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25/05/2021 | FRANCE | N°20DA00512

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 25 mai 2021, 20DA00512


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, et un mémoire, enregistré le 8 avril 2021, la société Supermarchés Match, représentée par le cabinet Lumea, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le maire de Vieux-Condé a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin rue Ferdinand Dervaux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Vieux-Condé et de la société Lidl la somme de 5 000 euros

sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, et un mémoire, enregistré le 8 avril 2021, la société Supermarchés Match, représentée par le cabinet Lumea, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le maire de Vieux-Condé a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin rue Ferdinand Dervaux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Vieux-Condé et de la société Lidl la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me D... E..., représentant la société Supermarchés Match, et de Me F... B..., représentant la SNC Lidl France.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 7 mars 2019 dans le but de transférer, au 24 rue Ferdinand Dervaux sur le territoire de la commune de Vieux-Condé, et d'agrandir de 430 m², une surface de vente existante à l'enseigne " Lidl " de 992 m², jusqu'alors implantée rue César Dewasme dans la même commune. Le projet a reçu, le 25 juillet 2019, un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord et, par la suite, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la société Supermarchés Match, par un avis du 3 décembre 2019. Le maire de Vieux-Condé a accordé le permis de construire sollicité par la SNC Lidl, par un arrêté du 20 janvier 2020 dont la société Supermarchés Match demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur l'incompétence de l'auteur de l'acte :

2. L'arrêté attaqué a été signé par M. A... C..., adjoint délégué, pour le maire empêché. La commune verse au débat l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de Vieux-Condé a, sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, délégué à M. C..., deuxième adjoint, une partie de ses fonctions, l'autorisant en particulier à signer les actes relatifs à l'urbanisme et les permis de construire. Cette délégation, qui n'est pas générale, a été rendue exécutoire le 22 mai 2018 par sa transmission aux services de l'Etat et sa publication, ainsi qu'en atteste le maire sans que cela ne soit contesté. Enfin la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que le maire n'aurait été ni absent ni empêché comme le mentionne l'arrêté attaqué alors qu'au demeurant l'article L. 2122-18 susmentionné ne subordonne pas l'exercice de la délégation à l'absence ou l'empêchement du maire et que l'arrêté du 15 mai 2018 n'introduisait pas non plus cette condition. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

Sur les vices entachant la procédure :

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".

4. Les moyens, soulevés par la société Supermarchés Match, tirés de l'irrégularité de la création et de la composition des commissions appelées à émettre leur avis sur le projet au titre de la législation sur les établissements recevant du public, ne sont pas relatifs à la régularité du permis de construire en litige en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Ils ne peuvent dès lors qu'être écartés.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 19 novembre 2019 à la séance du 3 décembre au cours de laquelle la Commission a examiné le projet de la société Lidl. La lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance.

7. Si la requérante fait valoir que rien ne permet de démontrer que tous les membres de la commission ont effectivement été convoqués en temps utile et qu'un dossier comportant les pièces mentionnées à l'article R. 752-35 du code de commerce précité leur a bien été communiqué, elle ne fait état d'aucun élément concret suggérant que la convocation aurait été irrégulière. Dans ces conditions, le moyen invoqué à ce titre doit être écarté.

Sur la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire./ Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; (...) / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; (...) 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : (...) d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; (...) ".

9. D'une part, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale a analysé l'environnement commercial existant, en donnant notamment la liste des commerces présents dans la ville de Vieux-Condé et dans la ville voisine, et fait état du taux de vacance commerciale au coeur de la ville. Il a décrit ensuite les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, en particulier au regard du projet d'aménagement de l'îlot Gambetta/Dervaux, en indiquant clairement que le projet se trouvait à proximité de cet îlot, et sur l'animation du secteur rural.

