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18/02/2021 | FRANCE | N°19DA00747

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 18 février 2021, 19DA00747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aupi a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 11 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail en charge de l'unité de contrôle 01 de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier M. F... A... E... pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1701581 du 1er février 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentair

es, enregistrées les 28 mars 2019 et 17 octobre 2019, la société Aupi, représentée par Me D..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aupi a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 11 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail en charge de l'unité de contrôle 01 de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier M. F... A... E... pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1701581 du 1er février 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 28 mars 2019 et 17 octobre 2019, la société Aupi, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 11 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail en charge de l'unité de contrôle 01 de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier M. F... A... E... pour motif disciplinaire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Aupi a demandé, le 13 février 2017, à être autorisée à licencier à titre disciplinaire M. F... A... E..., recruté le 17 mai 2005 et ancien délégué du personnel suppléant, au motif que ce dernier aurait eu un comportement déplacé à l'égard de plusieurs de ses collègues. Par une décision du 11 avril 2017, l'inspecteur du travail en charge de l'unité de contrôle 01 de l'unité territoriale de l'Aisne a refusé de lui délivrer cette autorisation. La société Aupi relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. [...] ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail s'est rendu, les 3 et 16 mars 2017, au sein de la société Aupi pour y entendre M. A... E..., M. B..., directeur du site sur lequel travaille M. A... E..., et les cinq salariées dont les attestations avaient été transmises par ladite société au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement. Si aucun compte-rendu de ces échanges n'a été adressé à la société Aupi, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision attaquée, que la matérialité des faits fautifs reprochés aurait été appréciée au regard d'autres éléments que ceux figurant dans les cinq attestations mentionnées dont disposait déjà la société requérante. Dès lors, la société Aupi n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait méconnu le caractère contradictoire de son enquête. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'autoriser le licenciement de M. A... E..., l'inspecteur du travail a estimé que la matérialité des faits qui étaient reprochés à ce salarié n'était pas, au regard des cinq attestations produites par l'employeur, clairement établie. Il ressort de quatre de ces attestations, rédigées les 30 et 31 janvier 2017, qu'elles relatent des faits isolés datant de 2014 ou 2015 et sont très peu circonstanciées. La cinquième attestation relate des faits survenus le 30 janvier 2017. Elle fait état de " compliments déplacés envers une femme mariée ", d'une situation qui durerait " depuis plusieurs années ", du sentiment de la salariée de se sentir épiée et du fait que " lors d'une discussion entre collègues [M. A... E...] a voulu marier [sa] fille de quinze ans avec un collègue tout en insistant que la place de la femme est à la maison ". La société Aupi produit également un courrier du 24 mai 2017 de cette salariée adressé au procureur de la République qui reprend les mêmes éléments ainsi qu'une seconde attestation établie le 4 septembre 2019. Mais outre que ces dernières pièces sont postérieures à la décision attaquée, les faits relatés ne sont pas corroborés par les deux autres salariés qui y sont mentionnés et ne sauraient être regardés comme établis ainsi que l'a à bon droit estimé l'inspectrice du travail au terme de sa visite dans l'entreprise. Ainsi, la société Aupi n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait dénaturé le contenu des attestations qu'elle a produites. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont la décision attaquée serait entachée doit être écarté.

7. En dernier lieu, si la société Aupi soutient que l'inspecteur du travail a été au-delà de la mission qui lui incombait, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il lui appartenait bien de rechercher si les faits fautifs reprochés étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'inspecteur du travail doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aupi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. A... E....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... E... tendant à obtenir une somme au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Aupi est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... E... au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour la société Aupi, à Me C... pour M. A... E... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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N°19DA00747

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00747
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : JURILAW AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-18;19da00747 ?
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