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07/05/2021 | FRANCE | N°19DA02542,19DA02543

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 07 mai 2021, 19DA02542,19DA02543


Vu la procédure suivante :

I - Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019 sous le n° 19DA02542, et des mémoires enregistrés le 7 août 2020 et les 12 mars et 25 mars 2021, M. I... N..., Mme G... N..., M. C... H..., M. K... M..., l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, représentés par Me L... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Somme a prorogé d'un an le délai de validité du permi

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Vu la procédure suivante :

I - Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019 sous le n° 19DA02542, et des mémoires enregistrés le 7 août 2020 et les 12 mars et 25 mars 2021, M. I... N..., Mme G... N..., M. C... H..., M. K... M..., l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, représentés par Me L... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Somme a prorogé d'un an le délai de validité du permis de construire délivré le 13 novembre 2009 pour la construction de six éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Citerne ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Somme de prendre un arrêté constatant la caducité du permis de construire du 13 novembre 2009, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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A...J...

II - Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019 sous le n° 19DA02543, et des mémoires enregistrés le 8 août 2020 et le 25 mars 2021, M. N..., Mme N..., M. H..., M. M..., l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, représentés par Me L... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision tacite d'acceptation par laquelle le préfet de la Somme a prorogé, à compter du 20 septembre 2019, le délai de validité du permis de construire accordé le 13 novembre 2009 pour la construction de six éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Citerne ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Somme de prendre un arrêté constatant la caducité du permis de construire du 13 novembre 2009, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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A...J...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;

- le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;

- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;

- le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de M. E... P... représentant l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles.

Une note en délibéré présentée pour les requérants a été enregistrée le 16 avril 2021 dans chacune des deux affaires.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 octobre 2006, le préfet de la Somme a refusé à la SARL Recherches et Développements Eoliens, aux droits de laquelle s'est substituée la société EDP Renewables France, un permis de construire un parc éolien composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison, au lieu-dit " Les Cent ", sur le territoire de la commune de Citerne. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 mai 2009. La cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement par un arrêt du 30 juin 2011, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2013 à la suite d'un pourvoi formé par la société EDP Renewables France.

2. Entre temps, le préfet de la Somme, saisi de la demande initiale du 26 mai 2005 relative au même parc éolien, a délivré, le 13 novembre 2009, à la SARL Recherches et Développements Eoliens, un permis de construire ce parc éolien. La demande de M. H... dirigée contre ce permis de construire a été rejetée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 février 2014, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 24 septembre 2015, devenu définitif.

3. M. N... et les autres requérants demandent, par une requête enregistrée sous le n° 19DA02542, l'annulation de la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Somme a porté au 24 novembre 2019 le délai de validité du permis de construire et, par une requête enregistrée sous le n° 19DA02543, l'annulation de la décision implicite d'acceptation de la demande du 18 juillet 2019 prorogeant l'autorisation à compter du 20 septembre 2019.

4. Les requêtes n° 19DA02542 et 19DA02543 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt.

Sur le délai de validité du permis de construire initial :

5. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme dans sa version issue du décret du 5 janvier 2007 susvisé : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue (...). " Ce délai a été porté à trois ans par l'effet du décret du 5 janvier 2016 susvisé. Aux termes de l'article R. 424-20 du même code : " Lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation, le délai de deux ans mentionné à l'article R. 424-17 court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation si cette date est postérieure à la notification visée à l'article R. 424-10 ou à la date à laquelle la décision tacite est intervenue ".

6. L'article R. 424-19 du même code prévoit : " En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable ". Aux termes de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " (...) le délai de recours en cassation est de deux mois ". Ce délai est franc.

7. Le recours contre le permis de construire du 13 novembre 2009 a été enregistré le 19 février 2010 au greffe du tribunal administratif d'Amiens. Toutefois, par un arrêté préfectoral du 1er juillet 2005, un diagnostic archéologique avait été prescrit sur le terrain du projet de parc éolien. En application de l'article L. 523-7 du code du patrimoine et de l'article 33 du décret du 3 juin 2004 susvisé, lorsque le diagnostic n'est pas achevé dans le délai fixé par la convention conclue entre le pétitionnaire et l'opérateur chargé du diagnostic, la prescription est réputée caduque à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date conventionnelle d'achèvement des travaux de diagnostic. En l'espèce, cette convention a prévu que la réalisation de l'opération devait s'achever au plus tard le 28 juin 2010. La prescription de diagnostic archéologique est donc devenue caduque au 28 août 2010.

