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25/11/2021 | FRANCE | N°20DA01134

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 novembre 2021, 20DA01134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le président du conseil régional des Hauts-de-France a prononcé son licenciement, de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 583 007,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de chaque échéance annuelle et pour la première fois le 7 novembre 2018, d'enjoindre à la région Hauts-de-France de procéder

la reconstitution de sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le président du conseil régional des Hauts-de-France a prononcé son licenciement, de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 583 007,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de chaque échéance annuelle et pour la première fois le 7 novembre 2018, d'enjoindre à la région Hauts-de-France de procéder à la reconstitution de sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais de la région Hauts-de-France dans deux journaux d'annonces légales et auprès des conseillers régionaux dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la région Hauts-de-France la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801849 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 8 septembre 2017 prononçant le licenciement de M. C..., a condamné la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 31 850,51 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, a enjoint à la région de prendre les mesures énoncées au point 20 de son jugement, a mis à la charge de la région la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juillet 2020, 27 mai 2021 et 8 juillet 2021, M. B... C..., représenté par Me Virginie Stienne-Duwez, demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce que le tribunal administratif a limité le montant de son indemnisation à la somme de 31 850,51 euros et a enjoint à la région de reconstituer sa carrière jusqu'au 14 octobre 2018 seulement ;

2°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de le réintégrer dans ses fonctions ou dans un emploi équivalent à négocier, au grade d'attaché territorial conformément à sa situation administrative actuelle, avec conservation de son ancienneté avec le bénéfice de son traitement antérieur dont il bénéficiait à la région, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, comme attaché titulaire, avec le bénéfice du traitement perçu à la région ;

3°) de condamner la région Hauts-de-France à l'indemniser de tous ses chefs de préjudice détaillés à l'instance au prorata jusqu'à sa réintégration et à effectuer toutes les régularisations administratives et financières auprès des caisses sociales concernées jusqu'à sa réintégration, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017, date de son recours préalable, les intérêts portant eux-mêmes intérêts au taux légal à chaque échéance annuelle et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de régulariser sa situation administrative en établissant des fiches de paie et en adoptant un arrêté de reconstitution de carrière du 8 septembre 2017 au 14 octobre 2018, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) à défaut, d'enjoindre à la région Hauts-de-France de le réintégrer, de la condamner à lui verser une somme complémentaire à celle fixée par le tribunal administratif, à hauteur de 288 557,51 euros, outre les régularisations à effectuer sur les montants prélevés en double au titre de la contribution sociale généralisée, remboursement de la dette sociale et fonds de solidarité, la transmission des tickets restaurants conformément à la décision du tribunal jusqu'au 31 mai 2019, et le transfert sur son compte épargne temps des trente-six jours de congés non consommés, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017, ces intérêts portant eux-mêmes capitalisation à chaque échéance annuelle, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de condamner la région Hauts-de-France à la majoration du taux d'intérêt légal de 5%, en application de l'article 3 de la loi n° 75-619 11 juillet 1975 compte tenu du non-respect du délai de deux mois prévu pour exécuter le jugement et en cas de non-respect du délai qui serait fixé par la cour ;

7°) de mettre à la charge de la région Hauts-de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code monétaire et financier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1695 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2004-878 du 26 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me Virginie Stienne-Duwez, représentant M. C... et Me Clémentine Lacoste, représentant la région Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Après un premier contrat de trois mois entre le 1er mars 2016 et le 31 mai 2016, M. C... a été recruté par la région Hauts-de-France, par contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans à compter du 1er juin 2016, pour occuper les fonctions de délégué auprès du président de la commission " environnement ". Par une décision du 8 septembre 2017, le président du conseil régional des Hauts-de-France a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Lille, à la demande de M. C..., a annulé cette décision de licenciement, a condamné la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 31 850,51 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, a enjoint à la région, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, de régulariser sa situation administrative en procédant à la reconstitution de ses droits sociaux à compter de la date de prise d'effet du licenciement dont il a fait l'objet jusqu'au 14 octobre 2018 inclus, a mis à la charge de la région la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. M. C... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Lille n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu, au point 11 du jugement, au poste de préjudice lié au financement de sa retraite complémentaire et au point 14 s'agissant des postes de préjudices relatifs à sa perte de chance de droits à la retraite et à la perte de ses avantages liés aux prestations offertes par le " comité d'entreprise " de la région. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'aurait pas statué sur ces différents postes de préjudice doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il résulte du jugement attaqué, définitif sur ce point, que la décision de licenciement a été annulée au motif, d'une part, que l'autorité signataire était incompétente et, d'autre part, que les faits reprochés à M. C... par la région Hauts-de-France à l'origine de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, n'étaient pas établis. Compte tenu de ce second motif tiré de l'absence de matérialité des faits, la même décision de licenciement n'aurait pu légalement intervenir si elle avait été prise par l'autorité compétente. Par suite, ayant été irrégulièrement évincé, M. C... est fondé à demander l'engagement de la responsabilité de la région Hauts-de-France en raison de cette illégalité.

4. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

En ce qui concerne la perte de rémunération entre son éviction irrégulière et la fin de son contrat à durée déterminée :

5. M. C... a subi, du fait de son éviction irrégulière, une perte de rémunération à compter du 9 septembre 2017 jusqu'au 31 mai 2019, soit une période de vingt mois et vingt-deux jours et de non de vingt mois et quatorze jours comme indiqué par le tribunal administratif. M. C... percevait une rémunération mensuelle nette égale à 3 940,62 euros, soit un montant total de 81 702,18 euros pour la période durant laquelle il a été illégalement évincé. Toutefois, il y a lieu de déduire de ce montant celui de 33 181,30 euros, correspondant aux indemnités pour perte d'emploi que M. C... a perçues durant la même période, ainsi que la somme de 18 814,87 euros, correspondant aux traitements perçus par le requérant depuis le 15 octobre 2018, date à compter de laquelle il a été recruté par le syndicat mixte pour l'aménagement hydraulique des vallées de la Scarpe-Escaut en tant qu'attaché territorial stagiaire. Dès lors, le préjudice représentatif de la perte de rémunération subie par M. C... en raison de son éviction illégale doit être fixé à la somme de 29 706,01 euros. Si M. C... soutient que ce préjudice doit prendre en compte les rémunérations brutes, il ne justifie pas s'être acquitté directement auprès des organismes sociaux, des cotisations sociales correspondantes, ni avoir été privé des prestations sociales afférentes à ces cotisations. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'a pas été prélevé deux fois des cotisations afférentes à l'assurance maladie dès lors qu'il s'agit d'une indemnité correspondant au traitement qu'il aurait perçue en l'absence d'éviction et non des traitements qu'il aurait dû percevoir. Il s'ensuit que la perte de rémunération liée à son éviction irrégulière s'élève à la somme de 29 706,01 euros.

En ce qui concerne l'indemnisation au titre de l'assurance maladie et la complémentaire santé pour un montant de 1 141,44 euros :

6. M. C... demande une indemnisation à hauteur de 1 141,44 euros correspondant à la couverture maladie d'un montant de 55,68 euros par mois qu'il aurait financée rétroactivement sans en bénéficier. Ainsi qu'il a été dit, il ne justifie pas s'être acquitté directement auprès des organismes sociaux de la cotisation sociale correspondante d'un montant de 55,68 euros, ni avoir été privé des prestations sociales afférentes à cette cotisation. Par ailleurs, lorsque M. C... était en fonction à la région, il était affilié à Intériale au titre de sa mutuelle santé complémentaire, couvrant lui-même, son épouse et ses deux enfants selon les mentions figurant sur sa carte de mutuelle. Contrairement à ce qu'il prétend, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait cotisé à cette mutuelle sans en avoir bénéficié. M. C... prétend également dans ses écritures devoir être indemnisé de la somme de 1 141,44 euros, correspondant selon ses dires à la cotisation de 55,68 euros par mois prélevée directement sur son salaire jusqu'au 31 mai 2019. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette retenue de 55,68 euros, intitulée " 810 sécumaladie ", et faisant l'objet de charges patronales, correspondrait à sa cotisation mensuelle à Interiale. Ses conclusions à ce titre ne peuvent être que rejetées.

