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08/04/2021 | FRANCE | N°20DA00021

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 08 avril 2021, 20DA00021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, sous le numéro 1700024, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme l'a placé en congé de maladie ordinaire du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme l'a maintenu à demi-traitement jusqu'à la date de la

décision du comité médical, en tant qu'il ne prévoit pas son maintien à plein tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, sous le numéro 1700024, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme l'a placé en congé de maladie ordinaire du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le maire de Maromme l'a maintenu à demi-traitement jusqu'à la date de la décision du comité médical, en tant qu'il ne prévoit pas son maintien à plein traitement, d'enjoindre à la commune de Maromme de régulariser sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter du jugement et de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative. En second lieu, sous le numéro 1803555, M. A... a demandé au même tribunal d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Maromme lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois, d'annuler la décision portant rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge de la commune de Maromme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700024 et 1803555 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Maromme a prononcé à l'encontre de M. A... une exclusion temporaire de fonctions de trois mois, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux introduit à l'encontre de cet arrêté, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 janvier 2020 et 20 juillet 2020, la commune de Maromme, représentée par la Selarl Huon et Sarfati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Maromme a prononcé à l'encontre de M. A... une exclusion temporaire de fonctions de trois mois, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux introduit à l'encontre de cet arrêté ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est employé par la commune de Maromme en qualité d'ingénieur en chef titulaire depuis le 1er février 2003. A la suite d'un entretien qui s'est tenu notamment avec le maire de Maromme, le 29 septembre 2014, à la demande de M. A... au sujet de ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, ladite commune a estimé que le requérant s'était livré à cette occasion à une tentative de chantage. Par un arrêté du 23 mars 2018, le maire de Maromme a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions de trois mois. Par un courrier du 22 mai 2018, reçu le 24 mai 2018 et demeuré sans réponse, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette sanction disciplinaire. La commune de Maromme relève appel du jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Maromme a prononcé à l'encontre de M. A... une exclusion temporaire de fonctions de trois mois, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux introduit à l'encontre de cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. L'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique. Tel n'est pas le cas lorsque le ministère public décide, avant de classer la procédure, de prononcer des mesures alternatives aux poursuites sur le fondement de l'article 41-1 du code de procédure pénale, tel qu'un rappel des obligations résultant de la loi. Les faits alors constatés par le procureur de la République ne s'imposent ni à l'administration ni au juge disciplinaire. Il appartient, dans ce cas, au juge disciplinaire d'apprécier si les faits, qui peuvent, d'ailleurs, être différents de ceux qu'avait connus le procureur de la République, sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction.

3. Pour justifier la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de trois mois retenue à l'encontre de M. A..., le maire de Maromme a, dans son arrêté en litige du 23 mars 2018, retenu qu'il est reproché à l'intéressé d'avoir, à l'occasion d'une réunion organisée à sa demande, le 29 septembre 2014, " voulu exercer un chantage sur la personne du maire en déclarant détenir des informations compromettantes concernant notamment des pratiques douteuses de la collectivité et en indiquant qu'il s'apprêtait à les communiquer aux membres du conseil municipal " et a estimé que la matérialité des faits était établie par trois témoignages concordants et évoqué le rappel à la loi effectué par le procureur de la République à l'encontre de M. A....

