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11/03/2021 | FRANCE | N°19DA00514

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 11 mars 2021, 19DA00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 4 mai 2016 par laquelle La Poste a refusé de lui verser la somme correspondant aux congés annuels qu'il n'a pas été en mesure de prendre pendant ses congés pour maladie ordinaire, de longue maladie et de longue durée du 4 avril 2011 au 4 avril 2016 et de condamner La Poste à lui verser une somme correspondant aux congés non pris d'octobre 2014 à son admission à la retraite, soit trente-et-un jours et demi, dédu

ction faite du versement de 2 043,75 euros intervenu en cours d'instance.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 4 mai 2016 par laquelle La Poste a refusé de lui verser la somme correspondant aux congés annuels qu'il n'a pas été en mesure de prendre pendant ses congés pour maladie ordinaire, de longue maladie et de longue durée du 4 avril 2011 au 4 avril 2016 et de condamner La Poste à lui verser une somme correspondant aux congés non pris d'octobre 2014 à son admission à la retraite, soit trente-et-un jours et demi, déduction faite du versement de 2 043,75 euros intervenu en cours d'instance.

Par un jugement n° 1605055 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision implicite, a renvoyé M. E... devant La Poste afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues au titre de cinq jours de congés annuels non pris et a mis à la charge de la Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2019 et le 21 janvier 2021, La Poste, représentée par la SCP Herald, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H... B..., présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me A... F..., représentant la Poste.

Une note en délibéré présentée par Me C... pour M. E... a été enregistrée le 19 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., fonctionnaire de la Poste, a été placé en congé de maladie du 4 avril 2011 au 4 avril 2016, date de son admission à la retraite. Par courrier du 1er mars 2016, M. E... a sollicité l'indemnisation des jours de congés annuels qu'il n'avait pas été en mesure de prendre, ce que La Poste lui a implicitement refusé. M. E... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à obtenir l'indemnisation de ces congés non pris. En cours d'instance devant le tribunal administratif, La Poste a indemnisé M. E... à hauteur de la somme de 2 043,75 euros, correspondant à vingt-six jours et demi de congés annuels, au titre des années 2015 et 2016, non pris par l'intéressé avant son départ à la retraite. La Poste relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé le refus implicite d'indemniser M. E... de ses congés non pris au titre de l'année 2014 et a renvoyé l'intéressé devant elle afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues au titre des cinq jours de congés annuels correspondant. Par la voie de l'appel incident, M. E... demande l'annulation du jugement en tant que le tribunal administratif a limité à cinq jours de congés non pris son indemnisation.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ". Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ces dispositions font obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s'éteigne à l'expiration de celle-ci. Le droit au report des congés annuels non exercés pour ce motif n'est toutefois pas illimité dans le temps. Si, selon la Cour, la durée de la période de report doit dépasser substantiellement celle de la période au cours de laquelle le droit peut être exercé, pour permettre à l'agent d'exercer effectivement son droit à congé sans perturber le fonctionnement du service, la finalité même du droit au congé annuel payé, qui est de bénéficier d'un temps de repos ainsi que d'un temps de détente et de loisirs, s'oppose à ce qu'un travailleur en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives, puisse avoir le droit de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis durant cette période.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat : " Tout fonctionnaire de l'Etat en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret: " Le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par le chef de service. / Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ". Ces dispositions réglementaires, qui ne prévoient le report des congés non pris au cours d'une année de service qu'à titre exceptionnel, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l'impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison d'un congé de maladie, et s'opposent à l'indemnisation de ces congés lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, sont, dans cette mesure, incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive citée au point 2 et, par suite, sont illégales.

4. En l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu'un agent s'est trouvé, du fait d'un congé maladie, dans l'impossibilité de prendre au cours d'une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d'assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d'une période de quinze mois après le terme de cette année. La Cour de justice de l'Union européenne a en effet jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu'une telle durée de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l'article 7 de la directive. Toutefois ce droit au report s'exerce, en l'absence de dispositions, sur ce point également, dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7.

5. Le droit à l'indemnité financière de remplacement des congés annuels non pris doit s'apprécier à la date de la fin de la relation de travail mentionnée par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, soit pour M. E..., le 4 avril 2016, date de sa mise à la retraite. Eu égard au délai de report de quinze mois, les jours de congés qu'il détenait au titre de l'année 2014 et qu'il n'a pas pu prendre avant le 31 décembre 2014 en raison de son congé de maladie ne pouvaient donner lieu à indemnisation au 4 avril 2016, ces congés étant définitivement perdus au 31 mars 2016 . Il en est de même a fortiori pour les congés non pris des années 2011, 2012 et 2013, dont la période de report a expiré respectivement au 31 mars 2013, 31 mars 2014 et 31 mars 2015. Par suite, La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision implicite de de refus d'indemniser les congés de M. E... au titre de l'année 2014.

6. La Poste a indemnisé M. E... de ses congés non pris à hauteur de vingt jours au titre de l'année 2015 et à hauteur de 6,5 jours de congés au titre de l'année 2016. Le droit au report ainsi que le droit à indemnisation des congés non pris s'exercent, en l'absence de dispositions existantes dans le droit national, dans la limite des quatre semaines prévues par l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il devait être indemnisé à hauteur de vingt-cinq jours de congés au titre de l'année 2015 et à demander, par la voie de l'appel incident, l'indemnisation de cinq jours supplémentaires.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident, que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet d'indemnisation des congés au titre de l'année 2014 et a renvoyé devant elle M. E... afin qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues. Les conclusions d'appel d'incident présentées par M. E... tendant à ce que son indemnisation soit portée à titre principal à la somme de 8 587,33 euros, à titre subsidiaire à la somme de 2 879,66 euros, ou encore à la somme de 701,16 euros à titre infiniment subsidiaire, doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par La Poste au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 31 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif, ses conclusions d'appel incident ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Herald pour La Poste et à Me G... C... pour M. D... E....

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N°19DA00514

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00514
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés annuels.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-11;19da00514 ?
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