Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser les sommes de 48 183,91 euros au titre des indemnités horaires pour travaux supplémentaires pour les années 2012 à 2014 et de 3 000 euros au titre des préjudices personnels et des troubles dans les conditions d'existence que lui ont causé les irrégularités dans ses conditions d'emploi ainsi que de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1701392 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à verser à M. A... une somme de 2 000 euros au titre des troubles subis par celui-ci dans ses conditions d'existence du fait d'heures effectuées au-delà de la durée maximale du travail ainsi qu'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 novembre 2019, 12 février 2021 et 19 mars 2021, M. A..., représenté par Me Duffaud, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;
2°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 48 183,91 euros au titre des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, ou à défaut à titre d'indemnité représentative de ces indemnités horaires pour travaux supplémentaires, pour les années 2012 à 2014 ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des préjudices personnels et des troubles dans les conditions d'existence que lui ont causé les irrégularités dans ses conditions d'emploi, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable par ledit service ainsi que de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
- le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Malet pour le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.
Une note en délibéré présentée par Me Duffaud pour M. A... a été enregistrée le 12 juillet 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., sapeur-pompier titulaire au sein du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, en poste depuis le 1er novembre 2001 et titulaire d'un logement concédé par nécessité absolue de service, a sollicité dudit service, par un courrier du 19 décembre 2016, le paiement d'indemnités horaires pour travaux supplémentaires au titre d'heures effectuées au-delà du plafond annuel de 1 607 heures pour les années 2012 à 2014 ainsi que l'indemnisation des troubles subis dans ses conditions d'existence. Par un courrier du 27 février 2017, notifié le 10 mars 2017, le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à verser à M. A... une somme de 2 000 euros au titre des troubles subis par celui-ci dans ses conditions d'existence du fait du dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire de 2 256 heures au cours de l'année 2012. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande de condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme totale de 51 183 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, destinés à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il résulte de l'instruction que, si M. A... a produit un mémoire qui a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 22 août 2019 et n'a pas été communiqué au service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, cette absence de communication n'a pas préjudicié aux droits de l'intéressé au regard du caractère contradictoire de la procédure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative doit être écarté.
4. En second lieu, si M. A... soutient que le tribunal administratif de Rouen a omis de répondre au moyen tiré de ce que la durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures prévue par la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail devait être appréciée sur sept jours glissants, il ne ressort pas des écritures de première instance qu'un tel moyen aurait été soulevé. Par ailleurs, si l'appelant soutient que le jugement en litige ne se prononce pas sur la période de référence à retenir pour apprécier le respect de ce seuil de quarante-huit heures, il ressort de son point 11 qu'il y a bien répondu en relevant que celle-ci aurait dû être semestrielle et non annuelle.
5. En outre, il résulte du point 11 du jugement attaqué que les premiers juges ont retenu que le règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime méconnaissait les stipulations de l'article 6, concernant la durée maximale hebdomadaire de travail, de la directive précitée du 4 novembre 2003 et que la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime pouvait être engagée à ce titre. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Rouen a pu valablement ne pas se prononcer sur l'argument tiré de ce que le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime ne pouvait mettre en place un régime d'équivalence dès lors que les gardes de vingt-quatre heures ne comportaient pas de période de repos au sens de ladite directive puisque cet argument, qui se rattache au même fait générateur, s'il avait été fondé, n'aurait pas conduit à l'indemnisation d'un préjudice plus important pour M. A... s'agissant des troubles subis dans les conditions d'existence. Enfin, ce moyen est inopérant à l'encontre des conclusions à fin de paiement des heures supplémentaires dès lors que le droit national peut toujours appliquer un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations et aux heures supplémentaires ainsi que de celles concernant les durées maximales de travail fixées par le droit national et qu'en particulier, les dispositions du droit de l'Union européenne n'empêchent pas, pour l'établissement de la rémunération des sapeurs-pompiers pendant les gardes de vingt-quatre heures, de fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comportent ces périodes de garde, qui ne constituent pas au demeurant des périodes de repos au sens de la directive précitée du 4 novembre 2003. Par suite, les moyens tirés de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement en litige doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence :
S'agissant de la faute portant sur la durée maximale hebdomadaire de travail :
6. Aux termes de l'article 6 " durée maximale hebdomadaire de travail " de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : [...] b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. " Aux termes de l'article 7 " congé annuel " de la même directive : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. [...] " Aux termes de l'article 16 " périodes de référence " de cette directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne (...) ".
