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21/01/2021 | FRANCE | N°19DA01412

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 21 janvier 2021, 19DA01412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1700927 du 23 avril 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2019 et 30 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :<

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1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1700927 du 23 avril 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2019 et 30 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département de l'Eure à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'un harcèlement moral ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Eure les dépens et une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L 8-1 du code des tribunaux et cours administratives d'appel.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1983 ;

- l'ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... A..., présidente de chambre,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour le conseil départemental de l'Eure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., attachée territoriale, est affectée dans les services du département de l'Eure depuis 2003 en qualité de rédactrice, puis à partir de 2007 en qualité d'attachée territoriale. Mme E... a demandé au département de l'Eure d'indemniser les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral. Par un courrier du 17 janvier 2017, le département de l'Eure a explicitement rejeté cette demande. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 23 avril 2019 rejetant sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; : 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. En premier lieu, si un élu a exprimé en 2007 son interrogation quant au cumul, à l'époque, par Mme E... de fonctions administratives au sein du département et de fonctions électives municipales, cet élément ne révèle pas, par lui-même, l'existence d'une situation de harcèlement. Par ailleurs, si Mme E... indique avoir déposé une déclaration de main courante pour des faits d'agression sexuelle, elle n'apporte aucune précision quant aux faits et quant à leur lien éventuel avec la situation de harcèlement qu'elle invoque.

5. En deuxième lieu, après avoir travaillé à la direction des ressources humaines, Mme E... a successivement occupé, depuis 2007, à sa demande, les postes de chargée de mission auprès du directeur général adjoint chargé des investissements, de chef de projet éducation près de la direction éducation jeunesse et sport, de chargée de mission information et communication au centre de documentation et de communication interne et est, depuis 2014, chargée de missions innovation et modernisation près le délégué des ressources et des finances. Elle fait néanmoins état d'une insatisfaction récurrente dans l'ensemble de ces postes, dont le caractère systématique ne peut être exclusivement rapporté à une dégradation de ses conditions de travail et à du harcèlement. Dans ses dernières fonctions, il résulte des fiches de poste et des feuilles de notation, que le département justifie lui avoir confié des missions dénommées " e-learning ", " préparation concours ", " open data ", " parapheur électronique ", " RSE ", " animation des réseaux ", " assistance à maîtrise d'ouvrage ", " vente aux enchères ", " SDIS " et chef de file de la mission " affranchissement ". Il n'apparaît pas que ces missions ne seraient pas, comme elle le soutient, en adéquation avec son grade. Si les échanges de courriels avec les différents acteurs de ces projets, et notamment son supérieur hiérarchique, font état d'un rôle secondaire, cette situation doit être mise en corrélation avec les fréquentes absences de la requérante pour motif de santé, qui ont pu s'avérer dommageables pour l'avancée des projets qui lui auraient été confiés.

6. En troisième lieu, s'il est constant que des documents personnels relatifs à la requérante ont été découverts sur l'ordinateur portable professionnel appartenant à l'une de ses collègues, sa hiérarchie a reçu Mme E... en entretien à la suite de cet incident en lui demandant les suites qu'elle souhaitait y donner. Par ailleurs, Mme E... estime être victime d'un acharnement de son supérieur hiérarchique. Si le courrier électronique de juillet 2015 adressé par ce dernier au directeur de cabinet du président du conseil départemental de l'Eure, faisant référence à son engagement politique et à sa candidature à des élections municipales tout en précisant qu'elle a " un lourd passif dans la collectivité " est regrettable, ce supérieur s'en est ensuite expliqué et excusé. Certains des propres courriels de Mme E... témoignent d'une remise en cause des missions qui lui sont confiées. Enfin, le département de l'Eure fait valoir, sans être contredit, que Mme E... appartient au même courant politique que la majorité départementale et que, dès lors, elle n'a subi aucune discrimination de nature politique.

7. En quatrième lieu, le département souligne, sans être contredit que, Mme E... a effectué toute sa carrière au sein de la collectivité, où elle a bénéficié d'un avancement de grade de rédacteur territorial à attaché territorial. Il résulte également de l'instruction que ses fiches d'évaluation, à l'exception de celle de l'année 2010, lui sont favorables. Si Mme E... reproche au département d'avoir refusé à deux reprises, sans explications, de l'affecter à la maison départementale des personnes handicapées en dépit des avis favorables du directeur des ressources humaines en poste en 2007 et du président de cette structure en 2012 alors qu'en 2007, un agent de catégorie B a été sélectionné pour ce poste, un poste lui y a été proposé en 2015, qu'elle a refusé.

8. En cinquième lieu, Mme E... a bénéficié de nombreuses formations. Elle fait valoir n'avoir pu achever sa formation de master 2 en raison d'un refus de lui en rembourser les frais. Toutefois, le département indique, lui, avoir financé intégralement les frais de scolarité de Mme E... et ne pas lui en avoir demandé le remboursement en dépit de l'abandon de cette dernière en cours de formation.

9. En sixième lieu, Mme E... a consulté la médecine de prévention pour détresse au travail en 2014. Elle a ensuite été placée en arrêt de travail pour " angoisse et anxiété " en juillet 2015. En mars 2016, elle a tenté de se suicider sur son lieu de travail en laissant une lettre incriminant ses collègues et son supérieur hiérarchique. La notice médicale rédigée le 5 avril 2016 fait également état " d'un effondrement psychique due à une situation professionnelle ". Enfin, l'expertise médicale du 30 juin 2017 conclut que " l'aptitude au travail est conservée mais ce sont les conditions de travail actuelles, en particulier milieu discriminatoire, qui rendent l'agent inapte au travail ". Toutefois, ces éléments ont été établis sur la base des déclarations de la requérante. Alors que ses difficultés psychologiques remonteraient à 2007 selon le rapport d'expertise médicale du 30 juin 2017 et ont perduré au fil des différents postes qu'elle a occupés sans que les pièces du dossier ne fassent apparaître que Mme E... ait demandé l'imputabilité au service de sa maladie, le lien entre le service et l'état dépressif de Mme E... n'est pas établi.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que si le caractère ponctuel des tâches qui lui sont confiées et le suivi précis de son activité par son supérieur hiérarchique sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ces circonstances sont justifiées par des considérations étrangères à tout harcèlement. Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir être victime d'agissements répétés de harcèlement moral ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

11. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande visant à rechercher la responsabilité du département de l'Eure à raison d'un harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de l'Eure qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme E... une somme sur le fondement de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour Mme C... E... et à Me B... pour le département de l'Eure.

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N°19DA01412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01412
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL TAFFOU-LOCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-21;19da01412 ?
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