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28/09/2021 | FRANCE | N°19DA02759

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 28 septembre 2021, 19DA02759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne de Droisy a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, les décisions implicites nées du silence gardé par le préfet de l'Eure sur ses demandes de permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Droisy, ensemble le courrier du 24 novembre 2016 portant communication du motif de ces refus, d'autre part, la décision du 30 mai 2018 par laquelle le préfet a mis fin à l'instruction de sa demande tendant à la délivrance d'une au

torisation d'exploiter ce parc éolien.

Par un jugement n°1700302, 1803044 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne de Droisy a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, les décisions implicites nées du silence gardé par le préfet de l'Eure sur ses demandes de permis de construire cinq éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Droisy, ensemble le courrier du 24 novembre 2016 portant communication du motif de ces refus, d'autre part, la décision du 30 mai 2018 par laquelle le préfet a mis fin à l'instruction de sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter ce parc éolien.

Par un jugement n°1700302, 1803044 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 24 novembre 2016 et 30 mai 2018 et a enjoint au préfet de l'Eure de délivrer les permis de construire et de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé les refus de permis de construire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Heinis, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Yaël Cambus, représentant, la société Ferme éolienne de Droisy.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Ferme éolienne de Droisy a présenté le 30 septembre 2015 six demandes de permis de construire un parc éolien composé de cinq éoliennes de 124,33 mètres de haut et un poste de livraison sur la commune de Droisy. Le préfet de l'Eure a opposé des refus implicites à ces demandes et, la société ayant sollicité la communication du motif de ces refus, les a confirmés par une décision explicite du 24 novembre 2016.

2. La société Ferme éolienne de Droisy a aussi déposé, le 12 octobre 2015, une demande d'autorisation d'exploiter ce même parc éolien. Par un courrier du 30 mai 2018, le préfet de l'Eure l'a informée que son dossier ne pouvait pas être instruit compte tenu de l'absence de présentation par la société d'une nouvelle mesure réductrice concernant l'impact sur un monument historique situé à proximité du site et qu'il se dessaisissait en conséquence de sa demande d'autorisation d'exploiter.

3. La société Ferme éolienne de Droisy a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, les décisions de refus implicites opposées à ses demandes de permis de construire, ensemble la décision explicite du 24 novembre 2016, d'autre part, la décision du 30 mai 2018 mettant fin à l'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter. Par un jugement du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions des 24 novembre 2016 et 30 mai 2018 et enjoint au préfet de délivrer les permis de construire et de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter.

4. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé les refus de permis de construire.

Sur la régularité du jugement :

5. Le point 11 du jugement a relevé que la zone d'implantation du projet est une vaste plaine céréalière dont les enjeux en matière de paysage sont faibles avec des champs ouverts liés à l'agriculture intensive et un réseau de haies boisées et de bosquets en " timbre-poste ", que le projet se situe à deux kilomètres au nord de la vallée de l'Avre décrite comme " un paysage à préserver " et comportant des paysages qualifiés de pittoresques, que cette vallée revêt un caractère majeur dans la perception du paysage local et que la rive sud de l'Avre peut être propice à des continuités visuelles avec la plaine de Saint-André. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du jugement sur la qualité du paysage doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du 24 novembre 2016 :

6. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

7. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, à un site ou un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

En ce qui concerne la qualité du site d'implantation :

8. Le projet prend place au sud-est du département de l'Eure dans la plaine de Saint-André délimitée, à deux kilomètres au sud du parc projeté, par la vallée de l'Avre qui présente un paysage pittoresque. Cette plaine offre des vues ouvertes sur de grandes étendues agricoles presque sans relief avec un maillage de boisements épars. Par ailleurs sept monuments et sites inscrits ou classés se trouvent dans un rayon de cinq kilomètres autour du projet et dix-sept dans un rayon de dix kilomètres.

En ce qui concerne l'impact du projet :

9. Il ressort des pièces du dossier que si le parc projeté sera visible depuis la tour de la Madeleine de l'Eglise de Verneuil-sur-Avre, il se situe à douze kilomètres de ce monument historique classé et un autre parc éolien construit est déjà visible depuis ce point.

10. Il ressort des photomontages produits par la société pétitionnaire dans l'étude d'impact que le parc projeté ne sera pas visible depuis la cour d'honneur du château d'Hellenvilliers et l'allée qui y mène. Si une covisibilité pourra être observée entre ce monument historique inscrit et le projet distant de 2,7 kilomètres, elle n'existera qu'à partir d'un chemin de grande randonnée et non depuis la route qui conduit au château.

11. Si les photomontages de l'étude d'impact mettent en évidence une covisibilité entre le grand logis du château de Tillières-sur-Avre et l'une des machines du parc projeté perceptible sur une distance de 40 mètres linéaires environ à partir d'une route menant au village, le projet et le monument historique inscrit sont distants de 3,8 kilomètres et seules les pales de la machine seront visibles.

12. Il ne résulte d'aucune pièce versée au dossier qu'il existerait un point de covisibilité entre le parc projeté et le vieux château de Montuel à Montigny-sur-Avre monument historique protégé distant de 9,25 kilomètres et entouré de végétation.

13. Si une covisibilité entre le projet et le château de Montigny-sur-Avre, monument historique classé situé à 9,7 kilomètres, sera observable à partir d'une route y menant, cette covisibilité sera limitée, seules les toitures du château qui se trouve en contrebas étant visibles en même temps que les pales des machines situées en arrière-plan.

14. Enfin, s'agissant de l'ensemble formé par le village de Dampierre-sur-Avre et le confluent de l'Avre et de la Meuvette, inscrit sur la liste des monuments historiques et se situant à 4,5 kilomètres du projet, s'il existe une covisibilité entre quelques maisons à l'entrée du village et le parc projeté, celui-ci restera lointain, les éoliennes seront en arrière-plan et seuls les rotors et les pales des machines émergeront des boisements.

15. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte aux site et monuments invoquée par l'administration n'est pas démontrée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 24 novembre 2016.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à la société Ferme éolienne de Droisy au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Ferme éolienne de Droisy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Ferme éolienne de Droisy.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

N° 19DA02759

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02759
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-28;19da02759 ?
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