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05/08/2021 | FRANCE | N°21DA00400

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 05 août 2021, 21DA00400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler sa carte de séjour mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter du jugement à

intervenir, ou de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler sa carte de séjour mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, ou de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de huit jours à compter du jugement à intervenir dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte journalière de 100 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003971 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler la carte de séjour mention " vie privée et familiale " détenue par M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, a enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de carte de séjour de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 19 février 2021, sous le n° 2100400, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

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II. Par une requête, enregistrée le 19 février 2021, sous le n° 2100401, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen le 12 janvier 2021 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, né en 1997 et entré en France le 10 septembre 2014 selon ses déclarations, a été autorisé à séjourner à compter du 3 août 2017 sous couvert d'une carte mention " vie privée et familiale " délivrée en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 août 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler cette carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et sollicite également qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête n° 21DA00400 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour, le préfet a relevé, en se fondant sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 11 juin 2020, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ayant décidé de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, M. A... produit un certificat médical du 23 janvier 2020 du docteur C..., qui le suit depuis juin 2016 dans le service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier universitaire de Rouen, mentionnant qu'il souffre d'une bilharziose urinaire persistante et que des bilans gastroentérologiques et urologiques complémentaires sont nécessaires. Il produit également un certificat médical du 21 octobre 2020, bien que postérieur à la date de l'arrêté contesté mais révélant son état de santé à cette date, dans lequel ce même docteur a constaté, " biologiquement, la persistance d'une hyperéosinophilie sanguine et d'une sérologie de bilharziose positive révélant un niveau d'IgG spécifiques qui demeure élevé et, cliniquement, une symptomatologie vésicale handicapante " et indiqué que " le risque de détérioration d'une fonction vitale (fonction rénale) et le risque associé de développement d'un cancer de la vessie font l'extrême gravité de la pathologie de M. A... ". Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Maritime avait entaché l'arrêté contesté d'une erreur d'appréciation en estimant que le défaut de prise en charge médicale de M. A... ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, au motif de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté du 18 août 2020 refusant à M. A... le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leprince, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leprince de la somme de 1 000 euros.

Sur la requête n° 21DA00401 :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 21DA00401 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 21DA00400 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Leprince une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21DA00401 tendant au sursis à l'exécution du jugement.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... et à Me Leprince.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°21DA00400, 21DA00401

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00400
Date de la décision : 05/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-08-05;21da00400 ?
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