En ce qui concerne l'indemnisation correspondant à la mutuelle à laquelle il a adhéré à compter du 1er mars 2018 :

7. Il résulte de l'instruction que M. C... a souscrit une nouvelle mutuelle complémentaire à compter du 1er mars 2018, dont il demande l'indemnisation jusqu'à la fin de son contrat au 31 mai 2019 pour un montant de 1 228,04 euros, mais également jusqu'à la fin de sa carrière en 2031 pour un montant total de 13 733,93 euros. M. C... n'apporte toutefois pas plus en appel qu'en première instance la démonstration de ce que ses frais à ce titre seraient supérieurs à ceux qu'il aurait engagés en restant à la région jusqu'au 31 mai 2019, voire éventuellement jusqu'à sa retraite. S'il prétend que sa nouvelle mutuelle lui a coûté 341,10 euros supplémentaire entre le 1er mars 2018 et le 31 mai 2019, il fonde son estimation en prenant le montant de 55,68 euros comme étant sa cotisation à la mutuelle Intériale qu'il payait lorsqu'il était à la région. Mais, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas établi que sa cotisation mutuelle s'élevait à cette somme. Par suite, les conclusions présentées par M. C... à ce titre doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'indemnisation de ses congés et ses jours de réduction de temps de travail :

8. Il résulte de l'instruction que par lettre du 29 septembre 2017, la région a informé M. C... que le logiciel de gestion des congés indiquait que son solde de congés était nul. Elle y précisait également faire droit à titre dérogatoire à sa demande de changement de régime présentée le 18 juillet 2017, mais uniquement à compter du 2nd semestre 2017, ce dernier souhaitant opter, au lieu des trente-cinq heures sans journée de réduction du temps de travail, à un régime de trente-neuf heures avec jours de réduction de temps de travail. Si M. C... soutient qu'il disposait encore de 16,5 jours de droit à congés lorsqu'il a été licencié, le document intitulé " saisie prévisionnel " pour le seul mois de septembre qu'il produit ne suffit pas à remettre en cause l'affirmation de la région quant à l'existence d'un solde de congés nul.

9. Si M. C... demande également une indemnisation pour les jours de congés auxquels il aurait pu prétendre à raison des services qu'il aurait dû réaliser au cours de la période d'éviction irrégulière du 9 septembre 2017 jusqu'au 14 octobre 2018, son absence de droit à congés durant cette période ne résulte pas directement de l'illégalité de son éviction mais de l'absence de service fait. En l'absence d'un lien suffisamment direct avec l'illégalité de son licenciement, le requérant ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un tel préjudice.

10. S'agissant de l'indemnisation de ses dix jours de réduction de temps de travail figurant sur son compte épargne temps, celle-ci n'est pas ouverte aux agents de la région Hauts-de-France faute de délibération du conseil régional en ce sens. Les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice lié aux frais induits par sa mobilité géographique :

11. Les frais résultant des déplacements de M. C... pour se rendre sur son nouveau lieu de travail, situé plus loin de son domicile que le siège de la région, ne présentent pas de lien suffisamment direct avec l'illégalité de son licenciement. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

En ce qui concerne la perte de chance d'être nommé stagiaire à la région Hauts-de-France :

12. Il résulte de l'instruction que M. C..., lauréat du troisième concours, a été inscrit sur la liste d'aptitude d'attaché territorial à compter du 15 avril 2017. Par un courriel du 12 mai 2017, soit onze jours avant l'incident qui a donné lieu à son licenciement illégal, le chef du service carrière/paye siège et ports de la région l'a informé, d'une part, que l'arrêté le nommant au grade d'attaché territorial stagiaire à compter du 1er juillet 2017 avait été mis à la signature du président de région et, d'autre part, que le directeur général des services souhaitait qu'il lui transmette un courrier signifiant qu'il était informé de la perte financière qu'impliquait sa nomination. M. C... a demandé que les informations lui soient données par écrit. Par courriel du 19 mai 2017, ce chef de service a informé M. C... des règles applicables en matière de prise en compte des services antérieurs, des deux hypothèses existantes et de leurs conséquences respectives sur sa rémunération. M. C... a alors transmis un courrier daté du 21 mai 2017 dans lequel il précisait opter pour une reprise des services publics effectués avec maintien de l'indice majoré dans la limite de celui afférent à l'échelon terminal du grade de base du cadre d'emploi (indice majoré 664) avec une perte de salaire de 506 euros nets. Eu égard à ces circonstances et à ces éléments concrets et circonstanciés, l'illégalité de son licenciement a fait perdre à M. C... une chance sérieuse d'être nommé attaché stagiaire au 1er juillet 2017.

13. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait pu être nommé à l'échelon 11 du grade d'attaché ni à la région, ni d'ailleurs dans aucune autre collectivité dès lors qu'il ne comptabilise que seize mois de services accomplis dans des fonctions de catégorie A entre le 1er mars 2016 et le 30 juin 2017, lesquels ne sont retenus qu'à raison de la moitié de leur durée en vertu des dispositions du 1° de l'article 7 du décret du 22 décembre 2006 fixant les dispositions communes applicables aux cadres d'emplois des fonctionnaires de la catégorie A de la fonction publique territoriale, soit huit mois. Il ne pouvait qu'être nommé à l'échelon 1 avec une ancienneté de huit mois. En revanche, il aurait pu bénéficier, lors de son année de stage, des dispositions du II de l'article 12 du même décret aux termes desquelles les agents classés en application de l'article 7 à un échelon doté d'un traitement inférieur à celui qu'ils percevaient avant leur nomination conservent à titre personnel, le bénéfice de leur traitement antérieur, jusqu'au jour où ils bénéficient, dans leur nouveau grade, d'un traitement au moins égal étant précisé que le traitement ainsi déterminé ne peut excéder la limite du traitement indiciaire afférent au dernier échelon du premier grade du cadre d'emplois considéré. Cette option avait été choisie par M. C... dans son courrier du 21 mai 2017. Toutefois, M. C..., qui a déjà été indemnisé d'une perte de revenus pour la période du 9 septembre 2017 à la fin de son contrat de travail, dans les conditions énoncées au point 5, ne peut bénéficier sur une même période, d'une autre indemnisation en réparation d'une rémunération non perçue qui, en tout état de cause, aurait été inférieure à celle perçue en tant que contractuel, rémunéré au 9ème échelon du grade d'attaché principal. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires liées au préjudice financier résultant de la perte de rémunération en tant qu'attaché stagiaire ainsi qu'à la perte des droits à la retraite et de retraite additionnelles doivent également être rejetées.

En ce qui concerne la perte de chance d'être titularisé :

14. Il résulte de l'instruction que M. C... n'était en poste à la région que depuis seize mois au 1er juillet 2017, date à laquelle il aurait pu être nommé attaché stagiaire. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait occupé des fonctions similaires dans une autre collectivité au cours de sa carrière. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'il aurait nécessairement effectué son année de stage sur le poste qu'il occupait en tant que contractuel. Si M. C... soutient que sa manière de servir n'a jamais été remise en cause et que sa titularisation était acquise, il a toutefois admis lors de de sa plainte du 28 novembre 2017 pour dénonciation calomnieuse que le directeur général adjoint du Pôle Equilibre des territoires de la région lui avait déjà reproché un manque de correction envers les services. Dans ces conditions, et alors que la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire ne confère à son bénéficiaire aucun droit à être titularisé, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il avait une chance sérieuse d'être titularisé à l'issue de son année de stage.

En ce qui concerne la perte du bénéfice du maintien de sa rémunération lors de son recrutement dans la nouvelle collectivité :

15. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a pas pu bénéficier, lors de son recrutement en tant qu'attaché stagiaire le 15 octobre 2018 par le syndicat mixte pour l'aménagement hydraulique des vallées de la Scarpe et du Bas-Escaut, des dispositions du II de l'article 12 du décret du 22 décembre 2006 fixant les dispositions communes applicables aux cadres d'emplois des fonctionnaires de la catégorie A de la fonction publique territoriale, aux termes desquelles les agents classés en application de l'article 7 à un échelon doté d'un traitement inférieur à celui qu'ils percevaient avant leur nomination conservent, à titre personnel, le bénéfice de leur traitement antérieur, jusqu'au jour où ils bénéficient dans leur nouveau grade, d'un traitement au moins égal, étant précisé que le traitement ainsi déterminé ne peut excéder la limite du traitement indiciaire afférent au dernier échelon du premier grade du cadre d'emplois considéré. La perte du bénéfice de ce maintien de rémunération résulte non pas directement du licenciement illégal de M. C... par la région Hauts-de-France mais du fait qu'il ne remplissait plus la condition exigée au dernier alinéa de l'article 12, à savoir justifier d'au moins six mois de services effectifs dans le dernier emploi au cours des douze mois précédant cette nomination, en raison du délai avec lequel il a trouvé cet emploi dans une nouvelle collectivité. En l'absence d'un lien suffisamment direct avec l'illégalité de son licenciement, de telles conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice quant à la perte des avantages du comité des œuvres sociales d'un montant de 13 000 euros :