8. Il résulte des dispositions précitées des articles R. 424-17 et R. 424-20 du code de l'urbanisme que le délai de validité du permis de construire délivré le 13 novembre 2009 a commencé à courir à compter du 28 août 2010, après survenance de la caducité mentionnée ci-dessus, soit postérieurement à la date d'enregistrement de la demande tendant à son annulation. Ce délai a donc été suspendu à compter de cette date. L'appel du jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif d'Amiens rejetant la demande d'annulation du permis de construire a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 24 septembre 2015, notifié à l'appelant le 2 octobre 2015. Aucun pourvoi en cassation n'a été formé à l'encontre de cet arrêt. Par application des dispositions combinées des articles R. 424-19 du code de l'urbanisme et R. 821-1 du code de justice administrative, le délai de suspension s'est achevé le 3 décembre 2015, date au lendemain de laquelle la décision de la cour du 24 septembre 2015 est devenue irrévocable. En application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, le délai de validité du permis de construire initial devait donc expirer le 3 décembre 2018.

Sur le régime juridique applicable :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 515-44 introduit au code de l'environnement par l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017, reprenant en substance les dispositions de l'article L. 553-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 513-1, les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2, ayant fait l'objet de l'étude d'impact et de l'enquête publique prévues à l'article L. 553-2, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 12 juillet 2010, et bénéficiant d'un permis de construire, peuvent être mises en service et exploitées dans le respect des prescriptions qui leur étaient applicables antérieurement à la date de leur classement au titre de l'article L. 511-2. / Les installations visées au premier alinéa sont, à cette date, soumises au chapitre unique du titre VIII du livre Ier, au présent livre et à leurs textes d'application. / L'exploitant de ces installations doit se faire connaître du préfet dans l'année suivant la publication du décret portant modification de la nomenclature des installations classées. Les renseignements que l'exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d'Etat. (...). "

10. Contrairement à ce que soutiennent les requérants le projet de parc éolien en litige a fait l'objet d'une étude d'impact et d'une enquête publique. En outre, le 1er octobre 2012, le préfet de la Somme a donné acte à la société EDP Renewables France de sa déclaration du 1er août 2012 pour un parc éolien de six aérogénérateurs exploité sur le territoire de la commune de Citerne et a indiqué que la construction autorisée par un arrêté du 13 novembre 2009 " bénéficie de l'antériorité " et " relève de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ".

11. D'autre part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, ratifié par le paragraphe III de l'article 56 de la loi du 10 août 2018 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) / Les dispositions du présent article sont précisées et, le cas échéant, complétées par décret en Conseil d'Etat ".

12. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le législateur a entendu organiser une transition entre le régime de l'autorisation environnementale qu'il instituait par l'ordonnance du 26 janvier 2017 et les régimes antérieurs en prévoyant que les autorisations délivrées sur la base des régimes antérieurement en vigueur sont considérées comme des autorisations environnementales. Tel est notamment le cas des installations autorisées à fonctionner au bénéfice des droits acquis, que l'article L. 553-1 du code de l'environnement assimile à des installations autorisées sur le fondement du titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement.

13. Il résulte de ce qui précède que le permis de construire délivré le 13 novembre 2009, en cours de validité ainsi qu'il a été dit au point 8 à la date du 1er mars 2017, date d'entrée vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, relatif à des installations autorisées à fonctionner au bénéfice des droits acquis, est considéré comme une autorisation environnementale. Par suite, seules les dispositions du code de l'environnement lui sont applicables à compter de cette date.

Sur la légalité de la décision du 10 juillet 2018 :

En ce qui concerne sa légalité externe :

14. En premier lieu, il ressort de l'arrêté préfectoral du 4 juillet 2018, régulièrement publié, que M. B... F..., signataire de la décision en litige, chargé d'assurer la suppléance du poste de secrétaire général de la préfecture de la Somme du 7 au 29 juillet 2018 inclus, avait reçu délégation de signature du préfet en toutes matières relevant des attributions du secrétaire général. Par un arrêté préfectoral du 5 juin 2018, régulièrement publié, M. Jean-Charles Geray, secrétaire général de la préfecture, avait lui-même reçu délégation du préfet de la Somme pour signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département (...) à l'exception des mesures concernant la défense nationale, des ordres de réquisition du comptable public et des arrêtés de conflit ".

