Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Templeuve Distribution a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 pour l'établissement qu'elle exploite 29 avenue du Maresquel à Templeuve (Nord).
Par un jugement n° 1506138 du 12 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juin 2018 et le 21 décembre 2018, la SAS Templeuve Distribution, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Templeuve Distribution exploite un magasin de grande surface de vente au détail à Templeuve (Nord). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant, en matière de taxe sur les surfaces commerciales, la période couvrant les exercices clos en 2010 et en 2011. L'administration a estimé, au terme de ce contrôle, que la SAS Templeuve Distribution aurait dû être assujettie, à raison de son magasin, à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de ces deux exercices et a remis ainsi en cause l'exonération sous laquelle elle s'était placée. Malgré les observations formulées par la SAS Templeuve Distribution, l'administration a maintenu sa position, de sorte que les rappels de taxe sur les surfaces commerciales envisagés au titre des deux années en cause ont été mis en recouvrement le 9 février 2012 pour un montant total de 303 334 euros exempt de majorations et d'intérêts de retard. La SAS Templeuve Distribution relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur les surfaces commerciales.
Sur les conclusions de la requête tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales établi au titre de l'exercice clos en 2011 :
2. La taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sans qu'aient d'incidence à cet égard les dispositions de l'article 7 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 qui prévoient que les réclamations relatives à cette taxe " sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables " à la taxe sur la valeur ajoutée. Le tribunal administratif statue, dès lors, en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la taxe sur les surfaces commerciales établie au titre des années 2011 et suivantes.
3. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est ainsi prononcé en premier et dernier ressort sur les conclusions de la SAS Templeuve Distribution tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011. Ce jugement ne pouvait, par suite, être contesté, dans cette mesure, que par la voie d'un pourvoi en cassation. Il y a, dès lors, lieu de transmettre, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, ces conclusions au Conseil d'Etat.
Sur les conclusions de la requête tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales établi au titre de l'exercice clos en 2010 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Par le jugement attaqué du 12 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a statué seul sur les conclusions de la demande de la SAS Templeuve Distribution tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010. Or, le litige introduit par la SAS Templeuve Distribution devant le tribunal administratif de Lille, qui, en tant qu'il concernait l'année 2010, n'était pas au nombre des litiges relatifs aux impôts locaux dès lors que le produit de la taxe établie au titre de cette année demeurait affecté à l'Etat, ne relevait d'aucune des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, en vertu desquelles un magistrat désigné par le président du tribunal administratif pouvait statuer seul. Il suit de là que le jugement attaqué a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée. Il y a, dès lors, lieu de l'annuler, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions ainsi présentées par la SAS Templeuve Distribution devant le tribunal administratif de Lille, tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En vertu de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, qui a instauré la taxe sur les surfaces commerciales, sont assujettis à cette taxe, assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, les établissements de cette nature, quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite, qui ont été ouverts à partir du 1er janvier 1960 et dont la surface de vente excède 400 mètres carrés.
6. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que la SAS Templeuve Distribution a repris, au cours de l'année 1989, l'exploitation du supermarché situé 29 rue du Maresquel à Templeuve, qui fait l'objet du présent litige, en succédant à la société Les Etablissements Dufaux, qui en assurait jusqu'alors la gestion et qui l'avait fait édifier en octobre 1983. Dans ces conditions, s'il résulte également de l'instruction que la société Les Etablissements Dufaux avait débuté ses activités commerciales en 1928 par l'ouverture, à Lille, d'un premier magasin de vente de détail et qu'elle avait ensuite créé, en 1955, une succursale dans des locaux situés 7 rue de Roubaix à Templeuve, elle n'a ouvert le supermarché qui fait l'objet du présent litige, afin d'y transférer le lieu d'exercice de ses activités commerciales, qu'en mars 1984. Ainsi, ce magasin doit être regardé comme ayant été ouvert, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 rappelées au point précédent, après le 1er janvier 1960, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait que la société qui exploitait celui-ci à son ouverture, en mars 1984, avait elle-même débuté ses activités à une date bien antérieure au 1er janvier 1960. Il suit de là que l'administration a pu légalement estimer, alors qu'il est constant que la surface de vente de ce magasin excède 400 mètres carrés, que la SAS Templeuve Distribution devait être assujettie, à raison de ce magasin, à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de son exercice clos en 2010.