7. Si les dispositions de la directive 2003/88/CE citées au point précédent n'empêchent pas, pour l'établissement de la rémunération des sapeurs-pompiers pendant leurs gardes, de fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction, le dépassement de la durée maximale de travail qu'elles prévoient porte atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés en ce qu'il les prive du repos auquel ils ont droit et leur cause, de ce seul fait, un préjudice, indépendamment de leurs conditions de rémunération ou d'hébergement.
Concernant la période allant du 1er janvier 2012 au 8 juillet 2014 :
8. Aux termes de l'article 3301-1 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant des délibérations du 11 juin 2010 et du 14 juin 2012 : " Le temps de travail est fixé à 97 gardes de 24 heures par an [...] ". Aux termes de l'article 3307-1 du même règlement intérieur, applicable à la situation de M. A... : " Les sapeurs-pompiers professionnels placés dans ce cycle de travail et logés, sur leur demande, par nécessité absolue de service doivent, en compensation, assurer l'équivalent de 20 gardes supplémentaires par an réparties comme suit : 3 gardes supplémentaires de 24 heures [...], 20 astreintes de 24 heures par an dont 12 transformées en garde et 10 périodes de travail de 8 heures ". La durée du temps de travail est donc fixée à 2 768 heures par an pour un agent comme M. A... qui est logé par nécessité absolue de service.
9. Il résulte des dispositions précitées de l'article 6 de la directive du 4 novembre 2003 que la durée maximale de travail est fixée, de manière hebdomadaire, à quarante-huit heures par semaine, y compris les heures supplémentaires, soit, en retenant sept semaines de congés eu égard à l'exonération de douze gardes de vingt-quatre heures par an prévu par l'article 3303-1 dudit règlement intérieur, un total de 2 160 heures par an. Dans ces conditions, les délibérations du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime des 11 juin 2010 et 14 juin 2012 méconnaissent les dispositions du droit de l'Union européenne, concernant la durée maximale du travail, dont le délai de transposition a expiré et qui sont précises et inconditionnelles, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges.
Concernant la période allant du 9 juillet 2014 au 31 décembre 2014 :
10. Aux termes de l'annexe 7 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant de la délibération du 9 juillet 2014, les sapeurs-pompiers professionnels en équipe de garde soumis au régime dit " mixte ", associant des gardes de vingt-quatre heures et de douze heures ainsi que le prévoit l'article 4200-1, recrutés avant le 1er octobre 2013, ont un régime annuel de base composé de quatre-vingt-trois gardes de vingt-quatre heures et de quatorze gardes de douze heures. L'article 4200-2 du même règlement prévoit que la période de référence pour le décompte du temps de travail est le semestre. En outre, l'article 4200-15 du même règlement prévoit, s'agissant des agents en régime de garde logés par nécessité de service comme M. A..., que ceux-ci doivent assurer, en compensation, vingt gardes supplémentaires de douze heures par an.
11. Il résulte de ces dispositions que la durée du temps de travail est fixée à 1 200 heures par semestre, soit 2 400 heures par an, pour un agent comme M. A... qui est logé par nécessité absolue de service. Dans ces conditions et au regard de la durée maximale du travail prévue par les dispositions précitées de la directive du 4 novembre 2003 qui est de 1 080 heures par semestre, soit 2 160 heures par an, ainsi qu'il a été dit au point 9, la délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime du 9 juillet 2014 méconnaît ces dispositions du droit de l'Union européenne.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres arguments soulevés à l'encontre des délibérations concernées et tirés de la méconnaissance des dispositions de la directive du 4 novembre 2003 concernant l'absence de justification par des circonstances exceptionnelles de la période de référence de six mois retenue pour l'appréciation de la durée maximale du travail, le calcul du seuil de quarante-huit heures sur une période de sept jours glissants et non de manière hebdomadaire ainsi que l'absence de mécanisme prévu pour les périodes à cheval sur deux périodes successives, qui se rattachent au même fait générateur relatif à la méconnaissance des stipulations de cette directive portant sur la durée maximale hebdomadaire de travail et alors que M. A... n'est pas fondé à contester les motifs retenus par le jugement attaqué en tant qu'il lui a donné satisfaction, que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'illégalité desdites délibérations était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.