15. Dès lors, M. B... F... avait reçu délégation régulière du préfet de la Somme pour signer la décision du 10 juillet 2018 en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté.

16. En deuxième lieu, il ressort de la mention " préfet de la Somme " que la décision en litige a été prise au nom de l'État. La décision de prorogation du permis de construire comporte le n° du permis de construire, le nom de son bénéficiaire ainsi que l'adresse du terrain, l'objet de l'autorisation d'urbanisme et la date de sa délivrance. Si la décision est intitulée " certificat de permis tacite ", il ressort de ses termes qu'elle répond expressément à une demande de prorogation de la validité du permis de construire accordé. Si elle ne mentionne pas l'adresse de la société bénéficiaire de la prorogation, celle-ci est publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, lequel constitue une annexe au Journal officiel, et est dès lors opposable aux requérants. Le moyen tiré de l'absence de clarté de la décision du 10 juillet 2018 et de l'insuffisance des mentions qu'elle comporte doit, par suite et en tout état de cause, être écarté.

17. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la décision de prorogation doit être motivée, la méconnaissance du d) de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ne pouvant être utilement invoquée pour les raisons exposées au point 13. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

18. Enfin, la décision de prorogation attaquée a été prise par un acte exprès du préfet de la Somme. Le moyen tiré de ce que la prorogation ne pouvait être tacitement accordée manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne sa légalité interne :

S'agissant de la qualité de la société pétitionnaire pour solliciter une prorogation :

19. Il est constant que la société Nuevas Energias de Occidente Galia, devenue la société EDP Renewables France est venue aux droits de la SARL Recherches et Développements Eoliens. Par ailleurs, aucune disposition législative ni aucun texte ne prévoit que la société pétitionnaire justifie de sa qualité pour demander la prorogation de l'autorisation accordée. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas qualité pour solliciter cette prorogation, en raison de l'absence de décisions de transfert des autorisations, doit être écarté.

S'agissant du délai de caducité de l'arrêté du 13 novembre 2009 devenu autorisation environnementale :

20. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction.

21. Il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation environnementale d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Cependant, il lui appartient d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.

22. Aux termes de l'article R. 181-48 du code de l'environnement : " I. - L'arrêté d'autorisation environnementale cesse de produire effet lorsque le projet n'a pas été mis en service ou réalisé soit dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation soit dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation, sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai et sans préjudice des dispositions des articles R. 211-117 et R. 214-97 (...) ". Aux termes de l'article R. 515-109 du même code : " I. - Les délais mentionnés aux premiers alinéas des articles R. 181-48 et R. 512-74 peuvent être prorogés dans la limite d'un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande de l'exploitant, en l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation ou la déclaration, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'exploitant ne peut mettre en service son installation dans ce délai. / Nonobstant les dispositions des deux premières phrases de l'article R. 123-24, la prorogation susmentionnée emporte celle de la validité de l'enquête publique. / II. - Pour les installations mentionnées au premier et au quatrième alinéa de l'article L. 515-44, le bénéfice des droits acquis est soumis aux règles de caducité prévues aux articles R. 181-48, R. 512-74 et au I du présent article dans les conditions suivantes : / 1° Le délai de mise en service de trois ans court à compter du 1er janvier 2016 ou à compter de la date de notification à son bénéficiaire du permis de construire mentionné à l'article L. 515-44 si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2016 ; / 2° Le délai de mise en service n'excède pas huit ans, ce délai incluant les trois ans mentionnés à l'alinéa précédent ; (...) "

23. Ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 13, le projet bénéficiait des droits acquis à la date du 1er mars 2017 au sens de l'article L. 553-1 du code de l'environnement repris en substance à l'article L. 515-44 du même code. Dès lors, conformément aux dispositions du 1°) du II de l'article R. 515-109, le délai de sa mise en service a commencé à courir au 1er janvier 2016 pour une durée de trois ans et s'est achevé le 1er janvier 2019. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la demande de prorogation de l'autorisation formulée le 18 avril 2017 est intervenue en dehors de son délai de validité.

