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13/04/2021 | FRANCE | N°19DA01494

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 13 avril 2021, 19DA01494


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, la société par actions simplifiée Auchan hypermarché, représentée par Me G... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 4 avril 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé l'extension de 465 m2 de la surface de vente d'un magasin d'alimentation de 955 m2 à l'enseigne Lidl situé sur le territoire de la commune de Cambrai ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, la société par actions simplifiée Auchan hypermarché, représentée par Me G... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 4 avril 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé l'extension de 465 m2 de la surface de vente d'un magasin d'alimentation de 955 m2 à l'enseigne Lidl situé sur le territoire de la commune de Cambrai ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me E... F... représentant la SAS Auchan hypermarché , et de Me H... C... substituant la selarl Leonem Avocats représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SNC Lidl exploite depuis août 2017 un commerce alimentaire d'une surface de vente de 955 m2 à l'enseigne Lidl situé sur le territoire de la commune de Cambrai. Son projet d'extension de 465 m2 de la surface de vente de ce magasin, pour la porter à 1420 m2, a donné lieu à un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord le 29 novembre 2018.

2. Cette décision a été contestée par la SAS Auchan hypermarché devant la Commission nationale d'aménagement commercial qui, par une décision du 4 avril 2019, a autorisé l'extension du commerce. La SAS Auchan hypermarché demande à la cour l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la convocation des membres de la commission nationale :

3. Aux termes de l'article R. 75235 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procèsverbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

4. D'une part, si la société requérante soutient que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ont pas été convoqués dans les formes prévues par la disposition précitée, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été convoqués le 20 mars 2019 à la réunion du 4 avril suivant par une lettre signée par la secrétaire de la Commission conformément à l'article 2 du règlement de la Commission, publié sur son site, portant délégation de signature du président à la secrétaire pour procéder aux convocations. En tout état de cause, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'irrégularité alléguée à ce titre aurait exercé une influence sur le sens de l'avis émis par la Commission ou aurait privé les intéressés d'une garantie.

5. D'autre part, la lettre de convocation informait ses destinataires que les documents utiles seraient mis à leur disposition sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance et aucun élément concret versé au dossier ne suggère que tel n'a pas été le cas.

6. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 75235 du code du commerce doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du fractionnement du projet :

7. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. (...) 4° la création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la SNC Lidl exploite le commerce objet du présent litige, d'une surface de vente de 955 m2, depuis août 2017 et qu'elle a saisi la commission départementale d'aménagement commercial du Nord, dès le 12 octobre 2018, de son projet d'extension de la surface de ce magasin pour la porter à 1 420 m2.

9. Toutefois, d'une part, il est constant que la SNC Lidl a elle-même indiqué, dans son dossier de demande d'autorisation commerciale relatif à l'extension, que " Dès le dépôt du permis de construire du magasin, des réflexions ont été initiées dans l'objectif d'optimiser la surface de vente, notamment en prévoyant un local non affecté en continuité de la surface de vente, qui permettra l'extension de 425 m² de la surface de vente au sein de la coque du bâtiment existant ". Ainsi la Commission nationale d'équipement commercial était informée de la teneur réelle du projet avant de rendre sa décision.

10. D'autre part, il ne ressort ni de la motivation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial, dont le premier motif s'est plaint du fractionnement de la réalisation du projet de la SNC Lidl et dont les motifs suivants ont analysé les incidences du projet dans sa globalité, ni d'aucune autre pièce du dossier que la Commission n'ait pas examiné le projet de la société pétitionnaire dans son ensemble, lors d'une même séance et en prenant en compte les effets simultanés de la surface de vente initiale et de son extension.

11. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le fractionnement du projet aurait été de nature à vicier la procédure ou l'appréciation des faits par la commission nationale.

En ce qui concerne les objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

12. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ;(...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; (...) ".

13. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.

S'agissant de la consommation économe de l'espace :

14. Le magasin dont l'extension est projetée se situe dans l'enveloppe urbaine de Cambrai et remplacera trois autres établissements de la même enseigne qui se trouvent également dans cette commune et qui seront réoccupés. De plus, les parcelles d'implantation du magasin étaient antérieurement occupées par des habitations qui ont été démolies. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le projet ne répondrait pas à l'objectif de consommation économe de l'espace.

