La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2021 | FRANCE | N°21DA01319

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 octobre 2021, 21DA01319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005183 du 11 mai 2021, le tribunal administra

tif de Rouen a annulé la décision contenue, dans cet arrêté du 22 octobre 2020, prononça...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005183 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision contenue, dans cet arrêté du 22 octobre 2020, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin 2021 et 5 août 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

---------------------------------------------------------------------------------------------------

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Marie Verilhac, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident à l'annulation des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovar né le 25 mars 1963, serait selon ses déclarations entré en France le 1er juillet 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 8 novembre 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 22 juillet 2014 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 24 novembre 2015, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour du 23 mars 2017, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 14 octobre 2019, M. A... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 11 mai 2021 en tant que le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans cet arrêté. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la cour d'annuler également ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions d'appel incident de M. A... :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le préfet :

2. Les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 22 octobre 2020 ne présentent pas à juger un litige distinct de celui soumis au juge d'appel par le préfet de la Seine-Maritime qui demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en tant que ce dernier a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contenue dans ce même arrêté. Dès lors, les conclusions d'appel incident présentées par M. A... sont recevables et la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les organismes assurant l'accueil ainsi que l'hébergement ou le logement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : 8° Les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse ; ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger justifie de trois années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire, qu'un rapport soit établi par le responsable de l'organisme d'accueil, qu'il ne vive pas en état de polygamie et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... participe à des ateliers d'adaptation à la vie active au sein de l'association Emergences. Il y suit des cours de français et participe à des actions de propreté des locaux. Mais alors qu'il est intégré dans ce dispositif depuis six ans, il se borne uniquement à produire une promesse d'embauche postérieure à la décision contestée. Compte-tenu de l'ensemble de sa situation, de ses activités et de ses perspectives d'intégration, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé. Il aurait pris la même décision s'il n'avait pas également contesté que l'association d'accueil relève de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

8. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2013 et de la présence de son fils, titulaire d'une carte de résident, en qualité de parent d'enfant français. Toutefois, M. A... a vécu l'essentiel de son existence au Kosovo, où résident son épouse et trois autres enfants. La présence de son fils et de sa petite fille, née le 14 décembre 2016, ne suffit pas à démontrer que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouverait désormais en France alors qu'il est pris en charge par une association qui l'héberge et n'a pour tout revenu qu'un pécule. Ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il justifierait d'une insertion professionnelle notable. La promesse d'embauche versée en appel et établie postérieurement à la décision en litige, ne remet pas en cause l'absence de perspectives réelles et sérieuses d'insertion. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

10. La situation de M. A... telle qu'exposée au point 8 ne permet pas de considérer que des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels seraient de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

13. M. A... se borne à soutenir, comme en première instance, que le préfet se serait cru en situation de compétence liée en fixant à trente jours le délai de départ volontaire et n'a pas pris en compte le contexte sanitaire actuel. Il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplirait les conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Le moyen tiré de ce qu'une telle circonstance ferait obstacle à son éloignement à destination du Kosovo ne peut dont qu'être écarté.

18. M. A... n'apporte aucun élément probant à l'appui de son allégation selon laquelle il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

19. M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions d'appel incident présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur l'appel principal du préfet de la Seine-Maritime :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

21. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "- L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger./ Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

22. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent en France depuis 2013. Il s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'une précédente mesure d'éloignement. S'il fait état de liens étroits entretenus avec son fils, titulaire d'une carte de résident, sa belle-fille française et leur fille, il ne vit pas avec le couple et est hébergé par une association. Dans ces conditions, la situation de M. A... ne présente pas de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Aussi, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français limitée à une durée d'un an. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif cette décision.

23. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de la motivation :

24. Il ressort du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

25. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

26. Pour faire interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, l'arrêté en cause mentionne notamment qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, que la plupart de sa famille réside au Kosovo et qu'il ne justifie pas de l'intensité, l'ancienneté et de la stabilité de ses liens en France. L'arrêté n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles le préfet n'a pas admis l'existence de circonstances humanitaires, ni à faire l'objet d'une motivation spécifique sur la durée de l'interdiction. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision.

S'agissant de la prise en compte des critères :

27. Eu égard à la teneur de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, le moyen tiré de ce que les critères de l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'auraient pas été pris en compte doit être écarté.

S'agissant de la situation familiale et personnelle :

28. Eu égard à ce qui a été dit au point 8, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

S'agissant de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination invoquée par la voie de l'exception :

29. L'arrêté en cause vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation personnelle et familiale de M. A..., mais en mentionne les éléments pertinents. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté. Eu égard aux éléments figurant dans cet arrêté, M. A... n'est pas plus fondé à soutenir que l'arrêté serait entaché d'un défaut d'examen particulier et sérieux de sa situation.

30. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6, 8, 9, 12 et 16, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A..., de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée en fixant à trente jours le délai de départ volontaire dans le contexte sanitaire et aux risques encourus en cas de retour au Kosovo doivent être écartés.

31. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision contenue, dans cet arrêté du 22 octobre 2020, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... n'est pas en revanche pas fondé à soutenir par la voie de l'appel incident que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, celle l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours, et celle fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 22 octobre 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

32. Les conclusions présentées par le conseil de M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 11 mai 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire prononcé à son encontre est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. A... ainsi que celles présentées par son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Marie Verilhac.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

1

4

N°21DA01319

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01319
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-21;21da01319 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award