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02/03/2021 | FRANCE | N°19DA00512

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 mars 2021, 19DA00512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... K..., Mme F... K... épouse I... et Mme E... K... épouse J... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Vexin-sur-Epte, le projet de création d'un groupe scolaire maternelle et primaire, d'autre part, l'arrêté du 4 juillet 2017 par lequel la même autorité a déclaré cessibles en vue de l'expropriation pour cause d'utilité publique, au profit de la m

me commune, les parcelles cadastrées section D n° 563 et n° 565 sur le territoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... K..., Mme F... K... épouse I... et Mme E... K... épouse J... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Vexin-sur-Epte, le projet de création d'un groupe scolaire maternelle et primaire, d'autre part, l'arrêté du 4 juillet 2017 par lequel la même autorité a déclaré cessibles en vue de l'expropriation pour cause d'utilité publique, au profit de la même commune, les parcelles cadastrées section D n° 563 et n° 565 sur le territoire de cette commune, enfin, la décision du préfet de l'Eure du 31 octobre 2017 ayant rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1704062 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2019 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, les consorts K..., représentés par Me H... B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler les arrêtés des 3 et 4 juillet 2017 et la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me C... A..., représentant la commune de Vexin sur Epte.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 juillet 2017, le préfet de l'Eure a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Vexin-sur-Epte, le projet de création d'un groupe scolaire maternelle et primaire sur son territoire. Par un arrêté du 4 juillet 2017, la même autorité a déclaré cessibles les parcelles cadastrées D 563 et D 565 sur le territoire de cette commune.

2. Les consorts K..., propriétaires de ces parcelles, ont demandé au préfet de l'Eure de retirer ces arrêtés. Le préfet a rejeté leur recours gracieux le 31 octobre 2017. Les consorts K... ont alors demandé l'annulation de ces décisions au tribunal administratif de Rouen qui a rejeté leur demande par un jugement du 21 décembre 2018 dont ils font appel.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :

En ce qui concerne l'article R. 112-4 du code de l'expropriation :

3. Aux termes de cette disposition : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses. "

4. L'obligation ainsi faite à l'autorité qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, revêtent un caractère d'utilité publique. Elle ne saurait toutefois conduire à inclure dans ce coût celui d'ouvrages distincts, ayant une finalité propre et dont le financement n'est pas nécessairement lié à celui du projet qui fait l'objet de la déclaration d'utilité publique.

S'agissant de la construction du groupe scolaire d'Ecos :

5. D'une part, si la construction des deux groupes scolaires d'Ecos et de Tourny s'inscrivait dans le projet de la commune de Vexin-sur-Epte de regrouper les établissements scolaires existant sur son territoire et si elle a été envisagée dans des délibérations adoptées au cours d'une même séance du conseil municipal, le projet de Tourny avait vocation à accueillir les enfants des communes déléguées de Tourny, Cahaignes, Cantiers, Fontenay-en-Vexin, Forêt-la-Folie et Guitry tandis que celui d'Ecos concernait les enfants des communes de Berthenonville, Bus-Saint-Rémy, Civières, Dampsmesnil, Fours-en-Vexin et Ecos. La construction de chacun des groupes scolaires avait donc une finalité propre.

6. D'autre part, la réalisation du groupe scolaire d'Ecos ne nécessitait pas d'expropriation et les procédures de passation des marchés ainsi que les subventions étaient distinctes pour les deux projets d'Ecos et de Tourny, de sorte que leur réalisation ne se conditionnait pas l'une l'autre.

S'agissant du gymnase de Tourny :

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que si le gymnase dont la construction est programmée à proximité du projet litigieux, dans le cadre du contrat du Pays de Vexin Normand, est destiné à recevoir des activités sportives scolaires et périscolaires, il répond également à un manque d'équipements pour la pratique de nombreux sports et vise à apporter une offre complémentaire aux associations sportives du territoire de la commune. La finalité du groupe scolaire et celle du gymnase étaient donc distinctes.

8. D'autre part, les deux opérations bénéficiaient de financements distincts et leur réalisation ne se conditionnait pas l'une l'autre.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le coût financier de la construction du groupe scolaire d'Ecos et celui de la construction du gymnase devaient être pris en compte dans l'appréciation sommaire des dépenses figurant au dossier de la déclaration d'utilité publique de la réalisation du groupe scolaire de Tourny.