S'agissant des autres fautes invoquées :
13. Aux termes de l'article 3 " repos journalier " de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives. " Aux termes de l'article 4 " temps de pause " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale. " Aux termes de l'article 5 " repos hebdomadaire " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3. / Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue. " Aux termes de l'article 8 " durée du travail de nuit " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que: a) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures; b) les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit. " Aux termes de l'article 13 " rythme de travail " de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que l'employeur qui envisage d'organiser le travail selon un certain rythme tienne compte du principe général de l'adaptation du travail à l'homme, notamment en vue d'atténuer le travail monotone et le travail cadencé en fonction du type d'activité et des exigences en matière de sécurité et de santé, particulièrement en ce qui concerne les pauses pendant le temps de travail. " Aux termes de l'article 17 " dérogations " de cette directive : " 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés. / 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) / c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : / (...) / iii) des services (...) de sapeurs-pompiers ou de protection civile ".
14. Aux termes de l'article 3301-1 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant des délibérations du 11 juin 2010 et du 14 juin 2012 : " Toute garde de 24h doit être suivie d'une période de repos d'au moins 24h et précédée d'une période de repos d'au moins 11h sauf circonstances exceptionnelles ", les gardes de vingt-quatre heures étant planifiées tous les trois jours. Aux termes de l'article 3307-3 du même règlement intérieur : " Les astreintes sont planifiées annuellement dans les délais prévus à l'article 3303-1, de manière à être précédées d'une période de repos d'au moins 11h et suivies d'une période de repos de 24h. " Aux termes de l'article 4200-5 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant de la délibération du 9 juillet 2014 : " Le repos de sécurité précédent les périodes travaillées doit être d'au moins onze heures. Le repos de sécurité suivant les périodes travaillées doit être d'une durée au moins égale à celle-ci. ".
15. Il résulte des dispositions du paragraphe 3 de l'article 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail qu'il peut être dérogé à certaines de ses dispositions pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit des services de sapeurs-pompiers. Il résulte des délibérations du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime que celles-ci ont implicitement mais nécessairement entendu faire application de telles dérogations en prévoyant des régimes de gardes de vingt-quatre heures. Par ailleurs, en prévoyant que toute garde de vingt-quatre heures serait suivie d'une période de repos au moins équivalente et précédée d'une période de repos d'au moins onze heures, il apparaît que des périodes équivalentes de repos compensateur sont accordées aux sapeurs-pompiers et qu'une protection appropriée leur est ainsi accordée conformément aux dispositions du paragraphe 2 du même article 17. En particulier, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne résulte pas des dispositions précitées de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail qu'elles imposeraient une période de repos compensateur de quarante-huit heures après une garde de vingt-quatre heures. En outre, si l'appelant soutient qu'il n'a pu bénéficier, dans les faits, de périodes de repos compensateurs, du fait des gardes supplémentaires effectuées en compensation du logement de service dont il bénéficiait, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ces délibérations méconnaîtraient les dispositions du droit de l'Union européenne concernant le travail de nuit et le repos compensateur, le temps de pause et le repos hebdomadaire. Par suite, il n'est pas fondé à demander la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime sur ce fondement.
