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21/10/2021 | FRANCE | N°20DA01751

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 octobre 2021, 20DA01751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Normandie a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 021 euros en réparation de ses préjudices, d'enjoindre audit recteur de mettre en œuvre la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administr

ative. M. A... a également demandé au même tribunal d'annuler, d'une part...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Normandie a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 021 euros en réparation de ses préjudices, d'enjoindre audit recteur de mettre en œuvre la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... a également demandé au même tribunal d'annuler, d'une part, la décision du 6 juin 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Normandie a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service, et, d'autre part, la décision implicite rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à l'Etat de reconnaître sa maladie imputable au service, de lui verser la rémunération correspondante et de reconstituer sa carrière ainsi que de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804486 et 1804717 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 6 juin 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Normandie a refusé de reconnaître la maladie de M. A... comme imputable au service, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, a enjoint à la rectrice de procéder au réexamen de la demande de M. A... tendant à faire reconnaître son état de santé comme imputable au service, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 2020 et 5 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Mazza, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Normandie a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 38 648 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Normandie de mettre en œuvre la protection fonctionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- l'arrêté du 5 octobre 2005 portant délégation de pouvoirs des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion de certains personnels stagiaires et titulaires relevant des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Une note en délibéré a été enregistrée le 19 octobre 2021 pour M. A... par Me Mazza.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., attaché d'administration, a été affecté en qualité d'adjoint gestionnaire au collège Louise Michel de Saint-Etienne-du-Rouvray à compter du 1er septembre 2012. Par une décision du 6 juin 2018, le recteur de l'académie de Normandie a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'il estime avoir subi le 17 mai 2017. Par une décision du 27 septembre 2018, il a également refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner l'Etat à réparer les préjudices que l'intéressé estime avoir subis du fait de l'absence de protection et du fait du harcèlement moral dont il serait victime. Par un jugement du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 6 juin 2018, enjoint à l'administration à réexaminer la demande d'imputabilité au service de son état de santé et rejeté le surplus des demandes de M. A.... Ce dernier en relève appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 27 septembre 2018, de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 38 648 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et d'injonction à ce que soit mise en œuvre la protection fonctionnelle sollicitée.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. " Aux termes de l'article R. 751-3 du même code: " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. [...] ".

3. Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application des règles définies à l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 24 août 2020 du tribunal administratif de Rouen a été notifié à M. A... par un courrier du greffe du 7 septembre 2020. Nonobstant l'absence d'accusé de réception au dossier de ce courrier, il est constant que la requête d'appel introduite devant la cour administrative d'appel de Douai le 9 novembre 2020 est intervenue dans le délai franc de recours contentieux de deux mois à compter du 7 septembre 2020 au regard des principes rappelés au point précédent, le 8 novembre 2020 étant un dimanche. Par suite, le recteur de l'académie de Normandie n'est pas fondé à soutenir que la requête est irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 24 juin 2020, M. A... a sollicité la communication des conclusions prononcées par le rapporteur public au cours de l'audience du 23 juin 2020 qui lui ont été transmises le 9 septembre suivant. Si, par un courrier du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Rouen a, eu égard à la situation sanitaire, rappelé le caractère essentiellement écrit de la procédure et mentionné que la présence à l'audience n'était pas obligatoire, cette circonstance n'imposait pas audit tribunal, contrairement à ce que soutient M. A..., de communiquer à ce dernier les conclusions du rapporteur public préalablement au délibéré, une telle communication ne constituant qu'une simple faculté. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire ainsi que les droits de la défense et le droit à un procès équitable prévus par les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement contesté que celui-ci est suffisamment motivé, en particulier concernant la réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse quand bien même les premiers juges se sont bornés à relever, au point 3, que la décision contestée comportait les considérations de fait et de droit qui la fondaient et était ainsi suffisamment motivée. Par suite et alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement contesté doit être écarté.

8. En troisième lieu, l'appelant soutient que le tribunal administratif de Rouen a omis de se prononcer sur sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la faute commise par l'administration quant à son obligation de protection de sa santé et de sa sécurité. Il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges y auraient répondu alors que ce moyen avait été soulevé dans ses écritures. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'irrégularité et doit, dans cette seule mesure, eu égard au caractère divisible de cette demande, être annulé.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur la demande concernant l'indemnisation sollicitée au titre de la faute commise par l'administration quant à son obligation de protection de sa santé et de sa sécurité, de se prononcer immédiatement sur cette demande, dans cette mesure, par la voie de l'évocation et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, pour le surplus des conclusions de la requête.

Sur la responsabilité de l'administration au titre de son obligation de prévention et de protection de la santé et de la sécurité :

10. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. " Aux termes de l'article L. 421-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. [...] " Aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. " Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Dans les administrations et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application [...] ".

