Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février 2020 et 28 février 2021, l'association SOS de nos campagnes 80, représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Somme du 2 août 2019 portant autorisation environnementale accordée à la société par actions simplifiée (SAS) Eoliennes de Riencourt pour un parc éolien de six aérogénérateurs et deux postes de livraison situé sur le territoire de la commune de Riencourt, ensemble la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes de Riencourt le versement par chacun d'eux de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, ratifiée par l'article 56 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me B... C..., représentant l'association SOS de nos Campagnes 80, et de Me A... D..., représentant la société Eoliennes de Riencourt.
Deux notes en délibéré présentées par l'association SOS de Nos Campagnes 80 ont été enregistrées les 3 et 5 juillet 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée le 27 avril 2017, après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ultérieurement ratifiée par l'article 56 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, la société Eoliennes de Riencourt a sollicité l'autorisation de réaliser et exploiter un parc éolien de dix aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Riencourt. Au cours de l'instruction, la pétitionnaire a renoncé à quatre des éoliennes envisagées initialement. La préfète de la Somme a délivré à la société une autorisation environnementale portant sur les six éoliennes restantes et les deux postes de livraison par un arrêté du 2 août 2019 dont l'association SOS de nos campagnes 80 demande l'annulation.
2. Il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation environnementale d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
Sur la légalité externe de l'arrêté :
En ce qui concerne le dossier de demande :
3. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux de l'autorisation environnementale peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
4. Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 2° Les procédés de fabrication que le pétitionnaire mettra en œuvre, les matières qu'il utilisera, les produits qu'il fabriquera, de manière à apprécier les dangers ou les inconvénients de l'installation ; 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ; (...) 8° Pour les installations mentionnées à l'article R. 516-1 ou à l'article R. 515-101, le montant des garanties financières exigées à l'article L. 516-1 ; (...) 11° Pour les installations à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le pétitionnaire, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation ; (...) ; 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ; (...) ".
S'agissant de la présentation des procédés de fabrication :
5. Le chapitre 3.3. " Présentation globale du projet " du volume 3 " Description de la demande " de la demande d'autorisation a indiqué que " Le mât des éoliennes sera en acier de couleur blanche. Les pales des éoliennes seront en fibre composite, et de couleur blanche. La fondation sera composée de béton ferraillé. Les postes électriques de livraison seront en béton, de couleur marron pour la toiture et vert pour la base de la structure de façon à s'intégrer avec l'environnement local des plaines agricoles. ".
6. Par suite et alors que le 2° du I de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement ne vise que les procédés utilisés pour l'exploitation de l'activité autorisée et non la fabrication des matériels hors du site concerné par l'autorisation, le moyen tiré de la violation de cette disposition doit être écarté.
S'agissant de la présentation des capacités financières et techniques :
7. La demande a précisé qu'elle était déposée par la société Eoliennes de Riencourt, filiale à 100 % de la société VSB Energies nouvelles qui l'a créée et présentée comme une simple société d'exploitation du projet. Ces indications ont permis au public de comprendre que les capacités financières et techniques de la société Eoliennes de Riencourt devaient être appréciées à l'aune de celles de la société-mère. Ces capacités techniques et financières ont été décrites dans le chapitre 3.4.2 de la demande.
8. Pour les capacités techniques, la demande s'est référée aux moyens de la société mère et à son expérience acquise au regard des 148 éoliennes déjà installées par cette dernière et des 22 parcs éoliens dont elle assure le suivi d'exploitation et la gestion technique. Elle a énoncé de manière suffisamment précise les moyens tant humains que techniques qui seront mis en œuvre pour l'exploitation du parc éolien de Riencourt. Le moyen tiré de l'insuffisance des informations relatives aux capacités techniques manque donc en fait.
9. Pour les capacités financières, la demande a indiqué que le parc représentait un investissement total de 33,95 millions d'euros, financé à hauteur de 78,79 % par un emprunt bancaire et à hauteur de 21,21 %, soit 7,2 millions d'euros, par un apport en fonds propres, et que par une lettre du 16 décembre 2016, incluse au dossier de demande, la société VSB Energies Nouvelles, disposant de 28,5 millions d'euros de fonds propres en septembre 2016, s'était engagée à financer elle-même l'intégralité du projet en l'absence d'emprunt.
