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25/05/2021 | FRANCE | N°19DA01661

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 25 mai 2021, 19DA01661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat et la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray à lui verser les sommes de 6 289 000 euros au titre de la perte de loyers de maisons lui appartenant et de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par un jugement n° 1301251, 1301253 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 15DA01221 du 16 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé

par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 417355 du 5 novembre 2018, le B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat et la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray à lui verser les sommes de 6 289 000 euros au titre de la perte de loyers de maisons lui appartenant et de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par un jugement n° 1301251, 1301253 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 15DA01221 du 16 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 417355 du 5 novembre 2018, le B... d'Etat a admis le pourvoi formé contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la responsabilité sans faute de l'Etat.

Par une décision n° 417355 du 8 juillet 2019, le B... d'Etat a annulé cet arrêt, pour insuffisance de motivation, en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité sans faute de l'Etat et, dans cette mesure, a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée les 21 juillet 2015 et des mémoires enregistrés les, 6 juin 2016, 26 septembre 2016, 31 octobre 2016 sous le n° 15DA01221, ainsi que des mémoires enregistrés après renvoi les 23 septembre 2019, 12 février 2020 et 19 février 2020 sous le n° 19DA01661, M. B..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 996 000 euros avec intérêts capitalisés à compter de sa demande préalable, soit au 28 février 2020 la somme de 11 058 371,25 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- les observations de Me A... D... représentant M. B..., ainsi que les observations de M. E... B....

Une note en délibéré présentée par M. E... B... a été enregistrée le 10 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

1. La mesure légalement prise par une autorité de police ou le défaut d'application d'une telle mesure peut ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques au profit de la personne qui subit en conséquence un préjudice anormal et spécial.

2. M. B... a acquis 62 des 86 maisons de la cité Blot à Saint-Etienne-du-Rouvray en 1984. S'il a signé avec la commune en 1987 une convention prévoyant que celle-ci, avec le concours financier de M. B..., répare les réseaux existants et crée les réseaux des eaux pluviales et usées, cette convention n'a pas été exécutée. Si la commune, saisie en 1988 d'une décision d'intention d'aliéner les 62 maisons, a souhaité les acquérir, la vente ne s'est pas faite. Si un arrêté du préfet de la Seine-Maritime de septembre 1990 a déclaré d'utilité publique l'acquisition des 62 maisons par la commune, celle-ci a ensuite renoncé à l'acquisition.

3. Un arrêté préfectoral de décembre 1990 a déclaré l'insalubrité remédiable des 86 maisons, interdit l'habitation des logements vacants et prescrit de poser un collecteur des eaux usées, raccorder les logements occupés à ce réseau, réhabiliter les voiries et dédensifier et mettre aux normes les habitations. Des arrêtés d'octobre et novembre 2008 ont abrogé cet arrêté et déclaré l'insalubrité irrémédiable de 60 maisons. Un arrêté préfectoral de novembre 2009 a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la commune, pour les démolir, de 44 maisons de M. B... et un arrêté municipal de mars 2010 a pris possession des maisons. Le juge administratif a annulé 54 des 60 arrêtés de 2008 au motif que l'insalubrité était remédiable et les arrêtés de 2009 et 2010.

4. Le requérant soutient que les services de l'Etat l'ont empêché de louer ses maisons et de prévenir leur dégradation et demande en conséquence une indemnité au titre de la perte de loyers, de dégradations des maisons, de son préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence.

5. Toutefois, M. B..., exerçant la profession de marchand de biens, ne pouvait ignorer, lorsqu'il a acheté les maisons, la carence ou l'état dégradé des réseaux de la cité Blot. En outre, il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'il se soit trouvé, tout au long de la période ayant couru de 1985 à 2008, dans l'impossibilité de financer les travaux nécessaires. Il s'est ainsi sciemment exposé à la réalisation d'un risque de non location de ses biens.

6. Si M. B... soutient que le préfet a commis des fautes, d'une part en ne faisant pas réaliser, dans le délai imparti ou en vertu de l'article 17 du code de la santé publique, les travaux prescrits à la commune, pourtant subventionnée, par sa lettre de 1985 et son arrêté de 1990, d'autre part en ne s'opposant pas aux agissements de la commune ou de Rouen Métropole ayant déclaré la cité insalubre en 1986, exigé une participation de M. B... en 1987, coupé la desserte de maisons en eau potable en 1987 et depuis 1991, empêché le raccordement de M. B... en 1990, posé le tout à l'égout en évitant la cité en 1989 et des maisons depuis 1991, sollicité la déclaration d'utilité publique dans un but entaché de détournement de pouvoir en 1990, permis la location de maisons d'autres propriétaires en violation de l'arrêté de 1990, tenté d'imposer à M. B... un regroupement des maisons en 1994 et permis la dégradation des maisons à partir de 2010, enfin en prenant les arrêtés de 2008 et 2009 sans accueillir sa demande de 2011 tendant à l'abrogation de l'arrêté de 2009, un tel moyen ne peut utilement être invoqué dans le litige, cantonné à la responsabilité sans faute de l'Etat, jugé par le présent arrêt.

7. Alors qu'il résultait de l'article L. 13-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable que le montant de l'indemnité d'expropriation était fixé à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, la déclaration d'utilité publique prononcée par le préfet en septembre 1990 pour une durée de cinq ans, dont l'objet se limitait à l'acquisition des maisons de M. B... pour constituer une réserve foncière " destinée à l'aménagement de la cité Blot ", n'a pas fait obstacle à la réalisation, par les propriétaires de la cité Blot, de travaux remédiant à l'insalubrité.

8. L'arrêté de décembre 1990 a visé toutes les maisons de la cité Blot, n'a pas interdit les ventes et a prévu la réalisation de travaux remédiant à l'insalubrité. Il s'en déduit que M. B... pouvait, comme d'autres propriétaires l'ont fait, vendre ses maisons ou diligenter de tels travaux. C'est après la réalisation des travaux requis que les services de l'Etat ont autorisé l'habitation de la maison de M. C..., alors qu'il ne résulte ni du plan des branchements dressé en 2015 ni d'aucune pièce du dossier que, même sur la parcelle 102, M. B... ait réalisé avant 2008 des travaux analogues. Les arrêtés de 2008 et 2009 ont visé des maisons de M. B... mais aussi celles d'autres propriétaires. Dans ces conditions, l'existence d'une rupture d'égalité devant les charges publiques imputable aux services de l'Etat n'est pas démontrée.

9. Enfin, la renonciation de la commune à son projet d'acquisition n'est pas imputable à l'Etat et, si un projet de rocade de contournement de Rouen englobant la cité Blot a été initié par l'Etat en 1993, un arrêté préfectoral de 1998 autorisant un sursis à statuer sur les demandes de travaux, puis abandonné en 2006, il n'a été démontré ni un lien de causalité directe entre cette situation et la perte de loyers par M. B..., ni en tout état de cause la spécialité du préjudice subi en conséquence qui a concerné les habitants de 14 communes.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception tirée de la prescription quadriennale, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. La demande présentée par M. B..., partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... D... pour M. E... B... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise, pour information, à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray.

N° 19DA01661 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01661
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP BARON COSSE ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-25;19da01661 ?
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