S'agissant du préjudice :
16. Le dépassement des durées maximales de travail prévues tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence.
17. Il résulte de l'instruction que, si M. A... se prévaut d'un temps de travail de 2 544 heures en 2012, 2 502 heures en 2013 et 2 336 heures en 2014, il a comptabilisé, à tort, les congés pour autorisation spéciale d'absence en gardes de vingt-quatre heures. Ainsi, il y a lieu de retenir les données produites en défense par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, soit 2 440 heures en 2012, 2 192 heures en 2013 et 2 112 heures en 2014. Eu égard au seuil de durée maximale de travail de 2 160 heures par an précité, M. A... a effectué 280 heures de travail en plus au titre de l'année 2012 et 32 heures en plus au titre de l'année 2013. Il sera fait une juste appréciation des troubles subis par l'appelant dans ses conditions d'existence du fait de ces dépassements, et notamment de l'atteinte portée à sa santé et à sa sécurité, en lui accordant à ce titre, pour les deux années concernées, la somme de 2 000 euros.
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement de la durée maximale du travail prévue par les dispositions du droit de l'Union européenne.
En ce qui concerne les conclusions à fin de rémunération des heures supplémentaires :
19. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " (...) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et du comité technique ministériel pour des corps ou emplois dont les missions impliquent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif tel que défini à l'article 2. Ces périodes sont rémunérées conformément à la grille des classifications et des rémunérations. ".
20. Aux termes de l'article 2 du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale ". Aux termes de l'article 3 du même décret dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2013 : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2013 : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures ". Aux termes de l'article 3 du même décret dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2014 : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. " Aux termes de l'article 5 du même décret dans sa rédaction applicable jusqu'au 2 novembre 2014 : " Par dérogation à l'article 4 ci-dessus, le temps d'équivalence peut être majoré pour les sapeurs-pompiers professionnels logés, conformément à l'article 5 du décret du 25 septembre 1990 susvisé. Il est fixé par délibération du conseil d'administration après avis du comité technique. ".
21. D'une part, aux termes de l'article 3301-1 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant des délibérations du 11 juin 2010 et du 14 juin 2012 et applicable jusqu'au 8 juillet 2014 : " La durée équivalente au décompte annuel du temps de travail est fixée à 2 328 heures ". Aux termes de l'article 3307-1 du même règlement intérieur, applicable à la situation de M. A... : " Les sapeurs-pompiers professionnels placés dans ce cycle de travail et logés, sur leur demande, par nécessité absolue de service doivent, en compensation, assurer l'équivalent de 20 gardes supplémentaires par an réparties comme suit : 3 gardes supplémentaires de 24 heures [...], 20 astreintes de 24 heures par an dont 12 transformées en garde et 10 périodes de travail de 8 heures ". [...] ". La durée équivalente au décompte annuel du temps de travail est ainsi fixée à 2 768 heures pour les sapeurs-pompiers professionnels logés pour la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. En revanche, eu égard aux dispositions de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2014 qui limite la durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail à 1 128 heures par semestre, soit 2 256 heures par an, la durée équivalente au décompte annuel du temps de travail applicable aux sapeurs-pompiers professionnels logés du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime doit, en y ajoutant la majoration pour les sapeurs-pompiers logés permise par les dispositions de l'article 5 du décret du 31 décembre 2001, être limitée à 2 696 heures par an, soit 1 348 heures par semestre, pour la période allant du 1er janvier 2014 au 8 juillet 2014.
22. D'autre part, aux termes de l'annexe 7 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, dans sa version résultant de la délibération du 9 juillet 2014, la durée équivalente au décompte annuel du temps de travail est fixée à 2 160 heures. En outre, l'article 4200-15 du même règlement prévoit, s'agissant des agents en régime de garde logés par nécessité de service comme M. A..., que ceux-ci doivent assurer, en compensation, vingt gardes supplémentaires de douze heures par an. La durée équivalente au décompte annuel du temps de travail est ainsi fixée à 2 400 heures pour les sapeurs-pompiers professionnels logés pour la période allant du 9 juillet 2014 au 2 novembre 2014. Eu égard à l'annulation par le Conseil d'Etat, dans sa décision du 3 novembre 2014 n° 375534, du report au 1er juillet 2016 de l'abrogation des dispositions portant sur la majoration du temps d'équivalence pour les sapeurs-pompiers professionnels logés prévue par l'article 5 du décret du 31 décembre 2001, la durée équivalente au décompte annuel du temps de travail applicable aux sapeurs-pompiers professionnels logés du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime doit être limitée à 2 160 heures pour la période allant du 3 novembre 2014 au 31 décembre 2014.