10. Enfin, par une lettre du 21 septembre 2020, la société VSB Energies nouvelles, dont l'expert-comptable a attesté que les fonds propres s'établissaient à plus de 34,2 millions d'euros en septembre 2019, s'est à nouveau engagée à financer intégralement le projet en fonds propres au cas où l'emprunt bancaire prévu au business plan du projet ne serait pas obtenu. Si ces éléments n'ont pas été soumis à l'enquête publique, ils confortent les informations portées à la connaissance du public dans le dossier de demande.
11. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le dossier de demande ne répondrait pas aux exigences du 3° du I de l'article D. 181-15-2 doit être écarté.
S'agissant de la suffisance des garanties financières :
12. En se bornant à faire valoir, sur le seul fondement de l'article R. 181-13 du code de l'environnement relatif aux éléments communs de la demande d'autorisation et sans aucune référence au dossier de demande, que les garanties financières ne seront pas assurées dès lors que la société VSB Energies nouvelles ne se serait engagée à les constituer que durant la période où elle restera actionnaire de la société Eoliennes de Riencourt, la requérante n'a pas assorti son moyen des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
13. En tout état de cause, comme l'exige le 8° de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, le chapitre 3.4.3 " Durée de vie et démantèlement " de la demande a indiqué le montant des garanties financières que l'article L. 516-1 du même code prévoit pour assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients de chaque catégorie d'installations, la surveillance du site, le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture du site et la remise en état du site après fermeture, a évalué ce montant " à 500 000 euros (50 000 euros x 10 éoliennes) " et a relevé que, conformément à une lettre d'engagement du 16 décembre 2016, cette garantie sera constituée auprès d'une banque et réactualisée comme prévu à l'arrêté du 26 août 2011.
14. Dans ces conditions, à le supposer soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance du 8° du I de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement doit être écarté.
S'agissant des avis du maire de Riencourt et des propriétaires :
15. Si l'avis du maire de Riencourt et des propriétaires concernés sur la remise en état du site a été recueilli non par la société pétitionnaire mais par sa société mère, la société VSB Energies nouvelles, l'avis prévu au 11° de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, qui porte sur l'état dans lequel le site devra être remis lors de l'arrêt définitif de l'installation, est en rapport direct avec le projet lui-même et non avec le bénéficiaire de l'autorisation.
16. En tout état de cause, il résulte des avis de propriétaires versés au dossier de demande que ces derniers les ont émis au profit de la société VSB Energies nouvelles " ou tout autre tiers auquel elle aurait cédé ses droits ".
17. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les avis en cause ne pouvaient pas être donnés à la seule société VSB Energies nouvelles doit être écarté.
S'agissant de la conformité du projet au règlement national d'urbanisme :
18. Le chapitre 6.1.1.3 " Urbanisme " de l'étude d'impact figurant au dossier de demande et une attestation du maire de Riencourt du 19 avril 2017 annexée à la demande ont indiqué que le règlement national d'urbanisme s'appliquait sur le territoire de la commune de Riencourt non dotée d'un document d'urbanisme et que le projet était conforme au règlement national d'urbanisme qui autorise la construction d'équipements collectifs en dehors des parties urbanisées des communes.
19. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence au dossier de demande du document relatif à la conformité du projet à la réglementation d'urbanisme applicable exigé par le a) du 12° du I de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement doit être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
20. L'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable, dispose que le contenu de l'étude d'impact " est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine " et précise les éléments que cette étude doit comporter.
21. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant du volet paysager et de l'impact visuel :
22. D'une part, si l'association requérante fait valoir que les photomontages produits ont été réalisés avec une focale de 42 mm différente de celle de 50 mm préconisée par le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres, les recommandations de ce guide ne présentent aucun caractère contraignant.
23. Dans son avis de novembre 2018, la mission régionale d'autorité environnementale n'a pas fait d'observation sur la focale utilisée pour la réalisation des 54 points de vue, dont elle a relevé qu'ils avaient été choisis depuis les lieux de vie exposés, vis-à-vis des paysages sensibles, depuis les axes de découverte les plus fréquentés et offrant le plus de vue vers le site, vis-à-vis des édifices et sites inscrits ou classés et vis-à-vis des parcs éoliens environnants.
