Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 28 février 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable formé contre la décision du 8 octobre 2015 portant radiation des contrôles de l'armée de l'air, à l'issue de son contrat le 1er janvier 2016, d'enjoindre au ministre de la défense de la réintégrer à compter du 8 octobre 2015, et de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice subi.
Par un jugement n° 1701309 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars 2020 et 15 février 2021, Mme C... A..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision du 28 février 2017 du ministre de la défense, la décision de radiation du 8 octobre 2015 et la décision du 20 février 2015 portant non renouvellement de son contrat ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de la réintégrer dans les cadres de l'armée de l'air à compter du 8 octobre 2015 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices subis ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n°2008-959 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été engagée à compter du 1er janvier 2011, pour une durée de cinq ans, en qualité d'officier commissionné selon les dispositions de l'article L. 4132-10 du code de la défense, au grade de commandant, et rattachée au corps des officiers des bases de l'air. Elle a été recrutée pour occuper un emploi d'expert technique armement. Par une décision du 20 février 2015, elle a été informée de ce que son contrat ne serait pas renouvelé à son terme. Par une décision du 8 octobre 2015, le ministre de la défense a prononcé en conséquence la radiation des contrôles de l'armée de l'air de Mme A... à l'issue de son contrat, le 1er janvier 2016. Par une décision du 28 février 2017, le ministre de la défense a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par Mme A... à l'encontre de la décision du 8 octobre 2015 portant radiation des contrôles de l'armée de l'air. Mme A... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 28 février 2017 et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les décisions du 20 février 2015 et du 8 octobre 2015 :
2. La décision du 20 février 2015 portant non renouvellement de son contrat d'officier commissionné a été notifiée à Mme A... le 23 mars 2015, avec la mention des voies et délais de recours et notamment mention de l'obligation de saisir la commission des recours des militaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle l'aurait contestée devant cette commission dans le délai de deux mois suivant sa notification, ni à l'occasion de son recours administratif préalable obligatoire formé le 10 novembre 2015, la commission ayant estimé n'être saisie que d'un recours contre la décision de radiation des contrôles. Elle ne l'a pas plus contestée devant les juges de première instance. Par suite, ses conclusions dirigées contre cette décision du 20 février 2015, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées.
3. L'institution par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Il suit de là que les conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 8 octobre 2015 portant radiation des contrôles, à laquelle s'est substituée la décision du 28 février 2017 du ministre de la défense, sont également irrecevables et doivent être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments, ont répondu de manière suffisamment motivée, aux moyens tirés de ce que la décision de non renouvellement du contrat de Mme A... serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'elle résulterait du harcèlement moral qu'elle aurait subi au cours de son contrat. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
5. Si Mme A... soutient que le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 28 février 2017 :
6. Aux termes de l'article L. 4132-10 du code de la défense : " Le militaire commissionné est admis par contrat à servir dans une armée ou une formation rattachée dans un grade d'officier ou de sous-officier en vue d'exercer des fonctions déterminées à caractère scientifique, technique ou pédagogique correspondant aux diplômes qu'il détient ou à son expérience professionnelle ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires commissionnés : " Les militaires commissionnés sont recrutés par contrat, en qualité d'officier, sous-officier ou officier marinier, pour satisfaire des besoins immédiats des armées ou des formations rattachées, aux fins d'occuper des emplois de spécialistes à caractère scientifique, technique ou pédagogique qui ne sont pas pourvus par les autres modes de recrutement et de formation ou qui font l'objet d'une vacance temporaire ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense (...) notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un militaire commissionné au moins six mois avant le terme. / (...) ".
7. Par la décision du 28 février 2017 portant rejet du recours administratif préalable obligatoire, le ministre de la défense a pris acte de la décision du 8 octobre 2015 portant radiation des contrôles de l'armée de l'air de l'appelante. Il était ainsi tenu de tirer les conséquences de l'absence de tout lien de Mme A... avec le service par l'effet de la venue à terme de son contrat.
8. Toutefois, l'application de la théorie de la compétence liée ne dispense pas le juge de statuer sur les moyens qui mettent en cause le bien-fondé de l'application de cette théorie aux circonstances de l'espèce. Mme A... peut donc utilement invoquer l'exception d'illégalité de la décision de non renouvellement de son contrat.
9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception d'illégalité de cet acte n'est recevable que s'il n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. Or, Mme A..., dont le contrat arrivait à terme le 31 décembre 2015, n'a pas contesté, dans le délai de recours, devant la commission des recours des militaires la décision du 20 février 2015 par laquelle le ministre de la défense a décidé de ne pas renouveler son contrat. Si elle allègue avoir contesté cette décision lors de son recours administratif préalable du 10 novembre dirigé contre la décision de radiation, cette contestation était en tout état de cause tardive. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de non renouvellement de contrat du 20 février 2015 doit être écarté. Dès lors, l'ensemble des moyens invoqués, qui sont dirigés contre un acte pris dans une situation de compétence liée, doivent être écartés comme inopérants.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 28 février 2017 du ministre de la défense. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être que rejetées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
11. Il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.
12. Mme A... demande la réparation de son préjudice moral en raison du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi. Toutefois, ainsi que l'oppose la ministre des armées en défense, Mme A... ne justifie pas avoir adressé à l'administration une demande préalable indemnitaire. La circonstance que cette fin de non-recevoir n'a pas été expressément opposée par l'administration en première instance n'a pas eu pour effet de lier le contentieux. Par suite, ses conclusions indemnitaires sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre des armées.
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N°20DA00418
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