Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2008851 du 4 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de M. A..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, la préfète de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- les observations de Me D... F..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 18 juin 2000, serait, selon ses déclarations, entré en France en décembre 2016. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à compter du 14 février 2017. Par un arrêt du 18 février 2020, devenu définitif, la cour administrative de Lyon a annulé pour erreur manifeste d'appréciation l'arrêté du 3 août 2018 du préfet de l'Ain portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination. A la suite de l'injonction de réexamen ordonnée par la cour, le préfet de l'Ain a rejeté par une décision du 5 août 2020 la demande de titre de séjour de M. A.... L'intéressé a parallèlement déposé une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par une décision du 12 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. En conséquence, par un arrêté du 23 novembre 2020, la préfète de l'Ain a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. La préfète de l'Ain relève appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation ". Il ressort du dossier de première instance que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance. Par suite, il résulte des dispositions précitées que ce moyen, qui n'a pas été soulevé en première instance, ne peut plus l'être en appel par la préfète de l'Ain. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé sur le territoire à l'âge de seize ans en tant que mineur non accompagné, réside en France depuis trois ans et onze mois à la date de l'arrêté contesté. Il justifie d'une volonté réelle d'insertion sociale et professionnelle en ayant obtenu en juillet 2019 un certificat d'aptitude professionnelle cuisinier. Il a également signé avec un restaurateur lillois un contrat d'apprentissage dans le cadre d'un baccalauréat professionnel depuis septembre 2020. Le centre de formation des apprentis auprès duquel M. A... est inscrit atteste de son sérieux et de son assiduité. Par un courrier du 9 septembre 2020, le service main d'oeuvre étrangère de l'unité départementale de l'Ain de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes avait d'ailleurs adressé à l'employeur de M. A... l'autorisation de travail visée par leurs soins. M. A... soutient que ses deux parents sont décédés et qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays. A cet égard, la préfète de l'Ain ne remet pas sérieusement en cause l'authenticité des deux actes de décès produits par M. A..., en se bornant à comparer les signatures de l'officier d'état civil apposées sur les documents et en remettant en cause les numéros d'actes du registre d'état de civil. La circonstance que M. A... ait acheté en décembre 2020, selon la facture produite par la préfète en appel, un forfait de téléphone mobile de 20 Go ne saurait suffire à établir que M. A... entretiendrait automatiquement des liens avec sa famille, demeurée au pays. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La décision fixant le pays de destination et celle lui interdisant le retour sur le territoire pour une durée d'un an sont par conséquent également illégales. Par suite, la préfète de l'Ain n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 novembre 2020, lui a enjoint de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de M. A..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais d'instance :
4. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me C..., avocate de M. A..., d'une somme de 1 000 euros à ce titre, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de l'Ain est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C..., conseil de M. A..., une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E... C....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Ain et au préfet du Nord.
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N°21DA00504
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