10. D'autre part, l'étude de circulation jointe au dossier a fait état de l'impact du projet sur les flux de circulation mais également de l'impact du projet d'aménagement de l'îlot Gambetta/Dervaux sur ces mêmes flux. Si la société pétitionnaire a indiqué dans son dossier que la mise en oeuvre d'un carrefour giratoire serait de nature à résoudre les difficultés existantes et à venir de la place de la République, située à près de 400 mètres du projet, c'est après avoir relié la réalisation d'un tel ouvrage dans le cadre d'une modification du plan de circulation non pas au projet lui-même mais au développement de l'îlot Gambetta/Dervaux et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la réalisation de cet aménagement serait nécessaire à une desserte satisfaisante du projet.

11. Enfin, le dossier de demande a analysé les risques naturels, technologiques et miniers et constaté l'absence de cavités recensées dans un rayon de 500 mètres, la présence d'un puits de mine à proximité du site d'implantation et un risque technologique en raison de la présence dans un rayon de 500 mètres d'un site pollué de la société Agrati Vieux Condé, installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation.

12. Si le dossier de demande n'a envisagé aucune mesure propre à assurer la sécurité des consommateurs au regard de ces risques, le rapport de la direction départementale des territoires et de la mer du Nord, dans son avis du 13 juin 2019 dont la Commission a eu connaissance, a indiqué que la commune de Vieux-Condé était concernée par le plan de prévention des risques miniers et a rappelé les prescriptions auxquelles le projet devra se soumettre, notamment pour ce puits de mine, et la Commission a reçu une attestation de la société pétitionnaire de prise en compte de ce plan de prévention. Le même avis a renvoyé à la base de données sur les sites et sols pollués (BASOL), laquelle indiquait en novembre 2019 que le site de la société Agrati Vieux Condé était " en sécurité vis-à-vis des tiers ". Enfin, une étude de sols, réalisée en 2019 et communiquée à la Commission, a mis en évidence deux zones de pollution et indiqué que les matériaux pollués seront évacués du site. Ainsi, cette insuffisance du dossier n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par la Commission sur la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi.

13. Il résulte de ce qui précède que le dossier présenté a permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer de façon suffisamment éclairée sur le projet. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial était insuffisant au regard des prescriptions de l'article R. 752-6 du code de commerce.

14. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que la société pétitionnaire devait produire l'analyse d'impact du projet qui est mentionnée aux III et IV de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

15. Toutefois, l'article 12 du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial et aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale prévoit que les mesures prises pour l'application des dispositions législatives susmentionnées ne concerneront que les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2020. En tout état de cause, la société pétitionnaire soutient sans être contredite avoir produit devant la Commission une analyse d'impact datée de novembre 2019 et cette analyse comporte les éléments requis par ces dispositions.

Sur la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du Valenciennois :

16. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ".

17. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

18. En premier lieu, le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois a prescrit une organisation rationnelle du territoire et le maintien d'un équilibre entre les espaces urbanisés et non urbanisés notamment par la maîtrise de la consommation foncière, la réduction de la périurbanisation et le renouvellement et la densification urbaine. Il a aussi réaffirmé la nécessité de valoriser les transports en commun en augmentant la population couverte.

19. En matière d'aménagement commercial, ce document s'est fixé l'objectif d'équilibrer et de dynamiser l'armature commerciale du Valenciennois, en particulier par le renforcement du commerce de centre-ville et la mise en place d'une structure commerciale cohérente qui repose en partie sur la définition de trois niveaux de commerces, les commerces de proximité, les commerces intermédiaires et les commerces majeurs, ces derniers devant s'implanter prioritairement dans les zones d'aménagement commercial.

20. Si un commerce majeur n'a ainsi pas vocation à s'implanter en dehors d'une zone d'aménagement commercial, le document d'orientations et d'objectifs a prévu que les commerces de plus de 1 500 m² de surface utile pourront " se déplacer, dans le cadre d'un projet de restructuration/modernisation, prioritairement dans les secteurs de renouvellement urbain ou dans les DIVAT [disques de valorisation des axes de transports en commun], en améliorant leur accessibilité en transport en commun, sous réserve de requalification des friches générées ".