23. En premier lieu, la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires devant être rémunérées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001. Dès lors, M. A... ne saurait tirer de l'incompatibilité relevée au point 12 des délibérations du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime en litige avec le droit de l'Union européenne un droit à rémunération d'heures supplémentaires. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le droit national peut toujours appliquer un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations et aux heures supplémentaires ainsi que de celles concernant les durées maximales de travail fixées par le droit national, la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ne s'appliquant pas à la rémunération des travailleurs. Dès lors, M. A... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cette directive au soutien de sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne doivent être écartés comme étant inopérants.
24. En deuxième lieu, si, pour le calcul de la durée effective du travail des agents, la présence au cours d'une garde est assimilable à du travail effectif, dès lors que les intéressés doivent se tenir en permanence prêts à intervenir, les dispositions précitées du décret du 31 décembre 2001 n'empêchent en revanche pas, pour l'établissement de la rémunération des sapeurs-pompiers pendant ces gardes, de fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comportent ces périodes de garde. Dans ces conditions et dès lors que ces périodes de garde comportent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif au sens de l'article 2 du décret du 25 août 2000, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les conditions de mise en œuvre d'une durée équivalente à la durée légale prévue par l'article 8 de ce même décret ne seraient pas remplies. Ce moyen doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.
25. En dernier lieu, le régime d'horaire d'équivalence, prévu à l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, seules peuvent ouvrir droit à un complément de rémunération les heures de travail effectif réalisées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par les textes.
26. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que le temps de travail de M. A... était de 2 440 heures en 2012, 2 192 heures en 2013 et 2 112 heures en 2014, correspondant à 1 200 heures au titre du premier semestre 2014 et 912 heures au titre du second semestre 2014. Eu égard aux seuils d'équivalence mentionnés aux point 21 et 22 et aux nombres de gardes de vingt-quatre heures réalisées par l'appelant, il résulte de l'instruction que celui-ci devait être rémunéré à hauteur de 1 567 heures au titre de l'année 2012, outre les 220,5 heures effectuées en compensation de son logement, de 1 515,5 heures au titre de l'année 2013, outre les 220,5 heures effectuées en compensation de son logement, de 855 heures au titre du premier semestre de l'année 2014, outre les 96 heures effectuées en compensation de son logement, et de 711,5 heures au titre du second semestre de l'année 2014, outre les 96 heures effectuées en compensation de son logement. Dans ces conditions, n'ayant pas dépassé le seuil annuel de déclenchement des heures supplémentaires de 1 607 heures, majoré des heures effectuées en compensation du logement mis à sa disposition dans les conditions mentionnées aux points 21 et 22, il n'est pas fondé à solliciter le paiement d'indemnités horaires pour travaux supplémentaires au titre des années 2012 à 2014.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires à fin de paiement d'une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires :
27. M. A... n'ayant pas droit au paiement d'heures supplémentaires ainsi qu'il a été mentionné au point précédent, il y a lieu, pour les mêmes motifs, de rejeter ses conclusions subsidiaires tendant au paiement d'une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.
28. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a pas fait droit à sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires.
En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :
29. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 000 euros, mentionnée au point 18, à compter du 26 décembre 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, ainsi que leur capitalisation à compter du 17 novembre 2019, date à laquelle celle-ci a été demandée pour la première fois et à laquelle était due au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime la somme demandée par M. A... au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 2 000 euros que le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime a été condamné à verser à M. A... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 septembre 2019 est assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2016 ainsi que de leur capitalisation à compter du 17 novembre 2019 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : L'article 1er du jugement du 16 septembre 2019 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.
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N°19DA02504
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