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21/01/2021 | FRANCE | N°20DA00539

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 janvier 2021, 20DA00539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2020 par lesquels la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000318 du 5 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2020, M. D..., représenté par Me C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2020 par lesquels la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2000318 du 5 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2020, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2020 par lesquels la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant arménien né le 15 juillet 1971, est entré sur le territoire français le 29 mars 2011, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2011, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile le 31 avril 2012. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 février 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 avril 2015. M. D... s'est par ailleurs vu refuser la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " par un arrêté du 24 septembre 2012, vainement contesté. M. D... a sollicité, le 4 mars 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusée par une décision assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en date du 21 mai 2013, vainement contestéee. M. D... s'est ensuite vu opposer à deux reprises, en 2015 et en dernier lieu le 24 mars 2017, des refus de titre de séjour sollicités sur le fondement des mêmes dispositions, et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La légalité de ces arrêtés a été confirmée par deux arrêts de la cour administrative d'appel des 26 novembre 2015 et 5 décembre 2017. M. D... a été interpellé par les services de gendarmerie de la Somme le 27 janvier 2020 dans le cadre d'une enquête ouverte des chefs de vol en bande organisée et association de malfaiteurs. Par deux arrêtés du 28 janvier 2020, dont M. D... demande l'annulation, la préfète de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Monsieur D... relève appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / (...)". Il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été mis en mesure de présenter ses observations lors de son audition par les services de gendarmerie le 27 janvier 2020, préalablement à l'édiction de la décision contestée, notamment sur sa situation au regard du droit au séjour et sur son état de santé. En tout état de cause, M. D... ne justifie pas d'éléments pertinents susceptibles d'influer sur le sens de la décision et dont il aurait pu se prévaloir auprès du préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties attachées au respect du droit d'être entendu doit être écarté.

5. En second lieu, s'il est constant que M. D... réside sur le territoire français depuis dix ans et qu'il est marié à une ressortissante arménienne, ces circonstances ne font pas obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise en Arménie où le requérant a vécu jusque l'âge de trente-neuf ans. Il ne fait état d'aucune insertion professionnelle ou sociale particulière. En outre, le requérant a fait l'objet de plusieurs décisions de refus de titre de séjour assorties de décisions portant obligation de quitter le territoire français auxquelles il n'a pas déféré. Dès lors, en édictant l'arrêté contesté, la préfète de la Somme n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle doit être écarté.

6. M. D... est atteint d'apnée du sommeil ainsi que d'hypertension artérielle. Il soutient que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à deux reprises, par un arrêt de la première chambre de la cour du 26 novembre 2015 et une ordonnance du Président de la cour du 5 décembre 2017, il a été jugé que le défaut de prise en charge de la pathologie de M. D... peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il n'établit, ni même n'allègue l'indisponibilité des traitements, par la seule production de ses compte rendus d'hospitalisation, des certificats médicaux indiquant que M. D... doit être suivi pour ses affections ainsi que des prescriptions médicamenteuses. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, la décision portant assignation à résidence vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les éléments de la situation du requérant. Par conséquent, elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

9. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., la préfète de la Somme a indiqué, dans son arrêté, que le requérant ne peut quitter immédiatement le territoire français. M. D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait pu quitter immédiatement le territoire ou que son éloignement ne demeure pas une perspective raisonnable. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'exécution de la mesure d'éloignement doit être écarté.

10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai notifié le même jour à 17 heures 20. Par conséquent, il entre dans le champ d'application du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant au risque de soustraction à l'obligation de représentation doit être écarté.

11. En quatrième lieu, si M. D... soutient que son état de santé ne lui permet pas de se présenter tous les jours au commissariat de police, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie cardiaque dont il souffre l'empêcherait de se déplacer et de se présenter quotidiennement aux services de police. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de M. D... doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence est entachée d'illégalité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garcia et avocats pour M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

2

N°20DA00539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00539
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-21;20da00539 ?
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