Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n°2100502 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer la situation de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif tiré de ce que le défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme A... B... pourrait entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité n'est pas fondé ;
- le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur des pièces médicales postérieures à la décision attaquée, lesquelles ne rendaient pas compte d'une situation antérieure à l'arrêté ;
- les documents médicaux ne permettent pas d'établir que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier de soins adaptés dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Marie Camail, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le motif retenu par le tribunal administratif de Rouen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondé ;
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant été rendu onze mois après sa demande de titre de séjour ; l'avis est erroné et insuffisamment motivé ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée de plusieurs erreurs de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance du 20 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2021 à 12 heures.
Mme A... B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante angolaise née le 23 mars 1989, serait selon ses déclarations entrée en France le 30 août 2017. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 1er mars 2019. Le 2 mai 2019, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 janvier 2021, le préfet de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 28 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis émis le 3 juin 2020, que, si l'état de santé de Mme A... B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'avis relève également que l'intéressée peut voyager sans risque pour sa santé vers son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, sur laquelle s'est notamment fondé le préfet de la Seine-Maritime, Mme A... B... a produit un certificat daté du 8 février 2021 de son médecin psychiatre, praticien-hospitalier, qui mentionne suivre régulièrement la requérante depuis septembre 2019 et que l'absence d'un suivi et d'un traitement régulier " pourrait avoir de graves conséquences pour sa santé et pour sa vie (troubles psychiatriques avec risque de suicide) ". Elle a également produit en cours d'instance devant le tribunal administratif un nouveau certificat daté du 7 avril 2021 du même médecin psychiatre, faisant état d'une hospitalisation depuis le 5 avril 2021 au centre hospitalier du Rouvray en raison d'un " syndrome dépressif sévère avec idées de mort, péjoration de l'avenir, perte d'appétit et troubles du sommeil. ". Elle verse en appel une nouvelle attestation datée du 7 septembre 2021, dans laquelle ce psychiatre certifie qu'il a été nécessaire de l'hospitaliser en psychiatrie pour menaces suicidaires. Contrairement à ce que soutient le préfet, ces attestations de ce médecin psychiatre, bien que postérieures à l'arrêté en litige, révèlent l'existence d'un état de santé antérieur préexistant à l'arrêté et, non une simple aggravation de son état de santé qui ne serait intervenue que postérieurement. Par suite, le défaut de prise en charge en médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le préfet soutient que Mme A... B... peut être, en tout état de cause, soignée dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation et alors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration ne s'est pas prononcé sur ce point dans son avis. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Maritime avait entaché l'arrêté contesté d'une erreur d'appréciation en estimant que le défaut de prise en charge médicale de Mme A... B... ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 14 janvier 2021, lui a enjoint de remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Mme A... B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Camail, avocat de Mme A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Camail de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Camail une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme E... A... B... et à Me Marie Camail.
Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.
Le président-assesseur,
Signé : M. D...
La présidente de chambre,
présidente-rapporteure,
Signé : G. BOROTLa greffière,
Signé : A-S. VILLETTE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
1
2
N°21DA01336
1
3
N°"Numéro"