S'agissant de la tardiveté de la demande :

24. Si les requérants invoquent l'article R. 181-49 introduit au code de l'environnement par le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017, aux termes duquel: " La demande de prolongation ou de renouvellement d'une autorisation environnementale est adressée au préfet par le bénéficiaire deux ans au moins avant la date d'expiration de cette autorisation ", la décision en litige n'a pour objet ni la prolongation ni le renouvellement d'une autorisation limitée dans le temps, mais la prorogation du délai de mise en service ou de réalisation d'une installation sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 515-109 du code de l'environnement. Le moyen tiré de ce que la demande de prorogation a été présentée tardivement en méconnaissance de l'article R. 181-49 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté.

S'agissant du délai de validité de l'enquête publique :

25. Aux termes de l'article L. 123-24 du code de l'environnement : " Sauf disposition particulière, lorsque les projets qui ont fait l'objet d'une enquête publique n'ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de l'adoption de la décision soumise à enquête, une nouvelle enquête doit être conduite, à moins que, avant l'expiration de ce délai, une prorogation de la durée de validité de l'enquête ne soit décidée par l'autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l'enquête a été organisée. (...) ".

26. L'introduction d'un recours devant la juridiction administrative contre l'acte d'autorisation a pour effet de suspendre le délai de cinq ans. La suspension prend effet à compter de la date d'introduction du recours jusqu'à la date à laquelle de la décision statuant sur ce recours est devenue irrévocable.

27. Dans ces conditions, l'enregistrement, le 19 février 2010 devant le tribunal administratif d'Amiens, d'un recours contre le permis de construire accordé après une enquête publique ainsi que l'appel contre le jugement rendu ont eu pour effet, même si aucune décision de prorogation n'a été prise, de suspendre le délai de cinq ans de validité de l'enquête publique prévu à l'article L. 123-24 du code de l'environnement Ainsi qu'il a été dit plus haut, la décision juridictionnelle est devenue irrévocable le lendemain du 3 décembre 2015 et le délai de validité de l'enquête publique a recommencé à courir après cette date. Il n'était donc pas expiré le 10 juillet 2018 date à laquelle a été prise la décision en litige.

28. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le délai de validité de l'enquête publique était expiré en application des dispositions de l'article R. 123-24 du code de l'environnement et de l'article 59 de la loi du 3 janvier 2003 susvisée et qu'une nouvelle enquête publique devait être conduite avant que le préfet prenne la décision en litige.

S'agissant du détournement de pouvoir :

29. Le détournement de pouvoir, allégué par les requérants, tenant à l'absence d'instruction de la demande de prorogation, n'est établi par aucune pièce du dossier. Il doit donc être écarté.

30. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision du 10 juillet 2018 est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision tacite d'acceptation du préfet de la Somme prorogeant, à compter du 20 septembre 2019 le délai de validité de l'autorisation du 13 novembre 2009 :

31. Il résulte du point précédent que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 10 juillet 2018, ne peut qu'être écarté.

32. Pour les motifs exposés au point 19, le moyen tiré de ce que la société EDP Renewables n'avait pas qualité pour solliciter cette prorogation doit être écarté.

33. Aux termes de l'article R. 424-22 du code de l'urbanisme : " La demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité ". Il ressort de ce qui a été dit au point 13 que les dispositions du code de l'urbanisme ne sont pas applicables à la prorogation de l'autorisation accordée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la demande n'a pas été adressée au maire est inopérant.

34. Les requérants n'établissent pas par les pièces qu'ils produisent que la demande de prorogation n'aurait pas fait l'objet d'une instruction effective et complète et impartiale.

35. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 20, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en litige a méconnu les dispositions de l'article R. 181-49 du code de l'environnement et que la demande de prorogation a été présentée tardivement.

36. Aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation ". L'article D. 231-1 du même code prévoit : " La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise ". Ce site internet dénommé "service-public.fr" mentionne que : " Ce service en ligne recense seulement les démarches pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation. Cette information n'est donnée qu'à titre indicatif ". Enfin, aux termes de R. 515-109 du code de l'environnement : " III - Si cette décision est acquise implicitement, la demande fait l'objet des mesures de publicité prévues par l'article L. 232-2 du code des relations entre le public et l'administration ". Il résulte de ces dispositions combinées et du caractère indicatif des données du site internet " service-public.fr " qu'une telle décision de prorogation est implicitement accordée après un silence gardé pendant deux mois. Le moyen tiré de l'impossibilité d'obtenir une décision implicite doit, par suite, être écarté.

37. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que le projet, qui a fait l'objet d'une étude d'impact, est autorisé à fonctionner au bénéfice des droits acquis au sens de l'article L. 515-44 du code de l'environnement. Le moyen tiré de ce que ces droits auraient disparu au 25 août 2012, date d'expiration du délai d'un an ouvert aux exploitants de certaines installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent pour se faire connaître du préfet doit, par suite, être écarté. Pour le même motif, le moyen tiré de l'obligation de recourir à la procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement n'est pas de nature à affecter la régularité de la décision en litige.

38. La décision du 10 juillet 2018 ayant régulièrement prorogé l'autorisation accordée jusqu'au 24 novembre 2019, le moyen tiré de ce que le permis de construire du 13 novembre 2009, considéré comme une autorisation environnementale, était devenu caduc avant l'intervention de la décision en litige doit être écarté.

39. Les requérants soutiennent que la demande de prorogation présentée le 18 juillet 2019 n'était pas suffisamment justifiée au sens de l'article R. 181-48 du code de l'environnement et que l'exploitant ne remplit pas la condition d'existence de motifs indépendants de sa volonté justifiant le retard de la mise en service du projet, prévue par l'article R. 515-109 du code de l'environnement. Il résulte toutefois de l'instruction que le poste de raccordement de Limeux ne comportait plus, à la date d'envoi au préfet du projet de schéma régional révisé de raccordement au réseau des énergies renouvelables, soit au 12 juillet 2018, de capacités disponibles sans investissement et que ce schéma prévoit de créer un poste supplémentaire à côté du poste existant de Limeux d'une capacité nouvelle de 80 MW. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction, quand bien même est produit à l'instance un extrait d'une offre d'ENEDIS du 30 mai 2017, non signée, qui propose un raccordement au réseau au futur poste de Limeux dans le cadre du schéma de raccordement en cours de révision, que le retard de la mise en service du projet ne relève pas de motifs indépendants de la volonté de l'exploitant qui ne pouvait pas bénéficier d'une capacité suffisante de raccordement au réseau d'ENEDIS pour un projet ayant d'ailleurs fait l'objet d'un recours contentieux qui s'est poursuivi jusqu'au 2 octobre 2015. Enfin, la circonstance que d'autres projets de parcs éoliens ont été mis en service à proximité reste sans incidence. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de justification de cette condition doit être écarté.

40. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 515-109 du code de l'environnement que la prorogation de l'autorisation emporte celle de la validité de l'enquête publique. Dès lors, et compte tenu de ce qui a été dit au point 28, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le délai de validité de l'enquête publique était expiré et qu'une nouvelle enquête publique devait être conduite avant que le préfet prenne la décision en litige.

41. Le détournement de pouvoir, allégué par les requérants, tenant à l'absence d'instruction effective et impartiale de la demande de prorogation, n'est établi par aucune pièce du dossier. Ce moyen doit donc être écarté.

42. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. N..., Mme N..., M. H..., M. M..., l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 10 juillet 2018 et de la décision tacite d'acceptation du préfet de la Somme prorogeant, à compter du 20 septembre 2019, le délai de validité de l'autorisation accordée le 13 novembre 2009. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

43. Les conclusions présentées par les requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'étant pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants la somme globale de 2 000 euros à verser à la société EDPR France Holding au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. N..., de Mme N..., de M. H..., de M. M..., de l'association samarienne de défense contre les éoliennes industrielles et de la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France sont rejetées.

Article 2 : M. N... et autres verseront la somme globale de 2 000 euros à la société EDPR France Holding au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me L... D... pour M. I... N..., Mme G... N..., M. C... H..., M. K... M..., l'association Samarienne de Défense contre les Eoliennes Industrielles et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, au ministre de la transition écologique et à Me A... J... pour la Société EDPR France Holding.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

N°19DA02542...

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02542,19DA02543
Date de la décision : 07/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Prorogation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Rollet-Perraud
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET D' AVOCATS PHILIPPE AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-07;19da02542.19da02543 ?
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