En ce qui concerne l'invocation d'une prise de position formelle sur une situation de fait :
7. Le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales impose à l'administration de ne procéder à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Le 1° de l'article L. 80 B de ce livre autorise le contribuable à se prévaloir de la garantie ainsi énoncée au premier alinéa de l'article L. 80 A lorsque l'administration a formellement pris position, en toute connaissance de cause, sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.
8. La SAS Templeuve Distribution se prévaut de la prise de position exprimée dans un courrier que lui a adressé, le 26 septembre 1995, l'organisme alors chargé du recouvrement de la taxe sur les surfaces commerciales, à savoir l'Organic, selon laquelle elle n'est pas redevable de cette taxe, dès lors que la date d'ouverture initiale du magasin qu'elle exploite est antérieure à 1960. Elle se prévaut, en outre, de ce que la Caisse nationale du régime social des indépendants, qui a succédé à cet organisme dans cette mission, a confirmé expressément cette prise de position par une attestation émise le 11 août 2011, qui précise que la SAS Templeuve Distribution s'est conformée à son obligation de déclaration en ce qui concerne son supermarché et que, selon les informations communiquées à la Caisse et eu égard notamment au fait que ce magasin a été ouvert le 1er janvier 1928, cette société n'est pas redevable à la taxe sur les surfaces commerciales à raison de celui-ci.
9. Toutefois, la prise de position ainsi invoquée repose explicitement sur la prise en compte d'une circonstance de fait inexacte, à savoir que le magasin exploité par la SAS Templeuve Distribution a été ouvert à une date antérieure au 1er janvier 1960, alors que, comme il a été exposé au point 6, ce supermarché n'a été, en réalité, ouvert qu'en mars 1984. Or, cette circonstance de fait erronée est en lien direct avec les conditions d'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales. Dès lors, à supposer même que cette prise de position puisse être regardée comme ayant été émise à une date antérieure à l'année d'imposition en litige et comme constituant une position formelle émanant de l'administration au regard du texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, elle ne peut être regardée comme ayant été exprimée en toute connaissance de la réalité de la situation de fait de la SAS Templeuve Distribution, de sorte que cette dernière n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de ces dispositions.
En ce qui concerne les autres moyens :
10. Pour les motifs qui viennent d'être énoncés au point précédent, la SAS Templeuve Distribution ne peut invoquer la position, mentionnée au point 8, prise au vu d'informations inexactes par les organismes précédemment chargés du recouvrement de la taxe sur les surfaces commerciales, pour soutenir qu'en remettant en cause le régime d'exonération sous lequel elle s'était placée, l'administration aurait porté atteinte à une situation juridiquement constituée et dans laquelle elle pouvait légitimement escompter se maintenir. Il suit de là que les moyens tirés de ce que l'administration aurait, ce faisant, méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique doivent être écartés. Il en est de même, dès lors que la SAS Templeuve Distribution ne peut soutenir que l'administration aurait ainsi remis en cause des droits protégés par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations. Enfin et dans ces conditons, dans le cadre du droit de reprise qui lui est ouvert, l'administration a pu à bon droit et sans méconnaître les devoirs de cohérence et de loyauté auxquels elle est tenue à l'égard des contribuables, rectifier en 2011 des éléments déclarés par la SAS Templeuve Distribution en ce qui concerne l'année 2010, selon lesquels le magasin qu'elle exploite pourrait bénéficier d'une exonération.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Templeuve Distribution n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, dès lors que l'Etat ne peut être regardé en l'espèce comme ayant la qualité de partie perdante au sens et pour l'application de ces dispositions, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la SAS Templeuve Distribution tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le jugement n° 1506138 du 12 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de la SAS Templeuve Distribution tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la demande présentée par la SAS Templeuve Distribution devant le tribunal administratif de Lille tendant à la décharge du rappel de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010 sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Templeuve Distribution et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA01210