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04/02/2021 | FRANCE | N°19DA02768

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 19DA02768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle la maire d'Etretat l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune d'Etretat de régulariser les traitements qui auraient dû lui être versés et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1802681 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision par laquelle

la commune d'Etretat a licencié Mme B... pour insuffisance professionnelle et a c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle la maire d'Etretat l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune d'Etretat de régulariser les traitements qui auraient dû lui être versés et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1802681 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision par laquelle la commune d'Etretat a licencié Mme B... pour insuffisance professionnelle et a condamné la commune à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2019 et 21 décembre 2020, la commune d'Etretat, représentée par Me Tugaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Kerglon pour la commune d'Etretat.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la commune d'Etretat pour un emploi saisonnier en qualité d'agent de surveillance de la voie publique du 30 mars au 30 septembre 2018. Le 30 avril 2018, par un courrier remis en mains propres, la commune a convoqué Mme B... à un entretien préalable à un licenciement, lequel s'est tenu le 7 mai suivant. Le 14 mai 2018, reçue à nouveau en entretien, Mme B... s'est vu signifier l'intention de la commune de la licencier et remettre ses documents de fin de contrat. Par un courrier du 16 mai 2018, que Mme B... indique avoir reçu le 24 mai suivant, la commune a notifié sa décision de licencier Mme B... pour insuffisance professionnelle, en la dispensant de l'exécution de son préavis de huit jours. La commune d'Etretat relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision de licenciement de Mme B....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

3. Pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme B..., la commune d'Etretat a retenu, dans sa décision attaquée du 16 mai 2018, que l'intéressée n'avait pas respecté des consignes données par les élus, notamment par M. A..., adjoint en charge de la police municipale, que les missions demandées d'information et d'assistance auprès des usagers des horodateurs n'avaient pas été assurées et qu'elle avait méconnu son devoir de réserve.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour étayer les motifs retenus dans sa décision du 16 mai 2018 en litige, la commune d'Etretat fournit, d'une part, une attestation datée du 10 janvier 2019 de M. A..., adjoint au maire en charge du personnel et de la police municipale d'Etretat, relevant " avoir à trois reprises rappelé à Mme B... après constat par moi-même de son absence à son poste de travail, sa seule mission dans le cadre de son emploi saisonnier. Sa mission était d'informer et d'assister les automobilistes lors de l'utilisation des horodateurs de la place De Gaulle et, sur la demande du policier municipal, lors de l'utilisation de celui de la place Victor Hugo ". D'autre part, la commune d'Etretat fournit une attestation datée du même jour établie par Mme C..., maire d'Etretat, qui indique avoir été informée des rappels à l'ordre effectués par M. A... et avoir constaté, en entrant dans le bureau de la police municipale, que Mme B... était " assise, les pieds installés sur une autre chaise ".

5. Toutefois, ces attestations, établies plusieurs mois après les faits constatés, sont, tout d'abord, imprécises sur les dates et l'étendue de la période, qui doit être suffisante, au cours de laquelle les manquements reprochés à Mme B... ont été établis. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a débuté ses fonctions le 30 mars 2018. Après une période d'essai de quinze jours, à l'issue de laquelle la commune d'Etretat n'a pas rompu le contrat qui la liait à Mme B..., l'intéressée a subi un accident de travail le 23 avril 2018 à la suite duquel elle a été placée en congé de maladie jusqu'au 30 avril 2018, date à laquelle la commune d'Etretat l'a convoquée pour un entretien préalable à un licenciement. En outre, si la commune d'Etretat soutient avoir découvert, au cours de l'entretien du 7 mai 2018, l'existence de la fiche de poste produite par Mme B..., laquelle mentionnait, outre le respect de la réglementation relative au stationnement, d'autres missions telles que la participation à des missions de prévention aux abord de lieux publics, elle ne conteste pas que celle-ci a pu lui être remise par son responsable hiérarchique direct, M. H..., chef de poste de la police municipale d'Etretat. Si la commune d'Etretat remet en cause le professionnalisme de ce dernier, les éventuels manquements qu'elle pourrait lui reprocher ne sauraient être imputables à Mme B.... Au demeurant, la commune d'Etretat ne conteste pas les propos de Mme B... consignés dans une main courante le 30 avril 2018, afin de déclarer sa blessure en service, aux termes desquels son intervention au sein de la brigade dite du " trou à l'homme ", le 23 avril 2018, a été sollicitée par la maire d'Etretat. Dans ces conditions, il ne ressort pas des dossiers que les missions de Mme B... auraient été limitées à l'information et à l'assistance des automobilistes lors de l'utilisation des horodateurs de la place De Gaulle et de la place Victor Hugo.

6. Par ailleurs, la circonstance que l'intéressée ait posé ses pieds sur une chaise dans le bureau de la police municipale, qui ne constitue pas, au demeurant, un manquement à son devoir de réserve, motif retenu dans la décision attaquée, ne saurait suffire, eu égard au caractère isolé de ce fait, à justifier le licenciement prononcé. Enfin, les autres manquements dont fait état la commune d'Etretat dans ses écritures, qui n'ont au demeurant pas été mentionnés dans la décision contestée, tirés notamment du fait que l'intéressée aurait suscité " des retours très négatifs émanant d'usagers des horodateurs ", de ce qu'elle aurait indiqué " en avoir marre du mauvais fonctionnement des horodateurs " ou qu'elle " n'hésitait pas à passer du temps dans les commerces, notamment ceux proposant des vêtements de mode ou encore à discuter sur la place aux côtés de M. H... " ne sont établis par aucune pièce du dossier.

7. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Etretat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour erreur d'appréciation, la décision du maire d'Etretat en date du 16 mai 2018 prononçant le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle.

Sur les conclusions d'appel incident formulées par Mme B... :

8. Un agent public irrégulièrement évincé a droit, non pas au versement du traitement dont il a été privé, mais à la réparation du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.

9. Il résulte de l'instruction que Mme B..., qui n'a pas sollicité la réparation d'un préjudice, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, du fait de l'absence de service fait, rejeté sa demande tendant au versement des traitements qu'elle estimait lui être dus jusqu'au 30 septembre 2018.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la commune d'Etretat et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Etretat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Etretat est rejetée.

Article 2 : La commune d'Etretat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par Mme B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Tugaut pour la commune d'Etretat et à Me I... pour Mme D... B....

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N°19DA02768

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02768
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EKIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;19da02768 ?
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