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24/06/2021 | FRANCE | N°20DA00704

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 juin 2021, 20DA00704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du maire de Wasquehal du 21 novembre 2017 lui infligeant une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, à titre subsidiaire, de réduire cette sanction et, enfin, de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800582 du 17 mars 2020, le tribunal

administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du maire de Wasquehal du 21 novembre 2017 lui infligeant une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, à titre subsidiaire, de réduire cette sanction et, enfin, de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800582 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Wasquehal du 21 novembre 2017 lui infligeant une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois ou, à titre subsidiaire, de réduire cette sanction ;

3°) de condamner la commune de Wasquehal à lui verser la somme de 5 122,08 euros bruts correspondant aux six mois de traitement dont il a été irrégulièrement privé et à prendre en compte cette période au titre de son ancienneté et de ses droits à retraite ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Wasquehal la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... a été engagé, à compter du 1er septembre 1978, en qualité d'agent contractuel à durée indéterminée pour exercer, à temps partiel, les fonctions de professeur de trompette au conservatoire de Wasquehal. Par un arrêté du 21 novembre 2017, le maire de Wasquehal lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois pour méconnaissance de ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique. M. D... relève appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. D..., a répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté en son point 5 en retenant notamment que, compte tenu de la gravité des faits commis par M. D... qui avait sciemment méconnu ses obligations professionnelles par un comportement déplacé à l'occasion d'un évènement public important pour le conservatoire et la commune de Wasquehal, la sanction prononcée n'était pas disproportionnée. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et, en conséquence, entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, pour justifier la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois infligée à M. D..., le maire de Wasquehal a, dans son arrêté du 21 novembre 2017, relevé que, le 28 juin 2017, à l'issue d'un spectacle de fin d'année au conservatoire de Wasquehal auquel il participait, l'intéressé a pris la parole afin de s'adresser au public présent, composé notamment de parents d'élèves, du directeur général des services de la commune, d'un membre du cabinet du maire et de quatre conseillers et adjoints municipaux, et a fait état du montant de sa rémunération en indiquant que celui-ci était insuffisant au regard de ses compétences, que la commune n'avait pas répondu favorablement à sa demande de rémunération et qu'il était prêt à engager une procédure contentieuse à l'encontre de la collectivité. L'arrêté en litige relève également que le directeur du conservatoire avait donné l'ordre à M. D..., qui l'avait informé de son intention de prendre la parole lors de ce spectacle, de s'abstenir d'agir de la sorte. Enfin, il mentionne que l'intéressé a ainsi contrevenu à ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique, ce qui justifie la sanction prononcée.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des trois attestations produites par la commune de Wasquehal, que les faits reprochés à M. D... sont établis, en particulier la teneur des propos qu'il a prononcés et qu'il ne conteste d'ailleurs pas sérieusement. S'il conteste en revanche avoir prévenu le directeur du conservatoire, en amont du spectacle, de son intention de s'exprimer publiquement sur l'absence de revalorisation salariale et sur le fait que celui-ci lui aurait demandé de s'abstenir de procéder de la sorte, il n'apporte pas d'élément permettant de remettre en cause l'attestation circonstanciée du directeur du conservatoire sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché l'arrêté en litige doit être écarté.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. / Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. [...] " Aux termes de l'article 26 de la même loi : " Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. " Aux termes de l'article 28 de la même loi : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. " L'article 32 de cette même loi dispose que, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, ces articles, insérés dans le chapitre IV " des obligations et de la déontologie ", sont applicables aux agents contractuels.

6. D'autre part, aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. ".

7. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des trois attestations produites par la commune de Wasquehal, que les propos tenus par M. D... le 28 juin 2017 ont porté sur un différend interne au conservatoire et ont été tenus publiquement au cours d'un évènement important pour la vie de cette institution, auquel participaient notamment les élèves du conservatoire, leurs parents et des élus locaux. De tels propos, qui méconnaissent l'obligation de réserve qui s'impose à tout agent public, sont ainsi de nature à nuire au bon fonctionnement du conservatoire et à entacher son image ainsi que celle de la commune. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'en s'exprimant publiquement alors que le directeur du conservatoire lui avait expressément demandé de ne pas le faire, l'intéressé a également méconnu l'obligation de se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique. La circonstance invoquée que les faits n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales est sans incidence sur leur matérialité. De même, la circonstance invoquée par M. D... que la commune de Wasquehal n'avait pas fait droit à ses demandes de titularisation et de revalorisation de sa rémunération ne saurait justifier la méconnaissance par celui-ci de ses obligations déontologiques rappelées au point 5, alors qu'il lui était loisible de contester, s'il s'y croyait fondé, de tels refus par les voies de droit appropriées. Au demeurant, il ressort du courrier du 4 décembre 2012 produit par l'intéressé lui-même que sa demande de titularisation n'avait pu alors être examinée du fait de son refus réitéré de transmettre ses états de service. Suite à sa demande de revalorisation financière réceptionnée le 21 mars 2017, un courrier d'attente lui avait été adressé, lui indiquant que la politique de rémunération des agents de la commune était en cours de refonte. Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits et en dépit de l'absence d'antécédent disciplinaire de M. D... au cours de ses trente-neuf années d'enseignement au sein du conservatoire, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant la sanction de troisième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, au demeurant inférieure à la durée maximale d'un an prévue par les dispositions précitées de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du maire de Wasquehal en litige doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2017.

En ce qui concerne les conclusions à fin de réformation :

10. Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration ni, en conséquence, de réformer la sanction disciplinaire prononcée. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables, ainsi que les parties en ont été informées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

11. M. D... a présenté, devant le tribunal administratif de Lille, des conclusions à fin d'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois. Par suite, ses conclusions indemnitaires sont nouvelles en appel et donc irrecevables, ainsi que les parties en ont été informées. En tout état de cause, elles ne sont pas fondées en l'absence d'illégalité fautive de l'arrêté du maire de Wasquehal du 21 novembre 2017 ainsi qu'il a été dit précédemment. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune de Wasquehal, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y pas a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la commune de Wasquehal au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Wasquehal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Wasquehal.

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N°20DA00704

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00704
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CABINET BARDON et DE FAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-24;20da00704 ?
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