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la circonstance que le procureur de la République a, le 23 juin 2016, convoqué M. A... au tribunal de grande instance de Rouen, lui a rappelé les termes de la loi et lui a indiqué que, dans l'hypothèse d'un quelconque fait nouveau, il serait poursuivi pénalement devant la juridiction compétente, n'est pas de nature à établir la matérialité des faits reprochés à l'intéressé.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du maire de Maromme en date du 20 novembre 2014 que celui-ci a restitué les échanges intervenus lors de l'entretien du 29 septembre 2014 au cours duquel M. A... aurait déclaré, à plusieurs reprises, détenir des informations compromettantes et que, dans l'hypothèse où il n'obtiendrait pas satisfaction pour l'ensemble de ses demandes, il informerait les membres du conseil municipal de pratiques douteuses au sein de la collectivité. Par un courrier du 19 juin 2015, le représentant de l'union nationale des syndicats autonomes qui a participé à cet entretien a confirmé les propos relatés dans le compte-rendu établi par le directeur général des services de la commune de Maromme, également présent au cours de cet entretien. Si, dans son courrier du 12 novembre 2014, M. A... a indiqué au maire de Maromme que ses propos visaient à informer le conseil municipal, qu'il pensait à tort compétent, de sa demande de protection fonctionnelle au regard des faits de harcèlement moral dont il se prévalait, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a sollicité, au cours de l'entretien du 29 septembre 2014, de ne plus être rattaché à son responsable hiérarchique direct, d'obtenir une fiche de poste claire et d'envisager une affectation au sein de la métropole Rouen Normandie. Ainsi, et quand bien même il a adressé à son employeur, le 5 février 2015, une demande de protection fonctionnelle, il n'a pas sérieusement contesté les propos qu'il aurait tenus au cours de l'échange qui ont été rapportés par le maire de Maromme dans son courrier du 20 novembre 2014 et corroborés par un représentant syndical. Dans ces conditions, en sollicitant du maire de Maromme qu'il prenne certaines décisions en sa faveur à défaut de quoi il révèlerait au conseil municipal des informations qu'il qualifie lui-même de compromettantes, les faits de chantage qui sont reprochés à M. A... au cours de l'entretien qui s'est déroulé le 29 septembre 2014, et indépendamment de leur qualification pénale, doivent être regardés comme établis. La circonstance que le dépôt de plainte par le maire de Maromme auprès du procureur de la République n'est intervenu que le 20 février 2015 est sans incidence sur l'existence de ces faits. Dès lors, la commune de Maromme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a retenu que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur de fait et annulé, pour ce motif, l'arrêté du 23 mars 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et la cour.

Sur les autres moyens soulevés :

7. En premier lieu, l'exigence de motivation, prévue par l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, de l'avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline constitue une garantie. Cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire comportant des mentions suffisantes.

8. Il ressort des termes de l'avis rendu par le conseil de discipline le 29 janvier 2018 que celui-ci a estimé, à la majorité de ses membres, que les faits reprochés n'étaient pas établis et qu'aucune sanction disciplinaire ne pouvait être prononcée à l'encontre de l'intéressé. La circonstance, à la supposer établie, que le président du conseil de discipline aurait indiqué, lors du prononcé oral de la sanction, que l'avis avait été émis à l'unanimité de ses membres, est sans incidence sur la régularité de celui-ci qui est suffisamment motivé et qui, au demeurant, comme il a été dit, s'est prononcé en défaveur de l'édiction d'une sanction disciplinaire à l'encontre de M. A.... Par suite, le moyen tiré de défaut de motivation de l'avis du conseil de discipline et du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté en litige doit être écarté.

9. En second lieu, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les faits de chantage reprochés à M. A... sont établis. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut d'excellentes appréciations, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de nombreuses remarques de la part de sa hiérarchie concernant notamment sa manière de servir et la virulence de certains de ses propos à l'encontre de ses collègues et de sa hiérarchie. La circonstance qu'il n'a précédemment fait l'objet que d'un blâme, le 1er septembre 2008, au motif d'un refus d'obéissance et d'un non-respect du devoir de réserve et de discrétion, ne permet pas d'estimer, eu égard à la gravité des faits de chantage reprochés et nonobstant la circonstance que le conseil de discipline a rendu un avis défavorable au prononcé d'une sanction, que le maire de Maromme aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de trois mois. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Maromme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 mars 2018 infligeant à l'intéressé une sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de trois mois, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux. Par suite, ce jugement doit être annulé et les conclusions présentées par M. A... à fin d'annulation de cet arrêté et de cette décision de rejet de son recours gracieux doivent être rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Maromme au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Maromme a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Maromme la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl Huon et Sarfati pour la commune de Maromme et à la Selarl Ebc Avocats pour M. A....

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N°20DA00021

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00021
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CABINET HUON ET SARFATI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-08;20da00021 ?
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