La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2021 | FRANCE | N°19DA01742

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 mars 2021, 19DA01742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 96 451,02 euros, de 50 000 euros et de 5 000 euros, augmentées des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices correspondant respectivement à la perte de salaire, à la perte des droits à la retraite et au préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement illégal, alors qu'il exerçait les fonctions de formateur du groupement d'établissements de Dieppe-Caux-Bra

y-Bresle.

Par un jugement n° 1301908 du 15 septembre 2015, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 96 451,02 euros, de 50 000 euros et de 5 000 euros, augmentées des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices correspondant respectivement à la perte de salaire, à la perte des droits à la retraite et au préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement illégal, alors qu'il exerçait les fonctions de formateur du groupement d'établissements de Dieppe-Caux-Bray-Bresle.

Par un jugement n° 1301908 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit partiellement à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser, à titre de réparation de la perte de salaire et du préjudice moral, une somme globale de 23 379,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2013 et capitalisation des intérêts échus au 4 juillet 2013 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Il a renvoyé M. A... devant le recteur d'académie de Rouen afin que sa situation auprès des organismes de retraite concernés soit régularisée.

Par un arrêt n° 15DA01779 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il statue sur le préjudice au titre de la perte de points de retraite, a condamné l'Etat à verser à M. A... à ce titre, la somme de 4 050 euros et a recalculé la somme mise à la charge de l'Etat à titre de réparation des préjudices moral et représentatif de la perte de rémunération en la portant à 24 379,56 euros. Elle a par ailleurs rejeté le surplus des conclusions.

Par une décision n° 417984 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et a renvoyé l'affaire devant cette cour.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête initialement enregistrée sous le n° 15DA01779, le 9 novembre 2015 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2017, M. A..., représenté par la société civile professionnelle Morival Amisse Mabire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 en tant qu'il ne lui donne pas entièrement satisfaction ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 92 518 euros et de 5 000 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2011 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices matériel et moral qu'il a subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Reprise d'instance après cassation :

Par des mémoires, enregistrés les 20 septembre 2019 et 16 mars 2020, M. B... A..., représenté par la société civile professionnelle Morival Amisse Mabire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 92 518 euros au titre du préjudice financier, subsidiairement de déduire de la somme de 96 451,02 euros à ce titre, les cotisations retraite, la cotisation sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale ainsi que la somme de 32 493,44 euros au titre des indemnités pôle emploi perçues et d'y ajouter la somme de 30 000 euros au titre de la perte des droits à la retraite ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

4°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2011, à défaut à compter du 11 juin 2013, date de ses demandes préalables, ainsi qu'à la capitalisation desdits intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été employé par le groupement d'établissements de Dieppe-Caux-Bray-Bresle comme formateur contractuel à compter du 31 mars 1999. Son contrat de travail, qualifié comme ayant une durée déterminée, n'a pas été renouvelé à son échéance du 21 août 2005. M. A... a demandé que ce contrat soit requalifié comme étant à durée indéterminée. Le tribunal administratif de Rouen, par jugement du 3 juin 2009, puis la cour administrative d'appel de Douai, par arrêt du 13 janvier 2011, ont annulé le refus du recteur de l'académie de Rouen de procéder à cette requalification et lui ont enjoint de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée et de le réintégrer dans ses fonctions. Le recteur a réintégré M. A... à compter du 27 juillet 2005 et l'a licencié dans l'intérêt du service par un arrêté du 23 mars 2012. Le tribunal administratif de Rouen a annulé ce licenciement par un jugement du 4 avril 2013 devenu définitif. M. A... a alors formé une demande indemnitaire dirigé contre l'Etat. Le tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 15 septembre 2015, a condamné l'Etat à verser à M. A..., à titre de réparation de la perte de salaire et du préjudice moral, une somme globale de 23 379,56 euros, avec intérêts au taux légal au 12 juin 2013 et capitalisation des intérêts échus au 4 juillet 2013 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. M. A... a relevé appel de ce jugement. Le Conseil d'Etat, par sa décision du 24 juillet 2019, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel du 7 décembre 2017 qui avait augmenté les sommes mises à la charge de l'Etat au motif de l'incompétence du recteur de l'académie de Rouen pour se prononcer sur la demande indemnitaire de M. A..., les agents des groupements d'établissement relevant de l'établissement public d'enseignement support du groupement d'établissement, et non de l'Etat. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A... soutient d'abord que la procédure contradictoire n'a pas été respectée devant le tribunal administratif de Rouen, au motif qu'un mémoire du recteur de l'académie de Rouen ne lui a pas été communiqué. Toutefois, ce courrier reçu par le greffe du tribunal le 10 novembre 2014, en réponse à une mesure d'instruction, se bornait à indiquer que le recteur n'était pas en mesure de produire les éléments sollicités. Le moyen tiré du défaut de respect du principe du contradictoire au cours de la procédure devant le tribunal administratif ne pourra qu'être écarté.