S'agissant des flux de transports et modes de déplacement :

15. D'une part, si la société requérante soutient que les données de l'étude réalisée en 2013 sont obsolètes, elle n'a produit aucun document de nature à établir la réalité de son allégation. Cette étude a conclu que " de légères difficultés et temps d'attentes sont possibles en sortie du magasin Lidl pendant les pointes du vendredi et du samedi soir ". Si elle a préconisé de réaliser certains aménagements de la voirie, l'absence de mention de ces aménagements dans le dossier de demande d'autorisation n'était pas de nature à justifier un refus dès lors que les difficultés de circulation créées par le projet seront mineures. Enfin, la circonstance que la SNC Lidl n'aurait pas réalisé ces aménagements est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

16. D'autre part, le projet est desservi par un premier arrêt de bus situé à 200 mètres accueillant 5 lignes et un second arrêt de bus à 500 mètres accueillant 2 lignes. Si aucune bande ou voie cyclable sur la route départementale 630 n'a été prévue, l'absence d'aménagement cyclable ne justifiait pas, par lui-même, un refus de délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale.

S'agissant de la préservation ou revitalisation du tissu commercial :

17. D'une part, une augmentation de 1,8 % de la population était attendue dans la zone de chalandise entre 2009 et 2019.

18. D'autre part, comme il a été dit plus haut, le magasin agrandi en litige est destiné à remplacer trois autres magasins de la même enseigne situés à Cambrai. La société pétitionnaire a produit une étude, réalisée en mars 2019 par le cabinet Polygone, dont il ressort un faible impact du projet sur le chiffre d'affaires des commerces alimentaires du centre-ville et le taux de vacance des commerces s'élève dans cette ville à 10 % alors que la moyenne nationale atteint 12 %.

19. Dans ces conditions et même si la commune de Cambrai est inscrite au plan " Action Coeur de ville ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet contesté serait de nature à fragiliser son tissu commercial.

S'agissant de la qualité environnementale du projet :

20. La construction existante respecte la norme RT2012 et présente même, au regard de cette norme, une surperformance de 15,5 % sur la consommation d'énergie primaire et de 7,3% sur les besoins bioclimatiques. A l'occasion des travaux, des panneaux photovoltaïques seront installés en toiture. Enfin, le projet prévoit la réalisation de 117 places de stationnement evergreen perméables.

S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet :

21. Le projet présente une architecture contemporaine. Il comporte de nombreuses surfaces vitrées et des façades en pierre bleue. Par ailleurs, il est constant que le projet a été modifié après l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial et prévoit la plantation de 28 arbres de hautes tiges et d'une haie sur deux côtés du terrain d'implantation destinés à améliorer son insertion dans le paysage urbain. Le projet s'intègre ainsi à son environnement.

22. il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale :

23. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial non pas de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

24. D'une part, le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale du Cambrésis approuvé le 23 novembre 2012, énonce, à son chapitre " Maintenir le commerce de proximité au sein des villes et des villages ", que " toute nouvelle implantation de commerce de proximité doit être favorisée en tissu urbain existant par la réouverture ou la reprise d'un ancien commerce ou par la réutilisation d'une friche ou d'une dent creuse ". Or le projet contesté se situe dans la trame urbaine, à proximité immédiate de quartiers d'habitation et sur des parcelles qui étaient déjà occupées avant sa construction. Il n'apparaît ainsi pas incompatible avec l'orientation générale précitée du schéma de cohérence territoriale du Cambrésis.

25. D'autre part, si les habitations qui se trouvaient sur le site d'implantation du magasin dont l'extension est projetée ont été détruites, cette circonstance ne suffit pas à révéler une incompatibilité du projet avec le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale qui pour Cambrai se fixe un objectif de réaliser un logement sur trois en tissu urbain existant.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

26. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC Lidl, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la SAS Auchan hypermarché au titre des frais du litige.

27. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Auchan hypermarché le versement d'une somme de 1 500 euros à la SNC Lidl sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Auchan hypermarché est rejetée.

Article 2 : La SAS Auchan hypermarché versera une somme de 1 500 euros à la SNC Lidl au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me G... D... pour la SAS Auchan hypermarché, à Me B... A... pour la SNC Lidl et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera transmise, pour information, au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19DA01494

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01494
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-13;19da01494 ?
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