24. Il ne résulte pas de ces photomontages, même s'ils n'ont pas été effectués en hiver, qu'ils ne rendraient pas correctement compte de l'impact visuel du projet sur son environnement.
25. D'autre part, dans le but, exposé dans la note relative au carnet de photomontages, d'apporter le maximum d'éléments susceptibles de faciliter la lecture des impacts visuels, la société pétitionnaire a étudié chaque point de vue au travers de quatre photomontages.
26. Dans certains de ces photomontages, la société pétitionnaire a fait figurer non seulement les parcs actuellement construits et le projet lui-même mais aussi les parcs autorisés et les parcs en instruction. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, cette circonstance n'empêchait nullement le lecteur, à l'aide de l'ensemble des photomontages produits pour chaque point de vue, d'appréhender l'état actuel et initial du site qui a aussi fait l'objet de développements à partir de la page 17 du document " Expertise paysagère, patrimoniale et touristique " de l'étude d'impact.
27. Comme il vient d'être dit, l'impact cumulé du parc avec les parcs existants ou en projet a été représenté dans les photomontages et, s'agissant des effets d'encerclement et de saturation visuelle, analysé plus précisément pour six communes dans l'expertise paysagère susmentionnée.
S'agissant du volet écologique relatif à la biodiversité :
28. Selon l'association requérante, l'étude d'impact comporterait des lacunes graves relativement à l'œdicnème criard et aux chiroptères.
29. S'agissant de l'œdicnème criard, si l'association requérante fait valoir que, contrairement à ce que préconise l'association Picardie Nature, aucun des relevés de terrain relatifs aux oiseaux n'a été réalisé au crépuscule, il ne résulte pas des pièces du dossier que cette absence ait faussé de manière importante les observations recueillies lors des 14 prospections de terrain effectuées d'avril 2015 à février 2016, qui ont été complétées par les nombreuses données disponibles sur cette espèce issues de la base de données de l'association Picardie Nature.
30. Il résulte par ailleurs des pièces du dossier que, contrairement à ce que prétend l'association requérante, le volet écologique de l'étude d'impact comporte une partie 5.3.2. relative aux effets cumulés du projet sur l'avifaune.
31. S'agissant des chiroptères, il résulte du paragraphe 1.2.5.3. de l'étude écologique que celle-ci a été établie sur la base d'enregistrements automatiques, réalisés en canopée du bois de Riencourt et sur un mât de mesure à 75 mètres de hauteur, et de relevés effectués par douze points d'écoute répartis de manière à inventorier l'ensemble des milieux en présence dans le secteur d'étude. Il ne résulte pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient l'association requérante, que ces inventaires n'aient pas permis d'inventorier l'ensemble des espèces fréquentant le secteur ou que l'étude d'impact ait grossièrement sous-évalué leurs enjeux de protection, qu'elle a qualifiés de très forts à faibles suivant les habitats concernés.
32. Si l'association a cité deux études, datant de 2016 et 2018, qui établiraient que les études réalisées en amont de l'implantation d'un parc éolien sous-estiment les impacts réels ultérieurs du parc sur les chiroptères, elle n'a appuyé cette allégation d'ordre général d'aucun élément qui, en l'espèce, établirait que l'étude écologique, réalisée par un cabinet spécialisé, s'écarterait notablement des règles de l'art.
S'agissant de l'utilisation des ressources naturelles :
33. Si l'association requérante se prévaut de la brochure " Impacts environnementaux de l'éolien français " de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), ce document comporte de simples recommandations et il ne résulte ni de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ni d'aucune autre disposition que l'étude d'impact devait comprendre une analyse des matières premières utilisées pour la fabrication des éoliennes.
34. En tout état de cause, le dossier de demande comportait des informations sur le cycle de vie d'une éolienne, la quantité d'énergie consommée avant sa mise en service et les modalités de réutilisation des matériaux qui la composent.
35. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact doivent être écartés.
Sur la légalité interne de l'arrêté :
En ce qui concerne les articles L. 511-1 du code de l'environnement et R.111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme :
36. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement: " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".