3. Le tribunal administratif de Rouen a renvoyé M. A... devant l'administration " afin que sa situation auprès des organismes de retraite concernés soit régularisée " alors que M. A... demandait l'indemnisation du préjudice réparant sa perte de droits à pension. M. A... est donc fondé à soutenir que le jugement contesté s'est mépris, dans cette mesure sur sa demande qui avait une portée indemnitaire. Par suite, l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de sa perte de droits à la retraite. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen en ce qui concerne l'indemnisation de sa perte de droits à retraite. La cour reste par ailleurs saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel des demandes de M. A... relatives à l'indemnisation de ses préjudices financier et moral.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'éducation nationale :

4. M. A... a demandé par courrier du 11 juin 2013 au recteur de l'académie de Rouen, l'indemnisation du préjudice résultant selon lui, de son éviction illégale. Il a saisi le tribunal administratif de Rouen de conclusions indemnitaires afférentes au même fait générateur le 4 juillet 2013. Sa demande de première instance n'était donc en aucun cas tardive. Si M. A... n'a pas répondu à la proposition d'indemnisation qui lui avait été faite par courrier du recteur du 15 juillet 2011, cette proposition avait pour objet de réparer le préjudice né du refus de requalifier son engagement en contrat à durée déterminée et non celui né de la décision du recteur du 23 mars 2012 le licenciant. La fin de non-recevoir opposée en première instance par le ministre de l'éducation nationale ne peut donc qu'être écartée.

5. M. A... demande après cassation, l'indemnisation du préjudice résultant de l'incompétence du recteur à prononcer son licenciement. Ces conclusions ont par ailleurs trait au même fait générateur, l'illégalité du licenciement prononcé le 23 mars 2012, que celui évoqué tant dans sa demande préalable que dans ses conclusions de première instance. La fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé de l'éducation nationale tirée de ce que les conclusions indemnitaires seraient mal dirigées ne peut donc qu'être écartée.

Sur la responsabilité de l'Etat :

6. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

7. M. A... demande l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement. Il y a donc lieu de déterminer si la même décision de refus d'indemnisation aurait été prise par l'autorité compétente, à savoir le proviseur du lycée Gustave-Flaubert de Rouen, établissement public d'enseignement support du groupement d'établissement de Rouen qui a absorbé le groupement d'établissements Dieppe-Caux-Bresle, qui employait M. A.... Le licenciement de M. A... a été prononcé dans l'intérêt du service le 23 mars 2012, soit après l'admission à la retraite de M. A..., intervenu le 31 mars 2009, en méconnaissance du principe que l'admission à la retraite d'un agent public fait obstacle à toute décision postérieure relative à la carrière de l'intéressé, comme l'a jugé par un jugement devenu définitif du 4 avril 2013, le tribunal administratif de Rouen. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'intérêt du service mis en avant pour justifier le licenciement serait établi. Le proviseur du lycée Gustave Flaubert de Rouen n'aurait donc pas pu prendre la même décision de licenciement que celle prise par le recteur le 23 mars 2012. Par suite, le préjudice résultant de cette décision est en lien direct avec le refus d'indemnisation pris par une autorité incompétente.