21. Or il ressort des pièces du dossier que le projet, consistant à déplacer un magasin Lidl existant et à édifier une construction répondant au nouveau concept de l'entreprise, s'implante sur une friche commerciale et un parc de stationnement existant à moins de 300 mètres du centre-ville et à proximité du projet Gambetta/Dervaux de restructuration d'un îlot dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Il est situé également à 100 mètres d'une station de bus qui accueille trois lignes et à 240 mètres de l'arrêt de tramway " Le Boulon " sur la ligne n° 2, ce qui le place dans un disque de valorisation des axes de transports en commun.

22. Alors que le potentiel de population présente à cinq minutes à pied est au moins cinq fois plus important que celui de l'implantation initiale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accessibilité au nouveau site par les transports en commun ne serait pas améliorée au regard de celle de l'ancien site et la commune a fait part de son intention de reprendre le bâtiment délaissé par le transfert dans le but d'en faire une salle des fêtes.

23. Dans ces conditions, le projet en litige n'apparaît pas incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois.

24. En deuxième lieu, le document d'orientations et d'objectifs s'est aussi fixé un objectif de prévention des risques naturels et technologiques et notamment du risque d'inondation, par une optimisation de la gestion des ruissellements et des eaux pluviales et par une limitation de l'imperméabilisation des sols dans les zones bâties.

25. Or la parcelle concernée qui présente une surface de 9 062 m2, est déjà en grande partie imperméabilisée. Elle accueillera 141 places de stationnement dont 135 perméables et des espaces verts paysagers de 1 634 m2 seront aménagés. Dans ces conditions, le projet en litige n'est pas davantage incompatible avec cet objectif du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois

Sur le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

26. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ".

27. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.

En ce qui concerne l'aménagement du territoire :

28. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet, qui consiste à transférer et agrandir un magasin déjà présent sur la commune, s'implante sur une friche, un parc de stationnement existant et un espace vert, à 300 mètres du centre-ville, en front de rue d'un axe important et près de logements existants et à venir, et notamment du projet Gambetta/Dervaux consistant à créer 58 logements, 9 cellules commerciales et un poste de police municipale.

29. Le projet a pour objectif de constituer une locomotive commerciale et de jouer un rôle de proximité dans ce quartier accueillant un grand nombre de logements sociaux. Il contribuera ainsi à la revitalisation du tissu urbain au coeur duquel il s'installe et participera au renforcement de ce secteur. Si l'analyse d'impact indique que la zone de chalandise du projet présente une décroissance démographique, d'ailleurs limitée à moins 0.7 % sur la période 1999/2016, elle relève aussi que les projets d'aménagement en cours inverseront la tendance actuelle sur la commune. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit d'un taux de vacance commerciale important, que les commerces du centre-ville seraient menacés par le déplacement d'un magasin déjà existant depuis dix ans.

30. Il n'appartient pas à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la densité commerciale des surfaces soumises à autorisation commerciale dans le secteur.

31. La circonstance que la commune voisine de Condé-sur-l'Escaut ait bénéficié d'aides significatives pour le développement et la pérennisation du commerce de proximité, à la considérer avérée, n'est pas, en soi, de nature à établir l'existence d'un impact négatif du projet litigieux sur les commerces de cette commune.

32. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commune projette de louer l'ancien magasin Lidl situé rue César Dewasmes afin d'en faire une salle des fêtes communale. Elle a fait une proposition dans ce sens à la société par lettre du 18 avril 2019 et a informé ses administrés de ce projet dans le bulletin municipal, qui incluait plusieurs insertions paysagères du projet. Si la requérante fait valoir que l'occupation des locaux commerciaux n'est pas certaine à la date de l'arrêté attaqué, le risque de friche n'apparaît ainsi pas caractérisé.

33. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude de circulation jointe à la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, que si le projet génèrera un flux supplémentaire d'environ 150 véhicules par heure en période de pointe du soir, le trafic restera modéré sur la voie de desserte du site. Il ressort aussi de cette étude que les difficultés de circulation que connaît déjà la place de la République, située à près de 400 mètres du projet, seront accentuées dans des proportions limitées. Si l'étude a évoqué la possibilité de l'aménagement d'un rond-point sur cette place, elle a indiqué qu'il serait rendu nécessaire par le développement de l'îlot Gambetta/Dervaux et la société requérante ne peut donc utilement se prévaloir d'une absence de garantie quant à la réalisation de l'aménagement ainsi envisagé.

34. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaîtrait les critères énoncés au 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne la protection du consommateur :

35. D'une part, l'entrée et la sortie du site se fait par un point unique qui offre toutefois une largeur suffisante pour que l'accès ne présente pas de risque particulier. Si les véhicules de livraison ne bénéficient pas d'une voie dédiée dans l'emprise du site, il ressort des pièces du dossier que l'aire de manutention est située à l'arrière du bâtiment et que les livraisons seront effectuées durant les heures creuses de fréquentation du magasin. Dans ces conditions, le risque invoqué pour les usagers de l'établissement n'est pas avéré.

36. D'autre part, si le projet est situé à proximité d'un puits de mine et si le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale n'a pas pris en compte le plan de prévention des risques miniers approuvé le 6 juillet 2018, l'architecte en charge de la conception et de la réalisation du projet a attesté, le 29 avril 2019, avoir pris en considération ce document et le permis de construire litigieux a précisé que les prescriptions édictées par la direction départementale des territoires et de la mer sur ce point dans son avis du 27 mars 2019 devront être respectées.

37. Si le projet est situé à proximité immédiate de l'usine Agrati, qui fabrique des pièces métalliques pour l'industrie automobile, et si la fiche consacrée à cette installation classée pour la protection de l'environnement par la base de données sur les sites et sols pollués s'est référée à l'existence d'un risque pour le voisinage d'inhalation de vapeurs contenant du chlorure de vinyle retenu par une " évaluation quantitative des risques sanitaires " de 2009, il ne ressort ni de cette même fiche, qui s'est aussi référée à la " réalisation d'une étude complémentaire de janvier 2013 susceptible de modifier les conclusions de l'EQRS de 2009 " et qui a conclu que " le site est en sécurité vis-à-vis des tiers " et à l'absence de pollution par " dépôt aérien ", ni d'aucune autre pièce du dossier que ce risque serait toujours d'actualité.

38. La société pétitionnaire a fait réaliser, au cours de l'année 2019, une étude de sols qui a mis en évidence deux zones de pollution sur le site et indiqué que des travaux de dépollution seront entrepris. Le permis de construire en litige a précisé aussi que " les réserves concernant la compatibilité du projet avec la pollution des sols sont levées sous réserve de la tenue des engagements du demandeur à savoir gérer et évacuer en centre de traitement agréé les matériaux qui seront excavés dans le cadre du traitement de la pollution concentrée, mettre en place un recouvrement de 30 cm de terres saines pour les espaces verts et caractériser les matériaux évacués dans le cadre du terrassement et les éliminer vers des filières agréées ". Dans ses conditions, il n'est pas établi que des pollutions résiduelles seraient de nature à exposer les usagers du centre commercial à un risque particulier.

39. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du critère du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

40. Il résulte de tout ce qui précède que la société Supermarchés Match n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le maire de Vieux-Condé a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un magasin à l'enseigne Lidl.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

41. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vieux-Condé et de la SNC Lidl qui ne sont pas les parties perdantes, le versement de la somme réclamée sur ce fondement par la société Supermarchés Match.

42. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Supermarchés Match, le versement, sur le même fondement, de la somme de 1 000 euros à la commune de Vieux-Condé et de la même somme à la SNC Lidl.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Supermarchés Match est rejetée.

Article 2 : La société Supermarchés Match versera à la commune de Vieux-Condé et à la SNC Lidl, chacune, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet Lumea pour la société Supermarchés Match, à la SELARL Leonem pour la SNC Lidl et à la commune de Vieux-Condé.

Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

N°20DA00512 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00512
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : INGELAERE et PARTNERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-25;20da00512 ?
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