faits mentionnés au point 9 ne peuvent être imputés à Mme B... au vu des pièces versées au dossier, ceux mentionnés aux points 8, 10, 11 et 12 sont matériellement établis et lui sont imputables. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les seuls faits mentionnés aux points 8, 10, 11 et 12. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision contestée doit être écarté.
14. En cinquième lieu, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
15. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme B..., qui sont établis ainsi qu'il a été dit aux points 8, 10, 11 et 12, constituaient, eu égard à leur nature et alors que le comptable public lui avait déjà signalé des manquements dans le fonctionnement de la régie de recettes le 22 septembre 2017, des fautes dans l'exercice de ses fonctions de direction et de coordination des accueils collectifs et de régisseur des recettes de nature à justifier une sanction. Contrairement à ce que soutient l'appelante, les faits en cause ne démontrent pas uniquement une insuffisance professionnelle de sa part mais constituent des fautes relevant du champ disciplinaire.
16. D'autre part, eu égard à la réitération des faits reprochés, alors que Mme B... était nommée régisseur des régies de recettes depuis seulement deux années, et à leur nature, s'agissant du maniement de fonds publics, nonobstant la circonstance que Mme B... a été relaxée par un jugement du tribunal judiciaire de Saint-Quentin du 20 avril 2021, qui au demeurant a fait l'objet d'un appel, la sanction de licenciement prononcée est proportionnée à la gravité de ces fautes. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel d'Amiens ait définitivement statué dans le cadre de la procédure pénale, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Pays du Vermandois l'a licenciée pour motif disciplinaire. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement à la communauté de communes du Pays du Vermandois de la somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 000 euros à la communauté de communes du Pays du Vermandois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté de communes du Pays du Vermandois.
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N°21DA00489
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