16. En se bornant à faire état de la variété et de l'importance des prestations proposées par le comité des œuvres sociales de la région, M. C... n'établit pas, en tout état de cause, la réalité de son préjudice qu'il évalue à la somme de 1 000 euros pendant treize ans. L'indemnisation de ce préjudice doit être rejetée.

En ce qui concerne ses dépenses personnelles :

17. Les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci. Toutefois, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

18. M. C... demande, d'une part, l'indemnisation de diverses dépenses telles que des déplacements chez son conseil ou encore le temps passé à la préparation de son recours. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un tel préjudice est réparé intégralement par la décision que le juge prend sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

19. M. C... demande, d'autre part, l'indemnisation de ses déplacements en voiture sur la base du barème de l'administration fiscale, ainsi que l'indemnisation du temps consacré pour des déplacements à Pôle Emploi, chez des médecins, au centre médico-psychologique, à la pharmacie ou encore à rédiger certaines lettres ou certains courriers électroniques, évalué à un montant de 26,5 euros de l'heure, ce qui serait le coût horaire lorsqu'il était en poste à la région. Toutefois, alors qu'il ne fait état d'aucune perte de revenu ou de dépenses directement liées à ces démarches, il n'établit pas la réalité de l'existence d'un préjudice matériel. Par suite, l'indemnisation de ce préjudice doit être écarté.

En ce qui concerne le préjudice moral, le préjudice familial et celui lié à l'atteinte à la réputation professionnelle :

20. M. C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait subi une atteinte à sa réputation professionnelle. Il en va de même du préjudice familial qu'il invoque. Ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

21. M. C... a été licencié alors qu'aucun fait fautif ne pouvait lui être reproché. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. C... a perdu une chance sérieuse d'être nommé attaché stagiaire à la région alors qu'il venait de réussir le troisième concours d'attaché territorial. Il justifie avoir bénéficié d'un traitement médicamenteux en raison d'une dépression liée à sa situation professionnelle et de consultations régulières dans un centre médico-psychologique. Comme indiqué au point 19, il a également été contraint d'effectuer de nombreuses démarches administratives pour retrouver un emploi en raison de son licenciement illégal. Dans ces conditions, l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dont il se prévaut doit être portée à la somme de 5 000 euros.

22. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité à laquelle a droit M. C... doit être portée à la somme de 34 706,01 euros, correspondant à la somme de 29 706,01 euros pour la perte de rémunération liée à son éviction irrégulière, à laquelle il convient d'ajouter celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les intérêts et la capitalisation :

23. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. (...). ". Aux termes de l'article 1343-2 de ce même code : " Les intérêt échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ". Pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.

24. La somme mentionnée au point 22 portera intérêt au taux légal à compter du 8 novembre 2017, date de réception de la demande indemnitaire préalable de M. C... par la région Hauts-de-France. En outre, M. C... a droit à la capitalisation des intérêts à compter du 8 novembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

25. Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût par provisions. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. / Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. ".

26. En l'espèce, le jugement attaqué a été notifié le 24 juin 2020 à la région Hauts-de-France qui a, par un certificat du 19 août 2020 produit dans le cadre de la demande d'exécution présentée au président de la cour, a autorisé le versement de la somme de 34 967,33 euros au profit de M. C..., soit dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à ce que le taux de l'intérêt légal soit majoré de cinq points doivent être rejetées.