Sur l'indemnisation des préjudices financier et moral examinée par la voie de l'effet dévolutif :

En ce qui concerne la perte de revenus :

8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

9. M. A... a subi du fait de son licenciement une perte de traitement de la date de son licenciement, le 22 août 2005, jusqu'à sa date d'admission à la retraite, le 31 mars 2009. M. A... était employé à quatre-vingt pour cent et rémunéré sur la base de l'indice nouveau majoré 456, à compter du 28 mai 2005, en vertu de l'avenant du 18 mars 2005 à son contrat de travail. Son préjudice peut donc être évalué, à la somme de 56 614,23 euros comme il le soutient sans être sérieusement contredit sur la base des fiches de paie qu'il produit, dont il convient de déduire les indemnisations perçues de Pôle emploi sur la période et qui s'élèvent à la somme de 34 284,44 euros. Si M. A... soutient que ce préjudice doit prendre en compte les traitements bruts, il ne justifie pas s'être acquitté directement auprès des organismes sociaux des cotisations sociales correspondantes, ni avoir été privé des prestations sociales afférentes à ces cotisations. De même, s'il soutient que doivent être déduites les cotisations de préretraite des sommes perçues de Pôle emploi, l'attestation de cet organisme qu'il produit en appel démontre qu'il a bien perçu la somme précitée.

10. M. A... soutient également qu'il aurait dû être employé à plein temps au motif que l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique d'Etat n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre le recrutement d'agents contractuels pour assurer des fonctions qui, tout en correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet. Toutefois, le préjudice de M. A... n'est pas en lien avec son recrutement mais avec l'illégalité de son licenciement. Par ailleurs, l'article 34 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat permet à un contractuel en poste d'exercer son service à temps partiel pour des quotités allant de cinquante à quatre-vingt-dix pour cent. M. A... ne démontre ni qu'il ait été contraint de demander un tel temps partiel, ni qu'il avait une chance sérieuse d'être employé à temps complet, s'il n'avait pas été licencié. En sens inverse, si des fonctions permanentes impliquant un service à temps incomplet ne peuvent être exercées que par des contractuels recrutés en application de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 pour une durée n'excédant pas soixante-dix pour cent d'un temps complet, M. A..., recruté pour assurer un besoin permanent à temps complet, a pu exercer son service à temps partiel. Son préjudice ne peut donc être calculé sur la base de soixante-dix pour cent d'un temps complet, contrairement à ce que fait valoir en observations le proviseur du lycée Gustave Flaubert de Rouen. De même, si ce chef d'établissement fait valoir que le besoin avait disparu et que l'emploi de M. A... n'était plus nécessaire à compter de septembre 2005, il ne le démontre pas. Au contraire, le courrier du 29 avril 2005 de M. A... adressé au président du groupement d'établissements évoque seulement une diminution de la quotité d'emploi à soixante pour cent et démontre que M. A... a accompli de nombreuses heures supplémentaires au-delà de son temps partiel, n'accréditant ainsi pas une disparition du besoin. Compte tenu de ces éléments, les demandes des parties que le préjudice soit calculé sur une autre base que 70 % d'un temps plein ne pourra qu'être écarté.

11. M. A... soutient encore que son préjudice financier doit prendre en compte la réévaluation triennale de la rémunération des agents employés à durée indéterminée prévue par l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 précité. Si la rémunération de M. A... a été réévaluée par l'avenant à son contrat du 16 mai 2002 qui l'a calculée sur la base de l'indice nouveau majoré 424 contre 406 auparavant et par l'avenant du 18 mars 2005, qui l'a fixée sur la base de l'indice 456, M. A... n'apporte aucun autre élément de nature à démontrer que sa rémunération aurait à nouveau augmenté sur la période allant du 22 août 2005 à sa mise à la retraite, le 31 mars 2009, alors que l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent contractuel et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, Par suite, M. A... n'établit pas qu'il a été privé d'une perte de chance sérieuse que sa rémunération soit augmentée et ne justifie donc pas que son préjudice soit calculé sur une base supérieure à l'indice nouveau majoré 456 dont il bénéficiait depuis le 28 mai 2005. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que le préjudice de revenus de M. A... doit être fixé à la somme de 22 329,79 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral :

12. M. A... soutient sans être sérieusement contredit qu'il a été privé illégalement de ses fonctions de formateur et n'a pu retrouver d'autre emploi. Compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 5 000 euros.