En ce qui concerne l'article R. 123-19 du code de l'environnement :

10. Aux termes de cette disposition : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

11. Si la règle de motivation résultant des dispositions précitées n'implique pas que le commissaire enquêteur soit tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, elle l'oblige à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

12. En l'espèce, le rapport du commissaire enquêteur a d'abord rappelé l'observation faite par Mme G... L... sur la suppression de l'accès large de dix mètres qui avait été réservé à la parcelle D 563 et sur la largeur insuffisante du passage prévu plus au sud. Il a ensuite cité la réponse apportée par le maître d'ouvrage, également annexée au rapport, qui évoquait la création de ce passage d'une largeur de six mètres desservant l'école, le parking et le gymnase et débouchant sur la parcelle D 563, de sorte que celle-ci restait accessible. Il a ensuite analysé les caractéristiques de la voie nouvelle ainsi créée puis a conclu : " Pour la réponse à cette observation, il faut se référer à celle écrite ci-dessus. "

13. Le commissaire enquêteur doit être regardé comme s'étant ainsi approprié cette réponse faite par le maître d'ouvrage, quel qu'en ait été le bien-fondé, qu'il estimait de nature à répondre à l'interrogation qui lui avait été soumise.

14. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne l'utilité publique :

15. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'expropriation : " L'utilité publique est déclarée par l'autorité compétente de l'Etat. "

16. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

17. En premier lieu, l'intérêt général que revêt la construction projetée d'un groupe scolaire comptant 16 classes afin d'accueillir 350 élèves qui jusqu'alors étaient accueillis dans 6 écoles n'est pas contesté, ce regroupement permettant une mutualisation des activités pédagogiques.

18. En deuxième lieu, la localisation du projet s'inscrit dans une stratégie globale de développement de la commune, afin de renforcer le coeur du village de la commune déléguée de Tourny, qui consiste également en la réhabilitation du restaurant et du gîte, la construction d'un pôle médical, la mise en valeur d'une halle et la réalisation d'un pôle multi-services.

19. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que la création du groupe scolaire prévu à Tourny pouvait trouver à s'implanter sur la parcelle ZI n° 222 d'une superficie de 20 663 m2 située à Ecos, ils n'établissent pas que l'implantation qu'ils proposent permettait de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes, notamment en termes de transports scolaires pour les communes déléguées les plus excentrées, sans recourir à l'expropriation.

20. Enfin, s'agissant du coût financier de l'opération, il n'y a pas lieu, comme il a été dit, de tenir compte du coût des projets de création du groupe scolaire d'Ecos et du gymnase de Tourny. Par ailleurs, le commissaire enquêteur a relevé dans son rapport, s'agissant du seul projet de construction du groupe scolaire de Tourny, que son coût financier de 5 millions d'euros était " maîtrisé, limité et acceptable ". Les requérants n'apportent aucun élément de nature à démontrer le caractère erroné de cette appréciation.

21. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 121-1 du code de l'expropriation doit être écarté.

En ce qui concerne le plan local d'urbanisme de Tourny :

22. Aux termes de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / Le maire de la ou des communes intéressées par l'opération est invité à participer à cet examen conjoint. "

23. L'opération qui fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan local d'urbanisme qu'à la double condition qu'elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d'aménagement retenu par la commune dans ce plan et qu'elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue.

24. L'emplacement réservé donnant accès à la parcelle D 563 était initialement numéroté 21 et large de 10 mètres. Si l'arrêté du maire de Vexin sur Epte du 5 avril 2016 ouvrant une procédure de modification simplifiée du plan local d'urbanisme a envisagé de réduire cette largeur à 1,90 mètre, la délibération du conseil municipal du 16 juin 2016 approuvant cette modification s'est bornée à décider que cet emplacement " sera réduit mais permettra un cheminement piétonnier dans le cadre de déplacements doux ". Enfin, une délibération du 26 janvier 2017 a attribué le numéro 10 à cet emplacement réservé.

25. D'une part, l'article L. 153-47 du code de l'urbanisme donne compétence au seul conseil municipal pour adopter la modification d'un plan local d'urbanisme et la largeur de 1,90 mètre envisagée par le maire de Vexin sur Epte lors de l'ouverture de la procédure de modification du plan local d'urbanisme est donc dépourvue de valeur normative, seule la nécessité de permettre un cheminement piétonnier ayant été retenue par le conseil municipal.

26. D'autre part, en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier de la déclaration d'utilité publique que le projet litigieux empièterait sur l'emplacement réservé en cause même dans cette largeur de 1,90 mètre.

27. Enfin, en admettant même que l'emprise nécessaire à la réalisation du projet ne soit pas exactement conforme à l'emplacement réservé n° 10 et alors qu'une nouvelle desserte de la parcelle D 563 a été prévue au sud du projet, l'arrêté attaqué est cependant compatible avec le plan local d'urbanisme.

28. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité :

29. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique doit être écarté.

30. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

31. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts K... réclament au titre des frais liés au litige.

32. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des consorts K... la somme que la commune de Vexin-sur-Epte demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts K... est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Vexin-sur-Epte au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me H... B... pour M. D... K..., Mme F... K... épouse I... et Mme E... K... épouse J..., à la commune de Vexin-sur-Epte et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

N° 19DA00512

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00512
Date de la décision : 02/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-02;19da00512 ?
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