11. Il résulte de l'instruction que, le 17 mai 2017, M. A... a eu, au sein du collège, une altercation avec un agent technique en charge du nettoyage des locaux, dont il a sollicité en vain la reconnaissance en accident de service, et qu'il a fait l'objet d'arrêts de travail à compter du 22 mai 2017. Toutefois, si l'appelant avait, au cours du mois d'avril 2017, informé le principal du collège ainsi que le recteur de l'académie de Normandie de difficultés liées au respect du protocole en matière de nettoyage des locaux par certains agents techniques, et en particulier du défaut d'utilisation de gazes imprégnées sur des supports dédiés pour les opérations de balayage, et qu'il avait informé le principal du collège, le 10 mai 2017, de ce que l'agent avec lequel il a eu une altercation le 17 mai suivant estimait que les chaussures de sécurité qui lui étaient fournies n'étaient pas adaptées, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de mesures spécifiques prises à ce sujet par l'administration, au 17 mai 2017, serait de nature à révéler une faute au regard de son obligation de protection de la sécurité et de la santé de M. A.... Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le principal du collège et le recteur de l'académie de Rouen auraient méconnu leurs obligations de sécurité et de protection de la santé d'un agent placé sous leur autorité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice sur ce fondement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 septembre 2018 :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 5 octobre 2005 portant délégation de pouvoirs des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion de certains personnels stagiaires et titulaires relevant des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports : " Les pouvoirs délégués aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion des membres du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat mentionnés au 3 de l'article 1er sont les suivants : [...] 12° Octroi de la protection prévue à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. " Aux termes de l'article D. 222-20 du code de l'éducation : " Le recteur d'académie est autorisé à déléguer sa signature au secrétaire général de l'académie et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à l'adjoint au secrétaire général d'académie et aux chefs de division du rectorat, dans la limite de leurs attributions. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 1er février 2018, le recteur de l'académie de Normandie a donné délégation de signature à M. Mostefa Fliou, secrétaire général de l'académie de Normandie, notamment " à l'effet de signer les décisions relatives à la protection fonctionnelle du fonctionnaire ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée du 27 septembre 2018 doit être écarté.

14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'enquête administrative et ses annexes datées du 30 mars 2018 n'ont été transmises à M. A... que les 25 octobre 2018 et 27 et 30 novembre 2018, soit postérieurement à la décision contestée. Toutefois, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration selon lesquelles les décisions individuelles prises en considération de la personne sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents et, comme pour celles de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, elles ne sont pas non plus applicables au cas où il est statué, comme en l'espèce, sur une demande de l'intéressé. Dans ces conditions, l'appelant ne saurait utilement invoquer le vice de procédure tiré du défaut de transmission de l'enquête administrative préalablement à l'édiction de la décision attaquée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

15. En troisième lieu, il ressort de la décision contestée que celle-ci mentionne les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et indique que les éléments recueillis au cours de l'enquête administrative réalisée au sein du collège n'établissaient aucun élément caractérisant un harcèlement moral et que les appréciations d'ordre professionnel exprimées par le supérieur hiérarchique de M. A... sur sa manière de servir étaient liées à des tensions interpersonnelles épisodiques entre collègues ou à un conflit né d'une différence d'approche sur des questions d'ordre professionnel. Dès lors, et quand bien même ce courrier n'aurait pas répondu aux arguments avancés par l'intéressé dans son courrier du 31 juillet 2018, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision en litige doit être écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". L'article 11 de la même loi, dans sa version alors applicable, dispose que : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. [...] La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".

17. D'une part, si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

18. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

19. Il ressort des pièces du dossier qu'à compter du mois de juin 2014, les relations entre M. A... et son supérieur hiérarchique, le principal du collège, se sont tendues à la suite de la décision du conseil d'administration de l'établissement d'organiser un voyage auquel l'appelant était hostile. Il ressort des pièces du dossier qu'en janvier 2015, plusieurs professeurs du collège se sont plaints de la remise en cause par M. A..., dont le fils était scolarisé dans cet établissement, de leur manière d'enseigner, sans que les critiques formulées par l'intéressé à l'endroit des professeurs concernés puissent être regardées comme faites dans un " souci de dialogue " contrairement à ce qu'il allègue. La circonstance que le principal du collège ait tenu informé le rectorat de l'académie de Normandie de cette situation, de nature à obérer le bon fonctionnement de l'établissement, ne saurait davantage être regardée comme un acte malveillant ou un défaut de loyauté à son égard contrairement à ce que soutient l'intéressé, ni comme un acte insusceptible de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, à compter du retour de l'intéressé au collège le 27 mai 2015, après plusieurs mois en arrêts maladie, des tensions interpersonnelles entre M. A... et les professeurs ainsi qu'entre celui-ci et sa hiérarchie se sont accrues. Si l'intéressé allègue avoir fait l'objet d'un isolement au titre de l'année 2015-2016, il n'apporte pas d'élément de nature à l'établir en se prévalant d'un organigramme des services du collège daté du mois de septembre 2017 où son nom n'apparaît pas dès lors qu'il faisait l'objet d'une mesure de suspension à titre conservatoire depuis le 1er septembre 2017, laquelle sera ultérieurement rapportée du fait de son placement en congé de maladie. En outre, si M. A... fait état d'un différend en avril 2017 avec des agents techniques concernant le non-respect du protocole de nettoyage des locaux ainsi que cela a été mentionné au point 11, cette circonstance ne saurait faire présumer l'existence d'un harcèlement. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que, malgré ce contexte, l'intéressé a pris l'initiative, sans en avertir sa hiérarchie, de procéder à la vérification de l'authenticité du motif de l'arrêt maladie du 5 au 15 mai 2017 d'un agent technique. Dans ces conditions, nonobstant ses arrêts maladie à compter du 22 mai 2017 et la plainte déposée le même jour contre le principal du collège, les éléments de fait soumis ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

20. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le recteur de l'académie de Normandie en estimant que les faits de harcèlement moral n'étaient pas avérés et en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle doit être écarté.

21. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit précédemment, que la décision en litige serait entachée de détournement de procédure et de pouvoir. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Normandie a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle en l'absence de harcèlement moral.

Sur les autres conclusions indemnitaires :

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision du 27 septembre 2018 et en l'absence de faits fautifs faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, M. A... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, notamment financier et moral.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'enquête administrative sollicitée, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Normandie a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle en l'absence de harcèlement moral ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de protection et du fait du harcèlement moral.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A..., au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 août 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices de M. A... résultant de la faute commise par l'administration quant à son obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen tendant à obtenir une indemnisation au titre de la faute commise par l'administration quant à son obligation en matière de protection de sa santé et de sa sécurité est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Normandie.

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N°20DA01751

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01751
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-21;20da01751 ?
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