Sur l'indemnisation de la perte de droits à la retraite, examinée par la voie de l'évocation :

13. D'une part, concernant la retraite de base, l'attestation de l'assurance retraite de Normandie produite par M. A... en cause d'appel, établit qu'il avait une durée de cotisations de 163 trimestres, supérieure donc au maximum de 161 trimestres. Par ailleurs, si M. A... soutient qu'il a été privé de rémunérations qui auraient pu être prises en compte au titre des vingt-cinq meilleures années et majorer ainsi sa retraite, il résulte de l'instruction qu'il a été privé, d'après les dernières fiches de paie produites, d'une rémunération brute annuelle de 19 341,48 euros, largement inférieure à la plus faible rémunération des vingt-cinq meilleures années prise en compte pour le calcul de sa retraite, qui est de 20 868,92 euros. M. A... n'établit donc pas qu'il ait perdu une chance sérieuse que sa retraite de base soit supérieure à celle qu'il perçoit.

14. D'autre part, concernant la retraite complémentaire versée par l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, le licenciement illégal de M. A... ne lui a plus permis de cotiser à ce régime. Il ne résulte pas de l'attestation de ce régime, contrairement à ce que fait valoir le lycée Gustave Flaubert de Rouen, qu'il aurait cotisé à ce régime pendant la période d'indemnisation chômage. Par suite, M. A... a été privé de points correspondant à ces cotisations, sa retraite complémentaire aurait donc été majorée en l'absence de licenciement illégal. Compte tenu que M. A... avait acquis 2 409 points de retraite complémentaire au 30 septembre 2005 sur une base de cotisations de 139 313 euros et qu'il a été privé d'une rémunération mensuelle brute de 1 611,79 euros sur la base de sa dernière fiche de paie pendant une durée de quarante-trois mois et dix jours, il sera fait une juste appréciation du nombre de points que M. A... aurait dû acquérir, cette méthode de calcul étant celle de l'appelant et n'étant pas sérieusement contestée en défense, en le fixant à 1 206 points. Si M. A... majore la somme qu'il réclame " compte tenu des majorations d'incident IRCANTEC ", il n'apporte aucune précision sur le bienfondé de cette demande, ni ne démontre qu'il ne s'agit pas d'un préjudice hypothétique. Compte tenu de la valeur du point de ce régime complémentaire à la date du présent arrêt, fixée à 0,48705 euros et de l'espérance de vie de M. A..., né le 20 mars 1949, il sera fait une juste appréciation du préjudice de l'appelant en le fixant à la somme de 6 696 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

15. M. A... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, le 12 juin 2013 sur la somme de 34 025,83 euros que l'Etat est condamné à lui verser en application des points 11, 12 et 14. Il a demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois le 4 juillet 2013. A cette date, une année entière d'intérêts n'était pas due. Par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande, à compter du 12 juin 2014, date à laquelle une année entière d'intérêts était due, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés à l'instance :

16. La présente instance ne comprend aucun dépens qui ne soient demeurés à la charge de l'Etat, au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions des parties sur ce fondement doivent donc être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 est annulé

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme totale de 34 025,83 euros avec intérêts à compter du 12 juin 2013, et capitalisation la première fois, le 12 juin 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, à M. A..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle Morival Amisse Mabire pour M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée pour information à Me D... C... pour le lycée Gustave Flaubert de Rouen.

1

2

N°19DA01742

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01742
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL DAVID ALVES DA COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-25;19da01742 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award