Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Centrale éolienne Vexin a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler trois arrêtés du préfet de l'Eure du 3 août 2017 portant refus du permis de construire six éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Puchay.
Par un jugement n° 1703152 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés, enjoint au préfet de délivrer les permis et condamné l'Etat à verser une somme à la société Centrale éolienne Vexin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Centrale éolienne Vexin devant le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- les observations de Me Francis Monamy, représentant l'association pour la défense des habitants du Vexin normand et autres, et de Me Chloé Daheron représentant la Centrale éolienne Vexin.
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention :
1. L'association pour la défense des habitants du Vexin normand, à laquelle ses statuts ont donné pour objet " sur un territoire regroupant l'ensemble des communes du Vexin normand (...) de (...) lutter contre les atteintes qui pourraient être portées (...) aux espaces et aux paysages, aux équilibres biologiques ", justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement et au rejet de la demande présentée par la société Centrale éolienne Vexin devant le tribunal administratif de Rouen. Ainsi son intervention est recevable.
Sur la légalité des refus de permis de construire du 3 août 2017 :
2. La société Centrale éolienne Vexin a demandé des permis de construire pour implanter six éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Puchay. Par trois arrêtés du 3 août 2017, le préfet de l'Eure a refusé ces permis. Par un jugement du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces refus. La ministre de la transition écologique et l'association pour la défense des habitants du Vexin normand et les communes de Puchay, Coudray-en-Vexin, Farceaux, la Neuve-Grange et Saussay-la-Campagne demandent à la cour l'annulation de ce jugement.
3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
4. Il résulte de cette disposition que, si la construction projetée porte atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
En ce qui concerne la collégiale d'Ecouis :
5. Ce monument classé, comportant deux clochers hauts de 43 mètres sur une ligne de crête de 150 mètres d'altitude, constitue un repère depuis de nombreux points du plateau du Vexin d'une altitude moyenne de 120 mètres, de sorte que le schéma régional éolien a recommandé de préserver ces clochers " de toute covisibilité ", et il résulte du photomontage n° 9 de l'étude paysagère réalisée par la pétitionnaire, pris depuis les abords de Fresne-l'Archevêque, une covisibilité entre la collégiale d'Ecouis et les éoliennes projetées.
6. Toutefois, une distance de 5,8 kilomètres sépare la collégiale d'Ecouis des éoliennes, la vue sur la collégiale depuis la route départementale n° 20 est déjà dégradée par des lignes électriques et il résulte du photomontage n° 9, pris à 2,6 kilomètres de la collégiale et à 9,1 kilomètres des éoliennes, que des boisements entourent la collégiale et que la covisibilité entre la collégiale et les éoliennes sera lointaine et faible.
En ce qui concerne l'église de Puchay :
7. Ce monument inscrit est situé à 800 mètres des éoliennes projetées et il résulte du photomontage n° 20 de l'étude paysagère réalisée par la pétitionnaire, pris à 1,8 kilomètre des éoliennes depuis la route départementale n° 316 au nord-est de Puchay, que le projet sera perceptible en arrière-plan de l'église de Puchay.
8. Toutefois, alors qu'une covisibilité significative du projet et de l'église de Puchay depuis la sortie nord-ouest de Nojeon-en-Vexin ne ressort pas du photomontage n° 24 de l'étude paysagère invoqué par l'association intervenante, il ressort de cette étude que l'église de Puchay s'intègre dans le bâti du village, ce qui bloque les vues sur le paysage environnant, et il ressort du photomontage n° 20 de la même étude que les arbres et le bâti du village limitent la perception des éoliennes E1, E2, E3, E4, E5 et E6 qui sont implantées sur deux lignes décalées.
9. Il résulte de ce qui précède que la ministre et l'association et les communes intervenantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les refus de permis de construire litigieux au motif que le préfet avait fait une inexacte application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Dans les circonstances de l'espèce, l'Etat, partie perdante, versera la somme de 1 500 euros à la société Centrale éolienne Vexin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association pour la défense des habitants du Vexin normand est admise.
Article 2 : La requête de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Centrale éolienne Vexin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne Vexin, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à l'association pour la défense des habitants du Vexin normand qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.
N° 20DA00107 4