27. Les conclusions présentées par M. C... tendant à ce que le montant de la condamnation fixée par la cour porte intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier sont sans objet, dès lors que la majoration instituée par ces dispositions est attachée de plein droit à cette condamnation pécuniaire sans qu'il soit nécessaire de le prévoir expressément dans la présente décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte :

28. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d'éviction illégale, entraînant la régularisation de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Toutefois, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue.

29. L'annulation du licenciement de M. C... n'implique pas la réintégration effective de ce dernier, dont le contrat à durée déterminée aurait normalement pris fin le31 mai 2019 mais uniquement une réintégration juridique à la date d'effet de l'éviction illégale. La circonstance qu'il soit désormais fonctionnaire territorial et qu'une perte de chance sérieuse d'être nommé stagiaire au sein de la région a été reconnue par le présent arrêt n'implique pas davantage une telle réintégration effective. Ses conclusions tendant à une réintégration effective au sein de la région des Hauts-de-France, assorties d'une astreinte, doivent être rejetées.

30. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, l'annulation de la mesure d'éviction implique seulement de régulariser la situation administrative de M. C... en procédant à la reconstitution de ses droits sociaux à compter de la prise d'effet de son licenciement, soit du 9 septembre 2017 au 14 octobre 2018 inclus, compte tenu de son recrutement en tant qu'attaché territorial stagiaire au sein d'une autre collectivité à compter du 15 octobre 2018. A cet égard, ses conclusions tendant à ce que la région verse la somme de 2 448,98 euros à l'Ircantec, pour la période du 15 octobre 2018 au 31 mai 2019, sont sans objet, la région justifiant avoir procédé à cette régularisation dans le cadre de l'exécution du jugement. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à qu'il soit enjoint à la région de régulariser administrativement et financièrement sa situation auprès de toutes les caisses sociales et de l'Etat, assorties d'astreinte, doivent être rejetées.

31. Les conclusions de M. C... tendant à ce que soient justifiées les régularisations au titre de la contribution sociale généralisée, du remboursement de la dette sociale et du fonds de solidarité ne peuvent être que rejetées dès lors que, contrairement à ce que soutient l'appelant, ces sommes n'ont pas été prélevées en double, dès lors qu'il a droit à une indemnité et non à une rémunération, en réparation de son préjudice financier.

32. En l'absence de service fait durant la période d'éviction, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la région Hauts-de-France de délivrer les fiches de paie réclamées par M. C.... Il n'y a pas lieu davantage d'enjoindre à la région d'établir un arrêté de reconstitution de carrière, aucune reconstitution de carrière n'ayant à intervenir compte tenu des clauses du contrat dont l'intéressé était titulaire et du fait que M. C... n'était pas fonctionnaire lorsqu'il était en poste au conseil régional. Par suite, les conclusions d'injonction présentées sur ce point doivent être rejetées.

33. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait partiellement financé des " tickets restaurant " à compter de son éviction irrégulière. Contrairement à ce qu'il prétend, l'indemnité financière pour pertes de revenus allouée par le tribunal administratif a été calculée à partir de son traitement net d'un montant de 3940,62 euros, ne comprenant pas de financement de sa part de " tickets restaurants ". En tout état de cause, les " tickets-restaurants " constituent un avantage matériel destiné à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint à la région de lui transmettre des tickets restaurants ne peuvent qu'être écartées.

34. Il ne résulte pas des dispositions de l'article 9 du décret du 26 août 2004 relatif au compte épargne temps dans la fonction publique que M. C... puisse conserver le bénéfice de ses droits à congés acquis dès lors qu'il n'a pas changé de collectivité par voie de mutation, d'intégration directe ou de détachement. Les conclusions d'injonction présentées à ce titre doivent être rejetées.

35. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité son indemnisation à la somme de 31 850,51 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, et à demander que l'indemnité qui lui est due soit portée à la somme de 34 706,01 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 et de leur capitalisation à compter du 8 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle.

Sur les frais liés à l'instance :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région Hauts-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la région Hauts-de-France le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 31 850,51 euros que le tribunal administratif a condamné la région Hauts-de-France à verser à M. C... est portée à la somme de 34 706,01 euros, qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 et de leur capitalisation à compter du 8 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 juin 2020 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La région Hauts-de-France versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la région Hauts-de-France.

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N°20DA01134

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01134
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-25;20da01134 ?
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