37. L'article L. 511-1 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
38. L'article R. 111-26 du code de l'urbanisme dispose : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. "
39. L'article R. 111-27 du même code dispose : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
S'agissant des atteintes paysagères et patrimoniales :
40. Il résulte des dispositions précitées que, pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
41. Le projet autorisé consiste à édifier six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Riencourt dans l'Amiénois. Il prend place à l'ouest de la rivière de Saint-Landon, affluent de la Somme, sur un plateau calcaire présentant une structure d'openfield propice aux grandes cultures, parcouru d'ondulations et ponctué par des villages et des bois, les fonds de vallées présentant une alternance de prairies, d'étangs et de peupleraies, cependant que les talus sont occupés par des haies, des bois, des pâtures et des vergers, une telle configuration des lieux créant de nombreux effets masquants.
42. Les édifices protégés au titre des monuments historiques les plus proches sont l'église de Riencourt et le domaine du château à Oissy, dont les périmètres de protection de 500 mètres chevauchent le périmètre rapproché de 600 mètres autour du secteur d'étude du projet. Huit monuments, inscrits ou classés, se trouvent dans un périmètre de 6 kilomètres autour du secteur d'étude.
43. S'agissant du patrimoine historique et monumental, et alors que la mission régionale d'autorité environnementale n'a émis aucune remarque à ce titre, l'association requérante n'a fait état d'aucune atteinte particulière.
44. S'agissant des paysages, l'association requérante fait valoir qu'on recenserait, dans un rayon de 22 kilomètres autour de Riencourt, 221 éoliennes réparties en 32 parcs éoliens construits ou autorisés, dont le parc en litige qui contribuerait à un effet de saturation visuelle et d'encerclement.
45. Toutefois, si l'autorité environnementale a relevé que le parc en litige, situé au sud-est d'un groupement de parcs éoliens très denses, s'ajoutera aux parcs déjà construits ou autorisés à proximité, elle a indiqué n'avoir pas d'observation à formuler dans un contexte de grande présence de l'éolien.
46. Pour sa part, l'association requérante s'est bornée à des remarques d'ordre général sans indiquer en quoi, selon elle, les effets de saturation et d'encerclement qu'elle déplore, en reprenant des critiques faites par l'administration sur d'autres projets que celui en litige et portant sur une " perte de lisibilité de l'organisation de l'éolien sur le territoire ", des " phénomènes de surplomb ", des " effets de concurrence de points d'appel par rapport au bâtiment bâti " ou une " domination excessive ", seraient causés ou aggravés de manière excessive par les six éoliennes autorisées par l'arrêté en litige.
47. Dans ces conditions, alors que l'étude paysagère approfondie menée en l'espèce a pris en compte le risque de saturation visuelle et d'encerclement, notamment en l'analysant pour les six villages les plus proches du projet, et alors que le risque invoqué s'est amoindri en raison de l'abandon par la pétitionnaire de quatre des dix éoliennes qui avaient fait l'objet de l'étude d'impact, l'association requérante n'établit pas l'existence d'une atteinte au paysage, ni par suite la méconnaissance des dispositions précitées des codes de l'environnement et de l'urbanisme.
S'agissant des nuisances sonores :
48. Si l'association requérante soutient que les nuisances sonores générées par les parcs éoliens préexistants causent des troubles dépassant déjà largement les inconvénients normaux de voisinage et portant gravement atteinte, en générant notamment de l'insomnie, de l'anxiété et de la fatigue, à la santé des habitants de la commune de Riencourt, ces allégations n'ont pas été étayées.
49. Par suite, l'association requérante, laquelle ne fait état d'aucune erreur dans le volet acoustique de l'étude d'impact qui a prévu un plan de bridage repris par l'arrêté en litige, n'établit pas l'existence d'une atteinte sonore excessive due au parc en litige.
S'agissant des atteintes à la biodiversité animale :
Quant aux chiroptères :
50. L'étude chiroptérologique a révélé une forte diversité d'espèces sur le secteur, le nombre d'espèces recensées selon les périodes de l'année variant d'au moins neuf à treize, parmi lesquelles la pipistrelle de Nathusius, la noctule commune et la noctule de Leisler. Ces espèces fréquentent essentiellement les milieux boisés, notamment le bois de Riencourt et le boisement de la vallée des Vaux. Les enjeux liés aux chiroptères ont été qualifiés de faibles pour les parcelles cultivées, modérés pour les couloirs de déplacement identifiés, forts pour les boisements qui concentrent l'activité et la diversité chiroptérologique et enfin très forts pour le bois de Riencourt, accueillant probablement des gîtes.
51. Cependant, depuis la suppression par la pétitionnaire de quatre des dix éoliennes initialement prévues au projet, les six éoliennes autorisées se situent à plus de 200 mètres des zones à enjeu fort. De plus, l'arrêté en litige, en son article 2.3.3., a prévu un plan de bridage de l'ensemble des éoliennes tenant compte des chiroptères et a imposé un inventaire en continu au niveau de la nacelle de l'éolienne E6, couplé à un suivi de la mortalité au sol à raison d'une visite par semaine de mai à octobre.
52. En se bornant à faire état de la proximité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique de type 1, alors que les zones de ce type présentes dans le secteur se trouvent à près de 3 kilomètres du lieu d'implantation du projet, et du fait que la population des chiroptères aurait été divisée de moitié ou presque sur dix ans au niveau national, l'association requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'implantation autorisée du projet, assortie des prescriptions susmentionnées, comporterait un impact avéré pour les chauves-souris.
Quant à l'avifaune :
53. L'étude avifaunistique a recensé, sur l'ensemble de la période d'étude qui a couvert les quatre grandes périodes biologiques de l'année, 80 espèces dont 27 présentant un intérêt patrimonial plus ou moins fort. Elle a qualifié les enjeux avifaunistiques de faibles pour la plaine agricole sauf les zones favorables à l'oedicnème criard, de modérés pour les haies isolées et dans un périmètre de 200 mètres autour des boisements et de forts pour les secteurs boisés, bocagers et la zone de nidification de l'oedicnème criard.
54. Alors que toutes les éoliennes avaient été initialement placées à plus de 200 mètres des boisements et 150 mètres des haies, la suppression des éoliennes E1 à E4 a encore amoindri le risque d'atteinte pour l'avifaune et les éoliennes autorisées se trouvent à distance des zones à enjeux fort.
55. Pour diminuer l'impact résiduel du projet sur l'avifaune, des mesures ont été prévues par la pétitionnaire et reprises dans l'arrêté en litige. Elles consistent, d'une part, notamment pour l'oedicnème criard et les busards, en la mise en place d'une jachère de type faune sauvage sur deux hectares, dont, pour satisfaire les recommandations de l'autorité environnementale, la pétitionnaire a précisé rapidement la localisation par la conclusion de conventions, d'autre part, en un calendrier des travaux de terrassement évitant la période allant du 31 mars au 31 juillet pour éviter de perturber les nidifications, enfin, en des mesures de suivi.
56. En se bornant à faire état des travaux effectués par l'association Picardie Nature " pour tenter d'enrayer le déclin en Europe et en Picardie de l'oedicnème criard en proposant à l'Etat des actions de préservation " et en affirmant, sans autre précision, que " la pétitionnaire n'a nullement cherché à éviter l'impact de son projet sur les espèces vulnérables concernées ni même à compenser la mortalité que les éoliennes ne manqueront pas de causer ", l'association requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'implantation autorisée du projet de parc, assortie des prescriptions susanalysées, comporterait un impact avéré pour l'avifaune, notamment pour les deux espèces qu'elle évoque, l'oedicnème criard et le busard Saint Martin.
57. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-26 du code de l'urbanisme et L. 511-1 du code de l'environnement doivent être écartés.
En ce qui concerne l'article L. 411-1 du code de l'environnement :
58. Aux termes de cette disposition : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ".
59. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit s'agissant des enjeux du site et des prescriptions dont l'autorisation a été assortie, que la réalisation du projet remettrait en cause l'état de conservation ou l'habitat de l'oedicnème criard ou d'une autre espèce protégée. Dès lors, le moyen tiré de la violation de la disposition précitée doit être écarté.
60. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de recevoir opposées en défense, que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Somme ayant autorisé la société Eoliennes de Riencourt à exploiter six éoliennes et deux postes de livraison sur la commune de Riencourt.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
61. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes de Riencourt, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que l'association requérante réclame au titre des frais liés au litige.
62. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'association SOS de nos campagne 80 une somme de 1 500 euros à verser à la société Eoliennes de Riencourt au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par l'association SOS de nos campagne 80 est rejetée.
Article 2 : L'association SOS de nos campagne 80 versera une somme de 1 500 euros à la société Eoliennes de Riencourt au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association SOS de nos campagne 80, à la société Eoliennes de Riencourt et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.
N°20DA00197 11